Economie

Pénurie des carburants : Mauvaises solutions aux vrais problèmes

Dans une économie libérale telle que celle de la République Démocratique du Congo, il faut appliquer les vrais prix. Les choses doivent parfois coûter ce qu’elles coûtent réellement en fonction de la loi de l’offre et de la demande. La politique des subventions, bien que bâtie sur deux piliers importants que sont l’éthique et le social, a des limites. Jusqu’à quand et où est-ce que le Gouvernement de la République compte-t-il aller avec la politique des subventions ? En attendant la réponse à cette épineuse question, le peuple n’a plus accès au transport aérien et en commun, les entreprises pétrolières qui ont des difficultés pour contourner le blocus occidental contre les carburants russes sont payées toujours en retard, l’État ne dispose pas encore des raffineries, les réservoirs à SEP-Congo se vident, les pompes des stations-service qui connaissent des longues files d’attente, manquent des carburants, le litre d’essence se vend sur le marché noir entre 3000 et 5000 Francs Congolais, les prix de carburants ont augmenté quatre fois en 2022. Cette liste n’est pas exhaustive. Parmi les solutions envisagées, le ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, propose le contingentement et le rationnement : réduction drastique de la consommation journalière d’essence de jet à Kinshasa qui passe de 1100 m³ à 660 m³/jour jusqu’à l’arrivée du premier tanker annoncé pour le 14 septembre à Ango-Ango, dans le Kongo-central.  » Des solutions jugées mauvaises et provisoires face aux vrais problèmes  », par les experts qui ont requis l’anonymat et la profession pétrolière.

Bien avant le ministres des Hydrocarbures, son collègue Ministre des Finances, Nicolas Kazadi, assumant l’intérim du Ministre de l’Économie Nationale, a présenté, lors de la 66ème réunion du Conseil des ministres, des stratégies pour garantir les approvisionnements en carburant et de réduction du coût de la subvention pétrolière. Considérant la ferme volonté du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, de prioriser le bien-être social et de protéger le pouvoir d’achat de la population, le Gouvernement compense la hausse des cours mondiaux des produits pétroliers par une politique de subventions couvrant les pertes subies par les sociétés pétrolières en raison des

prix relativement bas fixés à la pompe. Le coût annuel de cette subvention est évalué, selon les experts, à près de 400 millions USD depuis le déclenchement du conflit en Ukraine. Ces ressources importantes sont à comptabiliser à l’actif du Gouvernement comme dépenses sociales au titre des interventions directes pour préserver le pouvoir d’achat des ménages.

Cependant, pour des raisons de transparence et de gestion orthodoxe des ressources publiques, un certain délai est nécessaire au Gouvernement pour procéder à l’évaluation et à la certification des pertes subies par les sociétés pétrolières avant d’envisager le décaissement de la subvention. Ce décalage entraine l’amenuisement de leur trésorerie et alourdit leur endettement vis-à-vis des fournisseurs. L’insolvabilité récurrente des pétroliers décourage leurs fournisseurs et réduit les quantités de carburant disponibles, tout en exacerbant le risque de pénurie.

 » En vue d’apporter une solution durable à cette problématique, le Gouvernement, à travers le Ministère de l’Économie Nationale, envisage de mettre en place, avec le Groupe GEMCORP, une facilité de financement pour garantir les approvisionnements en carburants et réduire le coût de la subvention pétrolière. Cette facilité dont le montant s’élève à 500 millions d’USD reparti en tranches, pourrait être offerte au Gouvernement à des conditions quasi concessionnelles. Elle permettra aux importateurs locaux d’accéder directement aux carburants en supprimant ainsi les coûts additionnels liés aux intermédiaires. Ceci à un prix compatible avec le niveau officiel retenu dans la structure de prix, de sorte à résoudre à la fois le problème de solvabilité des importateurs locaux ainsi que le risque de pénurie sur le marché  », lit-on dans le compte-rendu du Conseil précité.

Cette facilité qui permettra la diminution du coût budgétaire de la subvention comporte aussi l’avantage de renforcer la transparence des flux des volumes de carburant à subventionner. Sollicitant le quitus du Gouvernement, le Ministre de l’Economie Nationale AD intérim a preconisé la mise en place d’une Commission ad hoc pour poursuivre les discussions avec GEMCORP, finaliser la proposition technique et définir les

mécanismes opérationnels de la facilité de financement. Ceci avec l’implication des autres parties prenantes au processus de régulation du secteur, notamment les Ministère des Hydrocarbures et celui des Finances.

Force est de reconnaître que la même facilité permettra un nouvel endettement pour subventionner des carburants qui ne sont pas en réalité subventionnés après l’augmentation des prix à la pompe pour la quatrième fois consécutive malgré l’interventionnisme permanent du Gouvernement congolais dans le secteur économique. Cette intervention crée des droits et des obligations pour tous les intervenants. Les questions que les observateurs se posent sont celles de connaître la finalité et la fiabilité de la structure des prix dans se secteur porteur de croissance aujourd’hui ? N’y a-t-il pas des facteurs que le Gouvernement de la République et la profession pétrolière ne maîtrisent pas ?

En prélude de la 27ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Cop 27), le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, a déclaré, le 05 septembre 2022, à Yangambi, en territoire d’Isangi dans la province de la Tshopo, à l’ouverture du Forum international et scientifique sur les forêts du Bassin du Congo et d’autres bassins tropicaux que la RDC est un Pays-Solution dans la lutte contre le changement climatique et que le Gouvernement qu’il dirige ne ménagera aucun effort pour promouvoir une économie verte, résiliente et à faible émission de carbone.

L’économie verte signifie aussi la diversification et la mise en place d’un véritable système multimodal pour le transport des personnes et de leurs biens non polluant et respectueux de l’environnement. Il s’agit en réalité de l’abandon de la consommation des énergies fossiles (de plus en plus coûteuses à cause aussi de l’invasion russe de l’Ukraine et du coût élevé de transport occasionné par les nouvelles sources d’approvisionnement) pour des énergies renouvelables.

Le transport en RDC ayant toujours été un défi en raison de la morphologie du terrain et des conditions climatiques difficiles, les réseaux ferroviaires et fluviaux, avec l’acquisition des bus flottants et trains électriques capables de transporter jusqu’à 1 million de personnes par jour, restent des solutions palliatives pour la capitale congolaise et pourquoi pas, pour l’ensemble du pays.

Dieudonné Buanali

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