Dans le cadre de la poursuite des festivités marquant le premier cinquantenaire de son existence, l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication, en sigle IFASIC, a organisé, ce jeudi 28 septembre 2023, une conférence-débat autour du thème » Budget 2024 ; Dans le contexte d’une économie fortement dollarisée et sous-bancarisée. Les résiliences congolaises. » avec comme orateur du jour le professeur Faustin Luanga Mukela, économiste de formation, haut fonctionnaire international, homme d’État et ambassadeur itinérant du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo depuis le 4 juin 2021. Mise en place terminée, hymne national de la République Démocratique du Congo (RDC), hymne de l’IFASIC, suivi par la chanson » Congo-Avenir » du feu Tabu Ley Rochereau interprétée avec maestria par la chorale de cette alma mater. Premier à prendre la parole, le Recteur de l’IFASIC, le professeur Jean-Richard Kambayi Bwatshia, a prononcé son mot de circonstance avant de souhaiter la bienvenue à l’hôte de marque de son institution. Puis, le professeur Jean-Chrétien Ekambo Duasenge va le succéder à la tribune pour présenter brièvement à la communauté académique et scientifique l’orateur du jour. Après cette brillante présentation faite dans la salle Malembe Tamandiak qui rappelle aux uns et aux autres l’histoire glorieuse de cet Institut, place à la conférence.
» Le budget d’un pays, partout dans le monde, est toujours contextualisé », a déclaré d’entrée de jeu l’économiste doublé de sa casquette de professeur Faustin Luanga qui a, pendant une demi-heure, parlé et suscité le débat à l’issue de cet exercice de redevabilité citoyen de la transmission du savoir aux générations futures. Face aux besoins multiples et aux moyens souvent limités ou insuffisants, il convient, pense l’orateur du jour, de faire toujours des allocations, des arbitrages et discussions autour de l’autorité budgétaire qui est le Parlement congolais (Assemblée nationale et Sénat). Qu’en est-il du projet de loi des Finances 2024 ? A combien se chiffre-t-il en recettes et dépenses ? Le projet de loi des Finances 2024 présenté en équilibre, en dépenses et en recettes, à hauteur de 40.464 milliards CDF (16, 185 milliards de dollars américains), soit un accroissement de 24,7% par rapport à l’exercice 2023, est une reconduction de la loi de Finances de 2023 dont les recettes » peinent » à être mobilisées. Le taux de change moyen a été fixé à 2.528 CDF pour 1 USD. » Si le taux de change se fluctue, ce budget sera impacté », a-t-il alerté. Comment le pays va-t-il résister à cette fluctuation et tant d’autres ?
» Près du tiers du budget 2024, soit 33%, proviendra de l’extérieur. C’est une fragilité qu’il faut conceptualiser », a indiqué le professeur Luanga. Avant de rappeler le contexte dans lequel ce budget a été élaboré : 1) Les élections générales de décembre 2024 ; 2) Les 9èmes jeux de la Francophonie ; 3) La guerre à l’Est et l’insécurité à Kwamouth occasionnée par le phénomène Mobondo ; 4) Le pays vient de sortir de la pandémie de COVID-19 qui a occasionné le ralentissement de l’économie mondiale, et enfin ; 5) Le Programme de développement local de 145 territoires (PDL 145T).
S’agissant de la dédollarisation de l’économie Congolaise, celle-ci, à en croire ce professeur d’universités, fait que la politique monétaire échappe totalement au contrôle de Kinshasa. Le dollar américain n’étant pas la monnaie nationale, quand il se déprécie aux États-Unis d’Amérique, parallèlement, il affecte des pays tels que la RDC dont la monnaie nationale, le Franc congolais, n’est pas convertible sur le plan international.
» Nous produisons ce que nous ne consommons pas et importons ce que nous ne produisons pas », a rappelé le prof. Luanga Faustin. Poursuivant sa communication, il a fait savoir que la RDC est très dépendante des importations et du dollar américain. Des pans entiers de l’économie Congolaise dépendent aussi, selon lui, des capitaux étrangers. Il s’agit des secteurs des mines, télécoms, banques, BTP, transport aérien, assurances et réassurances, pour ne citer que ceux-ci.
» Face à l’affaiblissement du système des Nations-Unies, au retour de la guerre froide entre l’Occident et l’Orient via l’Ukraine et la Russie, à la montée en puissance de l’économie Asiatique, à la fragmentation économique et regulatoire sur le continent africain dans un monde globalisé et globalisant, la RDC ne doit plus continuer à élaborer son budget de cette manière », a dit le professeur Luanga. Il lui faut un budget-programme, dépenser sur base caisse et une économie qui s’intègrent dans le monde.
» Nous avons des richesses que nous n’arrivons pas à transformer sur place faute d’intelligence économique, c’est-à-dire notre capacité à transformer les matières premières en biens et services au profit du bien-être collectif car, celui qui a l’information possède l’avantageénorme dans un monde globalisé. A titre illustratif, Faustin Luanga a donné l’exemple de l’espace aérien congolais qu’il considère comme une mine d’or mais malheureusement, laissé totalement à l’abandon dans un pays enclavé et grand comme le Congo. On ne peut pas laisser notre espace aérien entre les mains des compagnies aériennes étrangères. » Fallait-il le donner à Rwand’air ? Non. Le permettre, c’est donner gratuitement notre espace aérien à l’étranger. » Exploitons-le comme nous exploitons déjà le sous-sol ». Tel a été son conseil à ce sujet. Idem pour les eaux douces du Congo pour améliorer les taux de la desserte en eau et en électricité, des forêts congolaises pour une économie verte, l’économie du futur, du secteur des télécoms avec l’avènement des Big data pour une utilisation économique et stratégique, de la propriété intellectuelle qui génère beaucoup des moyens pour le trésor public sous d’autres cieux comme au japonais. Mais comment mettre l’intelligence au service de l’économie ?
