ACTUALITE

Hommage à un homme d’exception dont l’héritage couvrira la quête existentielle de l’âme Kongolaise

Il y a quelques années alors que j’étais journaliste à la chaîne de référence  » Antenne A  », j’ai fus invité à participer à une conférence de presse quelque part à Bandalungwa. Il a fallu parcourir des dédales pour atteindre un endroit coincé entre des maisons. Fouille corporelle exigée, nous entrons dans une salle aménagée. Et là devant moi se tenait un homme ascétique, au menton couvert d’une barbe noire et un regard perçant. Quelque chose en lui m’a fait penser à Abraham Lincoln, ancien président des États-Unis d’Amérique (Ndlr: Paix à son âme). Je venais de rencontrer Ne Mwanda Nsemi.

Esprit brillant, intelligence rationnelle mais tenant des propos étranges car, relevant d’une cosmogonie qui m’était étrangère. C’est fut pour moi une expérience inouïe car, j’avais vraiment l’impression d’être en présence de ces hommes qu’on ne rencontre que dans des livres, des hommes qui façonnent le rapport à la réalité. Il avait un tel magnétisme qu’il produisait soit de la peur, soit une fascination.

Avec son entourage, nous avons noué des relations pour participer à des activités de Bundu dia Kongo et d’en faire de larges échos dans nos médias. De fil en aiguille, une forme de respect s’est installée entre nous et il m’a accordé sa confiance et des interviews exclusives. J’ai compris qu’il était porteur d’une connaissance fondamentale, d’une cosmogonie des origines de l’humanité.

Comme Moïse avait écrit la Genèse pour expliquer le commencement, il avait aussi un savoir de ce niveau. Place dans cette perspective, il était en réalité un fondateur de civilisation. A mesure que nous échangions, j’ai senti qu’il était pénétré de cette volonté de traduire son savoir en un vécu généralisé, de porter à la lumière ce qui était pour lui la voie de la liberté de l’Africain. Comment lui donner la possibilité de transmettre son savoir contenu dans un livre de 500 pages écrit totalement en Kikongo ?

Pour moi, il n’y avait que la diffusion de son ouvrage qui allait lui donner la carrure historique qui lui était déniée car, perçu plus comme un gourou d’une secte. Je me rappelle de l’audience que j’avais obtenue pour lui auprès du ministre de la Culture de l’époque Christophe Muzungu pour que le Fonds de promotion culturel prenne la charge de traduire son livre dans d’autres langues. C’est le ministre qui appréhendait cette rencontre car, le personnage qui passe pour un homme plein de pouvoir promet de faire quelque chose mais rien ne fut fait.

Obligé de porter lui-même le poids de son destin, il a donc construit un parti. Une sorte d’église messianique et syncrétique. J’ai vu comment ses rapports avec l’État se sont détériorés, comment le pouvoir parfois induit en erreur par la question Ne-Kongo va le prendre pour cible. Je me rappelle encore de la rencontre avec Vital Kamerhe à Ngiri-Ngiri où il nous a reçus pour demander réparation morale de ce que son mouvement avait subi avec la répression sanglante. Même accordée, cette assistance n’est pas venue.

Ne Mwanda Nsemi se sentit obligé d’entrer dans l’arène politique pour aller défendre la vision trilogique notamment la possibilité de conduire le pays par la spiritualité, par la science et la technologie. N’ayant vraiment jamais été compris dans son essence profonde, il fut présenté de manière caricaturale par une opinion qui était privée du savoir sur les mystères des fondements des civilisations. Combien de Congolais pouvaient remonter leur conscience des peuples de dix siècles, voire vingt siècles avant ? N’ayant comme recul que l’époque Léopoldienne ? Ne Mwanda Nsemi me parlait de l’époque des géants qui ont habité notre territoire, des forces de la nature qui ont forgé pendant des millions d’années les richesses enfouies dans le sous-sol Congolais et de la conscience que la terre avait d’elle-même mais qui nous était privée à nous simples mortels.

Il avait cette intuition des choses aussi simples et complexes au point que la société n’a pris de lui que la partie qui correspondait à son ignorance. C’est un homme écosystème qui vient de rentrer avec une production intellectuelle et spirituelle incommensurable. Il faudrait au moins deux générations pour que son savoir dépouillé de nos prétentions, de nos peurs, de nos préjugés, puisse remonter comme un diamant pur.

Chaque terre produit ses baobabs, ses hommes qui structurent les voies de l’élévation collective. Il aura contribué à choquer notre confort d’aliénés en adoptant parfois une attitude provocatrice mais il était un homme lucide et puissant car, chacune des personnalités qui l’approchaient, ne manquait pas de nourrir même à un moindre degré une crainte révérencielle.

Je voudrais ici dire au revoir à un Grand Esprit qui a soufflé sur le Congo et qui a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire et surtout, dans l’imaginaire collectif. Homme de qualité, il reste une grande énigme à déchiffrer.

WAK

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top