
Cette histoire aurait pu être une affaire ordinaire entre un employé et son employeur en République Démocratique du Congo (RDC) comme il en existe des dizaines chaque jour, si elle ne nous apportait autant d’informations sur les pratiques peu éthiques auxquelles se livrent certains opérateurs économiques dont certaines entreprises des télécommunications dans notre pays au moment où le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, fait de la justice un des piliers pour attirer et sécuriser les investisseurs dans ce pays. Cela a d’autant plus attiré notre attention que le secteur concerné est aussi l’un de ceux qui font l’objet de nombreux soupçons et polémiques sur les pratiques qui y ont cours. Le désormais conflit public qui oppose Orange RDC SA, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, et son ancien Directeur Général en la personne de Gérard Lokossou à le bénéfice de mettre en lumière de nombreuses pratiques ayant cours dans cette entreprise, et chaque audience devant les cours et tribunaux nous apporte un nouveau lot de révélations dignes d’un film policier. En effet, les faits remontent à septembre 2020 lorsque nous apprenions un changement à la Direction de Orange RDC, fait tout à fait normal, même si à l’époque la crise mondiale de la Covid-19 et son corollaire d’impacts sociaux et économiques aurait pu susciter des interrogations sur l’opportunité du timing, mais nous avons été habitués à ce que les dirigeants des multinationales aient en moyenne une rotation d’environ trois (3) ans à la tête des filiales. Sauf que deux ans après, et suite à de récentes jouxtes, y compris devant les tribunaux, le voile se lève petit à petit et nous finirons par apprendre le profond désaccord qui existe entre le désormais ex dirigeant et son employeur sur la fin de son contrat.
Des propos des avocats de ce dernier, la séparation aurait été fait au mépris de toutes les règles prescrites en la matière par le droit en matière du travail ou encore en matière commerciale, ce qui justifia un procès d’abord devant le tribunal du Commerce de la Gombe pour révocation abusive et vexatoire de Mandat, qui finalement donnera raison en première instance à l’ex Directeur Général après plus d’une année de batailles et de subterfuges utilisés par les avocats d’Orange RDC pour trainer en longueur la procédure (Ndlr : La grande technique de l’usure malheureusement favorisée par des trous d’opportunité dans les lois congolaises) notamment, une suspicion systématique de toutes les juridictions devant toutes les instances judicaires du pays pour se voir à chaque fois débouté tant les arguments oscillaient entre légers, fallacieux, voire incongrus. Au moment où Géopolis Hebdo met sous presse cette information, cette affaire est devant la cour d’appel. Affaire à suivre donc !
En parallèle, l’ex dirigent a saisi l’Inspection du travail par rapport à la fin ou plutôt « non-fin » de son contrat de travail, et cela deux ans après la séparation effective des parties. Ce contrat qui a pourtant été régulièrement signé par les parties et même soumis aux différentes autorités compétentes du pays, notamment pour la délivrance du visa de travail et de la carte de travailleur d’expatrié pour l’ex dirigeant. La posture d’Orange RDC a d’abord été de nier l’existence d’un contrat de travail arguant que son désormais ex dirigeant n’avait qu’un mandat social et de demander ainsi à l’Inspecteur du travail de déclarer son incompétence à faire la médiation dans ce dossier. Face au professionnalisme de ce dernier et l’évidence de la matérialité de cette relation contractuelle, la position de Orange RDC a évolué vers une notion nouvelle ou du moins inexistante jusque-là en RDC qui est celle de « Double employeur ».
Comme il est de coutume dans certaines multinationales, elles recourent à des structures de portage d’employés pour gérer l’embauche et le traitement de cadres expatriés pour le compte de filiales. Dans le cadre d’Orange RDC, cette structure s’appellerait Orange Global International Mobility (OGIM). Cette pratique est d’ailleurs prévue par le droit du travail en RDC, mais qui prévoit que ce portage d’employé ne puisse excéder une durée maximale de six (6) mois et que tout le processus soit transparent au regard des autorités en charge de l’Emploi et celles en charge des taxes et impôts en RDC. C’est une fois de plus sur le respect des règles du droit de notre pays que le bât blesse. En ce sens que sur les prescriptions de notre loi, les débats au niveau du Tribunal du travail nous révéleront que, non seulement le temps d’exercice de cette structure étrangère de portage fixé au maximum à six (6) mois n’a pas été respecté, mais pire, Orange RDC se serait rendu coupable des fraudes vis-à-vis du fisc congolais puisque, elle a déclaré la rémunération payée à l’étranger pour son dirigeant, par le canal de sa structure de portage OGIM, comme une prestation de service et a payé de ce fait, en tout et pour tout, 14% des taxes (Impôt sur les revenus du personnel expatrié et autres taxes) contre ce qui aurait dû être 55% en moyenne pour une rémunération de travailleur étranger.