A cette question, le professeur Luanga n’est pas allé par le dos de la cuillère. Il a conseillé de changer la manière de faire les affaires en recourant aux quatre modèles de réussite suivants : 1) Business to business (BtoB), 2) Business au Gouvernement et vice-versa, 3) Gouvernement au Gouvernement et enfin, 4) Gouvernement aux consommateurs. Ce sont des possibilités, mieux des potentialités, car l’économie du futur appartiendra à celui qui maîtrise le savoir.
Il s’agissait pour le professeur Luanga Faustin de cogiter avec la communauté scientifique et académique de l’ex ISTI sur quelle manière, à partir du budget national, le Gouvernement de la République pouvait structurer l’économie Congolaise afin d’améliorer le bien-être collectif. Pourquoi ? Réponse avec notre brillant orateur : » Parce que ce budget reflète la vision du Gouvernement pour l’avenir du pays. Il y a l’aspect recettes, il y a l’aspect dépenses (…). L’économie Congolaise, de façon générale, est mal structurée depuis l’époque coloniale. Il faut réfléchir profondément sur comment la réorganiser afin qu’elle devienne résiliente. Le peuple Congolais est résilient sur différents aspects. Quand vous regardez, tout le monde est devenu (presque) commerçant en essayant d’améliorer ses maigres moyens. Il faut réorganiser l’économie pour faire prévaloir les intérêts de l’État ».
Dans cette affaire, le Gouvernement Sama Lukonde a essayé tant bien que mal, sous le leadership du Président Félix Tshisekedi, mais comme tout le monde le sait, son mandat est arrivé à terme. » Il doit y avoir une réflexion profonde pour l’avenir de ce pays s’il arrive à être réélu, ce que je crois. Il faut que l’on pense à l’avenir. Parce que, le Congo mérite mieux, un développement rapide », a-t-il plaidé.
Quelle est la recette que vous proposez ? A cette question de la presse, l’ambassadeur itinérant du chef de l’État Faustin Luanga a répondu en ces termes : » 16 milliards de dollars américains, c’est peu pour un pays immensément riche comme le nôtre. Nous devons récupérer les leviers de notre économie nationale, s’approprier l’économie du pays, nos minerais, les richesses congolaises au lieu de les laisser entre les mains des expatriés ».
Pour ce faire, l’expert économiste et professeur d’universités a proposé quelques pistes de solutions dont notamment : 1) La révision du code des investissements 20 ans après (Loi n° 004 du 21 février 2002 portant code des investissements); 2) Forcer le partage des richesses avec les investisseurs et tous ceux qui vont venir après; 3) Renforcer la loi sur la sous-traitance dans le secteur privé (Loi n° 17/001 du 08 février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé) afin de créer beaucoup de millionaires Congolais afin d’avoir des riches Congolais car, il y en a pas assez. On ne peut pas développer le Congo sans les millionnaires Congolais. Il faut les créer et c’est rôle dévolu à l’État.
Un mot sur la monnaie nationale le Franc Congolais ? » La monnaie, c’est le sang de l’économie d’un pays. Il faut réfléchir profondément sur comment s’approprier et renforcer le Franc Congolais. Il faut la transformation, la captation de la chaîne de valeurs, approfondir des réflexions par secteur et surtout, les mines dont les minerais stratégiques, commencer par les transformer sur place afin de créer de la valeur ajoutée. Idem pour le secteur agricole avec le café, le thé, le manioc, le riz, les fruits… Pourquoi pas dans les secteurs des télécoms et de l’industrie de pointe avec la fabrication des batteries électriques ».
Bref, nous devons faire mieux pour un Congo nouveau. Mais comment faire face à la corruption qui gangrène l’économie Congolaise ? » Vous savez, le Président a fait de la lutte contre la corruption l’un de ses chevaux de bataille. L’Inspection Générale des Finances (IGF), le gendarme financier, essaye de la combattre avec la patrouille financière. Il ne faut pas voir la corruption seulement au niveau de l’État, il y en a aussi au sein des universités et instituts supérieurs, familles… et dans le secteur privé. Chacun de nous doit la combattre sous toutes ses formes comme un cancer à éradiquer dans le pays », a-t-il martelé avant d’annoncer la bonne morale : » C’est de la responsabilité de tout le monde. Pas seulement du Gouvernement. Je pense que c’est un mécanisme de survie. Pourquoi ? Parce que les gens se laissent corrompre. Essayons d’améliorer leurs conditions de travail et de vie, en payant régulièrement des salaires décents, nous verrons que les gens vont eux-mêmes commencer à réfléchir deux fois, en mettant une forte sanction pour le corrompu et le corrupteur ».
Après le jeu de questions et réponses qui vont éclairer la lanterne des participants, la conférence prendra fin par une photo de famille.
Dieudonné Buanali