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Artisanat minier au Lualaba – Le règne du chaos : Interview exclusive avec Donat Kambola, expert basé à Kolwezi

L’artisanat minier est-il le maillon faible de cette chaîne qu’est l’exploitation minière en RDC ? Le secteur, encadré par loi, n’arrive toujours pas à se débarrasser du désordre ambiant qui l’a caractérisé par le passé, à Kolwezi notamment. Pourtant, en le rendant légal, le législateur visait mettre de l’ordre dans le secteur de l’artisanat minier et en faire une niche de belles opportunités. Aujourd’hui, quel est l’état de la question ? Géopolis Hebdo a donné le micro à un expert. Donat Kambola, coordonnateur de l’initiative pour la bonne gouvernance et les droits humains (IBGDH) qui est basé à Kolwezi, a estimé que le secteur de l’exploitation minière artisanale est caractérisé par un désordre généralisé.

Interview

Géopolis Hebdo : Vous qui venez de Kolwezi, vous suivez de près les questions minières, quel état des lieux faites-vous de l’artisanat minier aujourd’hui dans le Lualaba ? on sait que par le passé un désordre généralisé entourait l’exploitation minière artisanale jusqu’à causer des morts…

Donat Kambola : Le secteur minier artisanal a été réglementé depuis le code minier de 2002. Il a été renforcé, en terme de réglementation, dans le code minier de 2018. Les problèmes qui ont caractérisé le secteur minier artisanal ce sont : les mauvaises conditions de travail pour les artisanaux ; la question de fraude, la corruption, l’absence des zones d’exploitation. Aujourd’hui, quel bilan L’IBGDH fait sur la question ? Je crois qu’on a plutôt reculé au lieu d’avancer, parce que depuis deux ans, le gouvernement provincial n’a aucune vision pour l’exploitation minière artisanale. Le système de fraude est vécu avec acuité. C’est vrai qu’on vous dira qu’on est en train de tracer le cobalt, mais c’est au prix de l’artisanat minier dont les conditions de travail ne se sont pas améliorées. Vous allez trouver des points de 30 mètres de profondeur, la question de balance revient toujours. Bref, la réglementation du marché même pour savoir qui fixe les prix et selon quelles conditions, demeure. Le tableau est malheureusement sombre, malgré ce qu’on nous dit, notamment sur l’augmentation des revenus dans le secteur minier artisanal en province. Mais ces questions de droits humains, ces questions de redévabilité, de transparence, demeurent. Voilà pourquoi je considère que quelle que soit la réforme de la loi, le terrain démontre le contraire. Le secteur ne s’est pas amélioré.

GH: La loi prévoit la création des Zones d’exploitation artisanale. Ces Zones ont -elles déjà été créées pour régler notamment les conflits entre les artisanaux et les industriels, qui se soldait, par le passé, par mort d’homme ?

DK : L’éternel problème des Zones d’exploitation artisanale dans le Lualaba demeure. L’État n’a créé aucune Zone d’exploitation artisanale qui soit conforme à la loi. Par conséquent, les artisanaux sont toujours en train de s’introduire dans les sites industriels. Et d’ailleurs, si on parle d’exploitation artisanale, vous verrez que cela se passe dans des sites industriels, les sites couverts par les permis d’exploitation et les entreprises tolèrent plus ou moins cette situation, mais c’est une tolérance imposée par les politiciens. Il y a une forte présence des proches des acteurs politiques. Du coup, tous les exploitants chinois ou libanais qui interviennent dans le secteur minier, ont leurs « parapluies » ( leurs protecteurs) qui les couvrent à Kinshasa et sur terrain, c’est le désordre, le chaos. A défaut des Zones d’exploitation artisanale, c’est la fraude que subissent les industriels. L’État n’a malheureusement pas créé des Zones d’exploitation artisanale.

Vous venez de dire que les artisanaux travaillent dans des mauvaises conditions, l’IBGDH sensibilise- t- elle les « creseurs » sur les dangers qu’ils encourent en travaillant par exemple sans matériels adéquats ?

DK: Vous savez, ce discours – là, il est bon, mais il n’est pas réaliste, parce qu’on dit : « vente affamé, n’a point d’oreille ». Nos compatriotes qui sont dans l’exploitation artisanale sont très conscients des risques et toutes les difficultés qui caractérisent leur travail, mais, il n’ont pas de choix, parce qu’ils doivent survivre et pour ce faire, le moyen qui s’offre à eux c’est l’exploitation minière artisanale. Ce qui fait que les gens vont dans cette exploitation malgré les risques. Par contre, l’État ne les accompagne pas. C’est pourquoi nous nous posons la question de savoir quelle est la vision minière de la RDC, quelle est la vision minière du gouvernement provincial de Lualaba pour le secteur minier artisanal…

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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