A la demande officielle de Kinshasa, le Fonds monétaire international (FMI) a passé au scanner les investissements publics en République Démocratique du Congo (RDC). Les résultats de cette étude demandée par l’argentier Congolais, Nicolas Kazadi Okito, et menée pendant près d’un mois par cette institution de Bretton Woods dressent un état des lieux des plus sévères. Coulée noir sur blanc dans un document intitulé » Rapport d’assistance technique – Évaluation de la gestion des investissements publics en RDC », cette étude, pilotée par l’économiste français Fabien Gonguet (Ndlr : Économiste au sein de la division Gestion des finances publiques du Département des finances publiques du FMI) et ancien employé du Trésor français, où il s’était concentré sur les prévisions de recettes, la politique fiscale et l’analyse de la politique budgétaire), a mis en évidence une dizaine de réformes à mener prioritairement pour renforcer l’efficacité des dépenses publiques. A en croire Jeune Afrique Économie qui livre cette information, les équipes du Fonds ont relevé notamment : 1) Le très faible niveau des investissements du Gouvernement de la République – estimés à 4% du Produit intérieur brut (PIB) depuis 2003 ; 2) Un niveau inférieur de près de moitié aux moyennes dans les pays d’Afrique subsaharienne et au sein des pays à faibles revenus, selon le rapport daté de janvier 2023 ; 3) Le stock de capital par habitant, estimé à environ 200 dollars américains et constitué dans le pays qui est l’un des plus faibles au monde ; 4) Des procédures inefficientes ou inexistantes ; 5) L’accès et la qualité des infrastructures financées par ces investissements »’ sont très faibles, avec des risques importants de détérioration » ; 6) Les ressources nécessaires à leur entretien et à leur maintien sont rarement budgétisées. Cette liste n’est pas exhaustive. Ce qui explique que » faute d’efforts suffisants d’entretien, les réseaux routiers, d’électricité, d’eau souffrent de vétusté et de pertes en ligne », ont révélé avec beaucoup de regret les collaborateurs de l’institution multilatérale, dirigée par la Bulgare Kristalina Georgieva.
Parmi les faiblesses identifiées dans la politique des investissements publics, le FMI a noté, pêle-mêle, le manque de clarté, voire l’inexistence de règles, qu’il s’agisse » d’évaluation, de sélection et de suivi des projets d’investissement ». Cela va du » manque d’information sur les besoins en investissement dans les stratégies nationales et sectorielles » à » l’absence de critères clairs de sélection des projets », sans oublier » la lourde part des procédures de gré à gré dans la passation de marchés publics », et » la rareté des rapports de suivi physico-financier des projets ».
» La multiplication des comités ad hoc et des agences impliquées dans la gestion et la supervision des investissements, parfois indispensables pour parer aux inefficiences des procédures en place, » dilue les capacités techniques nécessaires à la bonne gestion des projets », ont ajouté les analystes du FMI, dont la mission a bénéficié de financements du Gouvernement du Premier ministre japonais, Fumio Kishida, et du Centre régional d’assistance technique du FMI en Afrique centrale, dirigé par Philippe Egoumé, ancien représentant-résident du Fonds à Kinshasa.
Plan d’actions prioritaires 2022-2024
Pour corriger ces faiblesses, l’institution internationale, née en juillet 1944 lors de la conférence de Bretton Woods, recommande sept (7) réformes de » haute priorité ». Parmi lesquelles, on retiendra : 1) L’adoption d’un décret sur la gestion des investissements publics » couvrant toutes les phases du cycle des projets » ; 2) La création d’un » Bureau unique de coordination et de suivi des projets sur financement extérieur », placée éventuellement sous la tutelle du ministère des Finances ; 3) L’intégration » des besoins chiffrés et [des] coûts envisagés des investissements dans les documents de planification stratégique » ; 4) Le développement et la publication d’un programme d’investissement public » triennal et réaliste », qui soutienne » un processus plus transparent de sélection des projets » ; 5) La mise en place d’une » banque intégrée des projets » ; 6) La coordination des investissements en capitaux » entre pouvoir central et provinces », ainsi que l’adoption d’une méthode de budgétisation en deux temps par » autorisations d’engagement et crédits de paiement », ainsi que » la bascule vers le budget programme », et enfin ; 7) Le renforcement de » la transparence et de la concurrence dans la passation de marchés publics ».
Pour mettre en œuvre ces réformes et assurer leur suivi, les équipes du Fonds ont également produit un » Plan d’actions prioritaires 2022-2024 », mis à la disposition du Gouvernement Sama Lukonde Kyenge. Selon le FMI, les responsables congolais ont fait preuve d’une » grande disponibilité » durant ces échanges. Reste désormais à savoir si cette dernière débouchera sur la réalisation concrète de ce Plan.
Il sied de noter que cette mission a été réalisée principalement à distance, du Ministère des Finances à la Présidence de la République, en Mars 2022 mais les conclusions ont été disponibles que maintenant. Durant leur séjour dans la capitale congolaise, les analystes du FMI ont pu échanger avec Godefroid Misenga, Coordinateur du Comité d’orientation de la réforme des Finances publiques (COREF), ainsi qu’avec les équipes du ministre du Budget, Aimé Sangara Boji, et de son collègue du Plan, Christian Mwando Nsimba, qui a déposé récemment le tablier.
Les équipes dépêchées par le Fonds ont aussi discuté avec les représentants de services rattachés au Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge dont l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), et au chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. En particulier ceux de la Coordination des ressources extérieures et du suivi des projets, pilotée par Joe Dumbi Kabangu, et du Conseil présidentiel de veille stratégique (CPVS), dirigé par François Muamba Tshishimbi qui n’est plus à présenter.
Dieudonné Buanali