Cette situation représenterait non seulement un manque à gagner important pour les autorités fiscales, qui d’ailleurs ont été citées lors des audiences, mais aussi pour les autres structures bénéficiaires en matière sociale comme la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Il y a lieu de se demander combien de cas similaires existent encore chez Orange RDC, depuis combien de temps a cours cette pratique dans une entreprise qui crie à qui veut l’entendre qu’elle est respectueuse des lois congolaises ? Nous pouvons légitimement nous demander combien d’autres gymnastiques fiscales auraient cours dans cette entreprise ? Ce qui nous choque est de savoir si pareille situation est possible en France ou est-ce que c’est tout simplement du mépris pour les autorités et les lois de ce pays ? Finalement, qu’en disent les autorités concernées, au moins la Direction générale des impôts (DGI) qui a été conviée au procès ?
De plus nous apprendrons au tribunal que face à l’incapacité de soutenir sa position de l’absence de contrat mais juste d’un mandat social, Orange RDC aurait sorti par le canal de ses avocats congolais que la fin de ce contrat de travail, si elle avait lieu, devrait se faire plutôt au regard et devant les tribunaux Suisses (Pays de la Structure de portage OGIM), cela au mépris de l’article premier du droit congolais qui stipule de façon claire et irréfutable que tout contrat de travail exécuté en RDC tombait sous le coup des lois de ce pays quel que soit là où et l’entité avec laquelle, il a été signé. Cette disposition de bon sens n’est aucunement unique à la RDC, mais présente même dans les pays d’origine des dirigeants de cette entreprise. Là encore, nous sommes en droit de nous demander s’il s’agit d’un mépris ou d’une ignorance des lois du pays qu’Orange RDC dit pourtant respecter.
Le dernier fait qui acheva de nous indigner sur les pratiques que l’on pourraient qualifier de mafieuses de cette compagnie, est que ce procès a aussi mis à nu des pratiques mises en place par Orange RDC avec la complicité de certaines Banques de la place pour empêcher l’exécution des décisions de justices, et cela au mépris de la justice et du droit congolais.
Il est apparu qu’au bout de deux ans de bataille face à cette compagnie et son réseau mafieux, que lorsque Monsieur Gérard Lokossou a enfin eu des décisions de justice dites exécutoires et a voulu les faire appliquer, il se serait retrouvé face à un système qui consiste pour Orange RDC et certaines banques, à signer des accords d’unicité des comptes dont le principe de subroger au principe universel d’indépendance des comptes, de sorte qu’en lieu et place de présenter la situation réelle des comptes d’Orange RDC dans ses livres, ces banques présentent un solde global qui, dans ce cas, est toujours négatif et donc, ne permet à aucune décision de justice de prospérer.
Orange RDC est ainsi à l’abri de toutes actions de justice et peut librement continuer son activité sans pouvoir être inquiétée par qui que ce soit. A ce jour, nous apprenons que ce sont des dizaines de personnes munies des multiples décisions de justice contre Orange RDC qui ne peuvent les exécuter. Est-ce cela la compréhension qu’Orange RDC à de la justice ? Une confiance dans la justice de notre pays ne devrait-elle pas induire un respect de ses décisions ? Ou ce respect ne vaut-il que pour les décisions qui lui sont favorables ?
Résultat de cette situation, de nombreux congolais ou personnes vivants sur ce territoire ont du mal à croire en une justice dans ce pays quand les multinationales peuvent se permettre de s’y soustraire. En outre, vous pouvez vous battre en justice pour que le droit soit dit, mais vous ne pourrez jamais faire exécuter ces décisions. La rédaction de Géopolis Hebdo a tenté à maintes reprises de contacter dans la soirée le service de communication d’Orange RDC pour avoir réaction officielle mais sans succès. Nous nous demandons si Orange RDC est au-dessus de la loi et des juges de notre pays ? Nous nous proposons par ailleurs de recueillir les avis de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications en RDC (ARPTC) et de la Banque Centrale du Congo (BCC) face à cette pratique dont l’abus tend à anéantir les efforts de notre justice en rendant inopérantes ses décisions. Si le cas de l’ex dirigeant fait échos, il n’est que la partie visible de l’iceberg car, ce sont des centaines de personnes privées de leurs droits par les banques complices et Orange RDC.
C’est ici pour nous l’occasion d’inviter les différentes autorités compétentes, à elles aussi d’emboiter le pas au chef de l’Etat pour rendre le cadre des affaires plus attractif et sain en RDC mais aussi, contraindre les opérateurs économiques opérant dans ce pays à respecter ses lois et en l’occurrence, celle du travail en RDC. Naturellement, nous suivons avec beaucoup d’intérêts pour vous la suite de ce dossier qui met à nu des pratiques très peu dignes de multinationales dans notre pays, surtout quand nous savons qu’elles mettent un point d’honneur à respecter les lois de leurs pays d’origine.
Dieudonné Buanali
