Economie

Perspectives de croissance économique en 2022- Hubert Mpunga : « Si nos provinces sont interconnectées, nous aurons un territoire économiquement intégré et la croissance suivra ».

L’économie de la République Démocratique du Congo se relance progressivement. En 2021, sa croissance a atteint de 5,2 % alors qu’elle avait chuté à 0,5 % en 2020. Le cadre macroéconomique du pays est demeuré relativement stable au cours de cette année et les réserves de change ont atteint près de 3,5 milliards USD. Pour cette année 2022, les perspectives de croissance économique sont favorables, à en croire les prévisions de la Banque Centrale du Congo et le Fonds Monétaire International qui annoncent une croissance de près de 6,3% en 2022. Comment alors réaliser ces prévisions ? Quels sont les facteurs sur lesquels peuvent s’appuyer les actions économiques du gouvernement congolais pour soutenir cette croissance ? Pour répondre à cette question, la rédaction de Géopolis a interrogé Hubert Mpunga, expert congolais en économie internationale et consultant pour la coopération internationale et les institutions nationales qui propose un schéma intégrateur du développement économique de la RDC basé sur l’interconnexion des provinces. Pour lui, la croissance économique du pays ne peut être soutenue que par l’intégration des zones économiques et l’interconnexion des provinces. Géopolis Hebdo vous propose, dans les lignes qui suivent l’intégralité de l’interview.

Djodjo Mulamba (DM)/ Selon la Banque Centrale du Congo, le pays a clôturé l’année 2021 avec une note positive sur la croissance économique qui a rebondi de 5,1 % contre 0,5% en 2020. Quelle est votre lecture sur cette note ?

Hubert Mpunga (HM)/ La Banque Centrale du Congo (BCC), c’est l’autorité monétaire qui est en train de suivre de très près l’évolution de l’économie du pays. C’est donc elle qui gère le cadre macroéconomique du pays. Si elle a avancé ce chiffre, c’est parce que l’impact Covid-19 et l’impact IGF se sont conjugué dans le même sens. L’impact Covid-19 a diminué la productivité des entreprises. Mais elle ne nous a pas frappés comme les autres pays. Il y a aussi l’impact IGF qui a essayé de freiner tous les points de sortie de l’argent illégal. Et Il n’y a donc pas eu beaucoup de dépenses. Si vous contactez la FEC (Fédération des Entreprises du Congo), vous entendrez des cris de détresse de la part des opérateurs économiques et quand vous descendez aussi vers le panier de la ménagère, vous sentirez qu’il n’a pas beaucoup bougé. Donc, cela a été dure un peu partout. Et le consommateur est rentré au niveau du raisonnable. Cette croissance évolue en termes chiffrés. Et une croissance qui monte de façon soutenue en une année ou plus, nous débouche sur le développement économique. En 2021, il n’y a pas eu beaucoup d’argent en circulation. Et les entreprises visées n’ont pas vécu ce qu’elles ont l’habitude de vivre avec les anciens animateurs des institutions. Si vous jetez un œil sur le marché monétaire, vous verrez qu’il n’a pas bougé. Et le mois de février, c’est le mois où nous mesurons d’habitude l’impact des fluctuations du pays. Nous sommes en janvier. Et les recettes des fêtes ont été converties.

DM/ D’après le FMI, la RDC a réalisé des performances dans la mobilisation des recettes domestiques, mais elle n’a pas effectué correctement les dépenses prévues dans le budget. Comment pouvez-vous expliquer cette inadéquation entre prévisions et exécution des dépenses ?

HM/ D’abord, ce sont les recettes qui ont beaucoup bougé sous l’effet IGF. Ceux qui avaient l’habitude de manipuler l’argent pour le jeter sur le marché sans contrôle, ont été intimidés par l’IGF. C’est comme ça qu’il n’y a pas eu de circulation monétaire. Toutefois, il est important de retenir qu’il y a déflation lorsque la circulation monétaire est forte sur le marché.

DM/ Pour la première de l’histoire, le gouvernement congolais a réalisé un record d’excédent budgétaire de 14 % et a atteint près de 3,5 milliards USD en 2021. Comment considérez-vous cette performance ?

