La semaine qui commence est peut-être déterminante pour le désormais conflit ouvert entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Demain mardi 12 juillet, la commission mixte RDC-Rwanda se réunira à Luanda, sous l’égide de l’Angola, dont le président (João Lourenço) est le médiateur désigné de la crise entre ces deux pays des Grands Lacs. Cette commission qui se réunit donc après dix ans, aura la lourde tâche de refaire le lien de confiance entre Kigali et Kinshasa.
A moins d’un miracle diplomatique, mais au regard du statu quo du front, on peut dire que la mission du président Lourenço relève presque de la limite du possible, si ce n’est l’impossible, aussi longtemps que les canons, obus et balles continuent à crépiter au Nord-Kivu. Les rebelles ont fait la sourde oreille aux résolutions du sommet tripartite du 6 juillet qui les a enjoints de se retirer des positions conquises.
Les rebelles continuent à narguer le pouvoir de Kinshasa, grisés par on ne sait quoi, rejetant même les démarches diplomatiques pourtant saluées par Paul Kagame, celui-là même que les autorités congolaises considèrent comme le parrain ou l’allié des terroristes.
À Kinshasa, les autorités ont déjà fait savoir il y a quelques semaines que le soutien du Rwanda aux rebelles ne fait plus l’ombre de doute. Kigali s’arc-boute sur ses dénégations. Selon les dires du Vice-premier ministre, ministre des affaires étrangères, Christophe Lutundula, un conseiller de Paul Kagame a essayé de parler de l’Ouganda lors de la réunion du 6 juillet, comme pour insinuer que Kampala pourrait être le monstre derrière les rebelles. Volonté de brouiller les cartes ou pistes sérieuses ? Mystère.
En allant à Luanda en marge de la rencontre du 6 juillet, les autorités congolaises avaient placé la tripartite sous le signe de « la vérité ». La réunion a eu lieu. Les vérités ont-elles été dites en face? Pour l’instant, un malheureux constat s’impose à tous comme une évidence : la haine s’est réinstallé entre les politiciens et même entre une partie des citoyens des deux pays ; la guerre du M23 a fait reculer de beaucoup d’années la relation RDC-RWANDA, alors que du chemin a été fait et les deux pays avaient même réussi, contre toute attente, de construire des projets économiques communs. C’est la triste vérité. A défaut d’une paix de brave, les deux pays savent que le risque pourrait être le langage de canons, avec son cortège de malheur.
Les appels au calme sont lancés. Mais comment construire une paix sur des dénégations et des malentendus ?
Kigali croit savoir que la grande question c’est la gestion d’une communauté des Congolais rwandophones qui, soit disant, se passe mal. Kagame essaie par là de projeter la problématique Rwandaise au Congo, pays de plus de 450 ethnies, où la question de minorité ou de majorité ne se pose pas, ainsi que l’a rappelé le président Félix Tshisekedi lors du Conseil des ministres du 24 juin, « le peuple congolais demeure un peuple pluriel » qui s’accepte dans sa diversité. Le président de la République a néanmoins rappelé avec insistance l’obligation de ne pas sombrer à la tentation du discours de haine, de stigmatisation, de discrimination et de xénophobie qui a failli gravement faire dégénérer le conflit armé en conflit communautaire, plus difficile à maîtriser.
Le vent du boulet est peut-être passé, mais la paix n’est toujours pas là. Après plus de 25 ans de conflit armé, le Congo veut tourner la page de massacres pour plancher sur le développement.
La RDC veut en finir avec les espiègleries dangereuses de son turbulent voisin, y compris, en imposant la paix par les armes. Le chef de l’État n’a-t-il pas dit que toutes les options sont sur la table pour parvenir à la paix? Mais comme pour danser le tango, il faut la volonté de deux protagonistes pour arriver à gagner la première manche de la bataille qu’est l’équation Rwandaise, avant de s’occuper des multiples groupes armés locaux de l’Est du pays. La rencontre de la commission mixte RDC-Rwanda à Luanda pourra-t-elle être un chemin pour parvenir à la paix ou elle sera juste un dédale où Kigali et Kinshasa vont donner le change avant de se perdre dans une belligérance sans fin?
Patrick Ilunga