La situation de guerre en RDC risque -t-elle d’avoir un impact négatif au-delà des frontières Congolaises ? Cette semaine, l’armée burundaise a dû produire deux communiqués en rapport avec la guerre au Congo où des troupes burundaises sont déployées dans le cadre de la régionale. Dans une situation de confusion, les rebelles du M23 accusent le contingent Burundais de collaborer avec les groupes génocidaires entre autres pour cibler les populations civiles. Depuis Bujumbura, l’armée Burundaise rejette ces accusations. À Kigali et à Bujumbura, le sujet est très débattu réveillant des anciennes rancœurs entre les deux pays..
La conflit militaire au Nord-Kivu est-il en train de prendre un autre tournant ? Dans la région déjà instable des Grands Lacs, l’escalade militaire, actuellement en cours entre les rebelles du M 23 et les groupes d’autodéfense, est minutieusement suivie dans les pays environnants. Le Rwanda d’abord. Accusé d’apporter du soutien matériel et humain au M 23, Kigali est au premier rang des pays qui surveille de près la situation de son voisin, la RDC. La région toute entière est impliquée, dans le sens où les soldats des plusieurs nationalités sont déployés à l’Est du Congo pour y combattre les groupes rebelles, principalement le M 23.
Actuellement, à l’heure où les combats s’intensifient au Nord-Kivu, les rebelles du M 23 accusent ouvertement l’armée burundaise de s’être allié aux groupes armés contre la population civile.
Les rebelles accusent le Burundi entre autres d’être dans une conspiration planifiée qui les pousse à violer le cessez-le-feu.
« Ces affirmations calomnieuses constituent une injure grave au regard du professionnalisme avec lequel nos troupes accomplissent leurs missions partout où elles sont déployées. La FDNB ( force de défense nationale du Burundi) dément sans ambages ces propos malveillants tenus pour des intentions inavouées. Les militaires burundais n’ont jamais collaboré avec un groupe armé quelconque et n’entendent jamais le faire », a rétorqué le colonel Floribert Biyereke, porte-parole de l’armée burundaise. Il a déclaré qu’il s’agit des accusations des personnes mal intentionnées. « Malgré les efforts fournis par les militaires burundais en RDC, il est à déplorer que certaines personnes, mal intentionnées, à travers la télévision rwandaise RTV, accusent sans fondement, les troupes burundaises, déployées au Nord-Kivu, de collaborer avec des groupes armés, de les entrainer et de leur offrir des armes ».
Jeudi 9 novembre, le porte-parole de l’armée burundaise a publié un nouveau communiqué affirmant qu’à deux reprises, le contingent Burundais s’est retrouvé dans une situation de conflit. « En date du 21 octobre 2023, le convoi du contingent burundais de la Force Régionale de la Communauté Est Africaine qui acheminait le ravitaillement en vivres à Kitchanga et Mweso ( Nord-Kivu) s’est vu refuser le passage par le M23 qui a bloqué la voie de communication menant à ces deux localités. Le même fait s’est reproduit le 30 octobre 2023 quand un convoi du même contingent qui se dirigeait vers les mêmes positions a été bloqué en cours de route par les mêmes éléments du M23. Le commandement de la Force Régionale de la Communauté Est Africaine a été saisi pour résoudre cette question mais n’a pas pu ramener à la raison le M23 ».
Le colonel Floribert Biyereke a même menacé. « La FDNB fait savoir que cette situation ne peut pas perdurer. Le contingent burundais déployé dans le cadre de la Force Régionale de la Communauté Est Africaine est obligé de prendre des mesures qui s’imposent ».
Le sujet est largement discuté aussi bien au Rwanda qu’au Burundi. Le conflit en RDC risque d’exhumer des vielles querelles entre ces deux pays. Et nul ne sait si cela aura un impact sur les relations entre les deux pays, parce que les soupçons de rapprochement (présumé ou avéré ?) entre une armée régulière et les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda accusés d’avoir perpétré le génocide contre les Tutsis du Rwanda en 1994) a toujours été un sujet que Kigali met en avant pour justifier certaines prises de position belliqueuse dans la région.
Actuellement le Rwanda et le Burundi sont dans une phase de normalisation des relations. Les liens diplomatiques entre le Rwanda et le Burundi se sont dégradées depuis fin avril 2015, suite à une crise née de la contestation contre le troisième mandat de feu Pierre Nkurunziza. A l’époque déjà, le Burundi accusait le Rwanda d’héberger ses opposants, dont des putschistes auteurs de la tentative de coup d’État en mai 2015 et de son côté, Kigali accusait Bujumbura de collaborer avec les rebelles FDLR.
Jusqu’où ira cette situation qui risque d’être explosif ? La RDC a certes fait savoir que le séjour au Congo de la force régionale d’Afrique de l’est ne devrait pas être renouvelé après le 8 décembre, date d’expiration de son actuel mandat. Plusieurs sources affirment aussi que l’armée burundaise devrait rester aux côtés de l’armée Congolaise même en cas du retrait de la force régionale d’Afrique de l’est.
En réalité, à l’inverse des autres troupes de l’EACRF (force régionale d’Afrique de l’Est) accusées de sympathiser avec les rebelles du M23, les autorités Congolaises ont toujours été satisfaites des troupes burundaises. Au mois de mai de cette année, le président Félix Tshisekedi a affirmé que de tous les contingents d’Afrique de l’est déployés en RDC, seules les troupes burundaises sont celles qui donnent satisfaction. « L’armée burundaise est la seule qui opère contre les groupes armés dans le cadre de la force des pays est-africains déployée depuis fin 2022 dans l’est de la République démocratique du Congo », avait déclaré le président Congolais qui avait ajouté qu’il y a « une sorte de collaboration entre la force de l’EAC et les terroristes du M23…J’en veux pour preuve l’intervention des Burundais lorsque les terroristes du M23 commençaient à prélever illégalement des taxes dans des territoires qu’ils occupaient », avait affirmé le chef de l’État.
Le Burundi et la RDC ont d’ailleurs renforcé leur coopération militaire. Un nouvel accord militaire bilatéral a été signé entre Félix Tshisekedi et Evariste Ndayishimiye en fin août à Kinshasa. Cet accord avait été précédé par un autre accord de défense signé en mars, à Bujumbura entre Gilbert Kabanda, alors ministre de la défense et son homologue Alain Tribert Mutabazi. Actuellement, l’armée Burundaise est déployée aussi bien dans les deux Kivus (Nord et Sud) pour y traquer les rebelles locaux et ceux d’origine burundaises.
Patrick Ilunga