HM/ Cette performance est due à deux choses. Premièrement, c’est dû à l’impact l’IGF. Deuxièmement, c’est la crise de conteneurs des marchandises et les biens pour la consommation. Aussi, l’investissement en capital a eu un impact sensible sur le transporteur. Quel transporteur ? Le transporteur maritime surtout qui charrie beaucoup des conteneurs dans les ports. Ce retard (crise) a causé un manque à gagner aux importateurs. Donc les revenus sur les conteneurs (les taxes payées ont connu une petite baisse). Pour le panier de la ménagère, on finira par y arriver. Prenons l’exemple des poissons surgelés importés dernièrement. Cette solution est une solution à court terme parce qu’entre temps le pays est en train de s’équiper en matière de pêche. Pour exécuter les projets qui doivent améliorer les conditions de vie des populations, il faut intégrer l’économie nationale. Qu’est-ce que je veux dire par là ? C’est faire en sorte que les provinces ne soient pas enclavées ni isolées par l’amélioration des infrastructures. Le pays doit donc être intégré sur le plan économique.

DM/ Mais d’après vous, quelles peuvent être les perspectives de croissance économique du pays en 2022 ?

HM/ Chaque fois qu’on jette un pont sur une rivière, il y a beaucoup plus d’échange entre les localités. Donc, dans l’amélioration de ce qui a été déjà fait, il doit y a voir plus de croissance en 2022. Imaginez-vous que si on arrive à terminer la route de Kasumbalesa dans le Haut-Katanga et à résoudre tout ce qu’il y a comme difficultés des voies de communication entre provinces, c’est sûr qu’il y aura une forte mobilité de produits entre les centres de production et les contres de consommation. Donc, si les provinces sont connectées les unes aux autres, nous aurons un territoire économiquement intégré et la croissance suivra. En clair, la circulation monétaire ne peut être forte que si on arrive à déboucher le goulot d’étranglement comme on l’a identifié ici.

DM/ Si la production minière a été un facteur favorisant dans la croissance économique du pays en 2021, est-ce qu’il faudra toujours continuer à s’appuyer sur ce secteur qui n’est pas toujours épargné de la crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de Covid-19 ?

HM/ Je ne pense pas. Moi j’ai toujours parlé de la valorisation de notre chaîne de valeur globale. Notre système de traitement des produits de la base au panier de la ménagère est maigre. Pourquoi maigre ? C’est parce qu’il est mono-produit. Il (le système de traitement des produits) s’est toujours appuyé sur le secteur minier. Lorsqu’il y a crise dans ce secteur, les effets sont négatifs sur l’économie du pays. C’est pourquoi j’en appelle à la diversification de l’économie et à l’allongement de notre chaîne de valeur. La diversification va tonifier notre chaîne de valeur. Et en l’allongeant, nous allons produire beaucoup d’argent et améliorer notre hauteur de revenus.

DM/ Pour certains économistes, l’industrie est le moteur du développement économique d’une nation, mais la RDC demeure aujourd’hui un désert industriel. Face à cette situation, est-ce qu’on peut espérer à une croissance réelle de l’économie du pays ?

HM/ En parlant de l’industrie, vous évoquez la chaîne de valeur qui n’existe presque pas ici chez nous. Notre chaîne de valeur est à la fois maigre et courte. Tous les produits que vous voyez au pays ne produisent pas du travail ici chez nous. Prenons l’exemple des arachides qui sont cultivées ici chez nous. Elles ne sont pas transformées. On se limite peut-être seulement à les décortiquer sans créer du travail au-delà de cette étape. Moi, je pense que l’industrialisation du secteur agricole doit contribuer à l’allongement de la Chaîne de valeur. Et dans tous les autres secteurs de notre économie, on ne doit pas négliger ça car notre système de traitement des produits ne met pas en valeur notre carré économique national. Donc, il faut produire plus et transformer nos produits pour créer plus d’emplois et améliorer le panier de la ménagère (le panier de la ménagère est réellement l’expression du pouvoir d’achat de la de aménagés et il est alimenté par le travail).

DM/ Il faudra alors plus d’investissements dans ce secteur ?

HM/ Investir ne s’arrêtera jamais quelle que soit la durée de la crise. Que font les américains aujourd’hui ? Déclencher le renouvellement des infrastructures. Quand ils déclenchent ce secteur, ils créent du travail pour toutes les spécialités qui doivent travailler dans les secteurs des investissements. Si chez nous, on encadre très bien tous les projets de construction des infrastructures, on aura créé beaucoup d’emplois tant dans le secteur privé que dans le secteur public. C’est une lecture macroéconomique. Et il faut regarder les choses d’en haut et vous voyez ce qui peut être appliqué. Quand on plante un poteau pour alimenter l’éclairage public et les fils ne sont pas encore fixés, le public commence déjà à critiquer. Mais non. Ce n’est pas par magie qu’on peut avoir et assurer le transport du courant. Or, il faut de la patience.

Propos recueillis par Djodjo Mulamba

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