
Il voulait absolument le faire et il avait choisi Kisangani pour manifester trois choses consubstantielles à sa nouvelle dimension ambitionnée. La symbolique est grande et la synchronisation est parfaite. Moïse Katumbi Chapwe a donné dans le suggestif plutôt que dans l’affirmatif. Il a joué sur la dissuasion plutôt que dans la persuasion. Il a dit qu’il était encore là mais qu’il avait le moyen d’être ailleurs de manière efficace avec ou sans bagages. Contrairement à d’autres politiques qui se confirment en se jetant dans leur fief naturel qui est généralement le milieu ethnique, lui il a voulu lever le défi de lancer son parti dans une ville aussi complexe que Kisangani, le clin d’œil à Lumumba Patrice n’est pas anodin. Il a par la même occasion donné des preuves des fortes mobilisations sans pour autant être sur la corde d’un discours nihiliste. Kisangani est un verrou, cette ville a joué ce rôle dans l’histoire politique du Congo parfois à ses dépends. Interrogeons un peu l’histoire et on sera vite convaincu du non hasard de ce choix.
Alors que la démocratie issue des élections était mise en péril par l’arrestation et l’assassinat de Patrice-Emery Lumumba, le tout premier Premier ministre du Congo indépendant, les nationalistes se sont repliés sur Kisangani pour faire face aux forces réactionnaires conduites par les occidentaux avec leurs alliés locaux. La résistance fut rude, les forces politiques nationales ont positionné leur organisation dans cette ville, tous on se souvient de la République populaire du Congo. Cette résistance perçue comme une rébellion par les forces réactionnaires a été brisé dans la douleur et des centaines d’intellectuels furent éparpillés, sinon éliminés faisant de Kisangani une vie martyre.
Le chef-lieu de la province de la Tshopo est une ville verrou et on se souvient de ” Kisangani ne tombera pas ! ” de l’époque de Léon Kengo Wa Dondo et quand la ville est tombée, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) avait trouvé le chemin de la capitale. Avoir des assises à Kisangani permet à tout politique de se doter de moyen de naviguer entre les deux pôles du pays l’Est et l’Ouest. Kisangani, cette ville cosmopolite, est la porte d’entrée politique à Kinshasa et l’ouverture au Congo profond.
En disant que Moïse Katumbi a élaboré une stratégie dissuasive, on se fonde sur le fait qu’il a montré ses muscles, il a lancé un message de puissance mais en le fait, il sait qu’il est sur le même terrain d’ambition avec Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo qui estime avoir droit à un deuxième mandat.
Politique mature depuis tout ce temps, le patron de ” Ensemble ”, en disant d’entrée du message qu’il est membre de l’Union sacrée pour la nation (USN), a donné une borne à ses ambitions mais pose tout de même des conditions pour soutenir le candidat déclaré. Tout en disant qu’il peut mobiliser une partie essentielle de l’électorat et même ambitionner de gagner, Moïse Katumbi s’est positionné comme un allié de taille avec lequel, Félix Tshisekedi doit compter s’il veut rempiler.
La première et l’unique leçon de Kisangani est de lancer un message de négociation à l’intérieur de l’Union sacrée. Que les deux leaders puissent se retrouver pour vaincre le doute et rétablir un deal de confiance en prenant les précautions nécessaires pour proposer au peuple un chemin de la dignité. Kisangani a produit sur Moïse Katumbi une impression d’humilité et de sagesse comme jamais on ne l’a vu auparavant.
Aux autres hommes politiques qui ont assisté impuissants à la montée de Ensemble, son parti politique, ils doivent se rendre à l’évidence que la politique demain sera une question de mutualisation des forces politiques en dehors des carcans ethniques et provinciaux.
Le leadership au Congo est fondamentalement une ascèse trans-nationale et passe par des leaders à ancrage réel. Le temps est venu pour la constitution d’une équipe nationale de leadership collectif.
Comme l’a si bien dit le docteur Silas Makambu dans son dernier ouvrage : ” Le leadership travaille pour un futur de loin meilleur que le présent et le passé. L’essence de la politique étant de connaître la direction dans laquelle vous désirez voyager et d’avoir la capacité d’influencer la tête, les mains et le cœur des autres pour vous y suivre ”.
Il est temps que ceux qui ont une quelconque influence sur le peuple, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition de se rendre à l’évidence que le temps est venu de transformer véritablement les conditions de vie des populations qui méritent de vivre mieux dans leur propre pays. C’est pourquoi, l’unité des objectifs finaux doit être obtenue au-delà des ambitions personnelles.
Adam Mwena Meji
