Politique

Interview exclusive : Claudel-André Lubaya : « La refondation de l’Etat et la moralisation de la vie publique est le chemin »

La journée de vendredi 24 janvier 2020, bien que jour anniversaire de l’alternance, marque également l’heure du bilan de l’action du premier citoyen de la République à la tête du pays. Une année après l’avènement de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à la magistrature suprême, peut-on dire que le 5ème Président de la République Démocratique du Congo (RDC) s’est fait déjà une idée réelle des attentes du peuple Congolais ? « Je pense qu’une année après, le Président Tshisekedi s’est fait une idée réelle des attentes de notre peuple et des contraintes qui découlent de l’exercice de sa charge de Président de la République dans un pays ruiné par des années de mal gouvernance qui ont entrainé sa faillite », a déclaré l’honorable Claudel-André Lubaya, Député national élu dans la circonscription de Kananga. Avant d’ajouter : « Il (Félix Tshisekedi) a pu faire, en une année, un saut qualitatif sur le plan des libertés publiques et individuelles, même si ce dernier temps, on a noté des tentatives de recul sur ce plan. Il a (en outre) mis en œuvre la gratuité, dans des conditions difficiles et se bat tout seul pour que cela puisse réussir en faveur des millions d’enfants congolais ». Lubaya Claudel-André noté également que Félix Tshisekedi s’est profondément investi dans d’autres secteurs : (1) la pacification de l’Est du pays en y déployant hommes, matériels et en changeant de stratégies ; (2) Il a réussi à sortir le pays de l’isolement diplomatique. Force est de constater que tout n’est pas rose. Il y a encore à faire, en liant la parole à l’acte.

Géopolis Hebdo (GH) : Honorable, le 24 janvier 2020 c’est le jour anniversaire de la première alternance et pourtant, on sent une atmosphère de déni, que se passe-t-il ?

Claudel-André Lubaya (CAL) : L’histoire retiendra que ce 24 janvier marque la première passation pacifique du pouvoir en RDC, 60 après l’indépendance. Il y a lieu de préciser cette alternance n’a pas été gratuite. Elle a été arrachée de haute lutte, au prix d’immenses sacrifices consentis par l’ensemble de notre peuple qui a perdu les plus dignes de ses filles et fils issus de toutes les couches sociales : hommes politiques, activistes de la société civile, religieux, jeunes, femmes, ect. Bref, ils ont tous payé le prix le plus fort. Ils sont nombreux, ceux qui ont perdu leurs vies pour que la RDC en arrive-là et en ce jour particulier, la nation a le devoir d’un hommage solennel à rendre aux nombreuses victimes de la longue marche du peuple congolais vers la liberté. Je m’incline respectueusement devant la mémoire heureuse de tous ces compatriotes tombés sur le champ de lutte. A l’occasion de l’an 1, je ne pense pas qu’il y ait besoin d’organiser des fêtes mondaines pour célébrer cet événement. L’idéal aurait été de consacrer la journée à la réflexion sur d’où nous venons et à l’évaluation de notre parcours une année après, pour nous interroger si l’alternance a déjà oui ou non produit des fruits attendus par notre peuple. Le fait qu’aucune activité n’ait été programmée à cette occasion devra nous interpeller tous, pour savoir ce que nous avons fait de l’alternance et si notre peuple se reconnaît et se retrouve en cela.

Vous avez soutenu l’arrivée de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême, quel bilan faites-vous de cette première année ?

Je pense qu’une année après, le Président Tshisekedi s’est fait une idée réelle des attentes de notre peuple et des contraintes qui découlent de l’exercice de sa charge de Président de la République dans un pays ruiné par des années de mal gouvernance qui ont entrainé sa faillite. Il a pu faire, en une année, un saut qualitatif sur le plan des libertés publiques et individuelles, même si ce dernier temps, on a noté des tentatives de recul sur ce plan. Il a mis en œuvre la gratuité, dans des conditions difficiles et se bat tout seul pour que cela puisse réussir en faveur des millions d’enfants congolais. Il s’est profondément investi dans la pacification de l’Est du pays en y déployant hommes, matériels et en changeant de stratégies. Il a réussi à sortir le pays de l’isolement diplomatique. Cependant, tout n’est pas rose. Il y a encore à faire, en liant la parole à l’acte, en posant des actes concrets dans la lutte contre la corruption et l’impunité, en organisant l’administration publique, en mettant de l’ordre dans le pouvoir judiciaire.

Bref, il doit relever le défi de refondation de l’Etat et rendre l’Etat de droit effectif plutôt que de le maintenir au niveau du rêve, au niveau du slogan. Je veux dire, en peu de mots, que le Président de la République, qui est le maître à bord, doit tracer le cap et indiquer la voie à suivre, en déclinant de façon claire sa vision de l’Etat et de son fonctionnement. Cela mettra fin aux ambiguïtés constatées ça et là.

A votre avis, y a-t-il crise en République Démocratique du Congo (RDC) ?

On ne doit pas se voiler la face. Il faut le dire à haute voix et reconnaître que le pays traverse une crise politique qui influe négativement sur la conduite des affaires publiques et affecte dangereusement la mise en œuvre des politiques publiques initiées par le Président de la République et son gouvernement. Contraint de conclure un accord de coalition faute de majorité au Parlement, le Chef de l’Etat peine aujourd’hui à imposer ses marques à la gouvernance du pays. D’où, la crise. Celle-ci découle de l’interprétation des accords conclus d’une part entre la Coalition pour le Changement (CACH) et le Front Commun pour le Congo (FCC) et entre les deux forces coalisées au sein du CACH (Union pour la Démocratie et le Progrès Social [UDPS] et Union pour la Nation Congolaise [UNC]) d’autre part. C’est une crise de méthode, de vision, de confiance et de périmètre d’exercice du pouvoir entre coalisés. En son temps, nous avions salué la mise en place du Comité de suivi de l’Accord et espérions qu’il allait servir d’amortisseur en cas de crise.

L’histoire du moment a imposé une forme de rencontre au niveau du Gouvernement à ceux qui furent hier des adversaires politiques. Etait-ce une bonne option de gouverner au sein d’une coalition ?

La coalition n’est pas une invention congolaise même si elle est juste une première dans notre pratique politique. Peu importe les hommes et les femmes qu’elle met ensemble, l’idéal républicain commande que l’intérêt supérieur de la Nation prime sur les considérations partisanes, sources intarissables de conflit et de malentendus. Elle n’a pas été une mauvaise option, c’est juste une question des hommes chargés de sa matérialisation qui posent problème.

Quelles sont les réformes qui s’imposent pour la suite de la législature ?

Les réformes attendues sont de plusieurs ordres mais l’initiative principale revient au chef de l’Etat, en sa qualité de garant de la Nation. C’est à lui d’indiquer la direction dans laquelle, il veut engager le pays en fixant définitivement l’opinion sur son cahier de charges des réformes. Les réformes attendues, à mon sens, devront conduire à refonder l’Etat pour le rendre moderne, serviable, présent, protecteur et régulateur de la vie nationale. Celles-ci passent par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique des hommes chargés de l’incarner. Car, la gouvernance n’est pas seulement une question d’intelligence et de légitimité, elle va bien au-delà de l’imaginaire. La refondation de l’Etat, pour une véritable moralisation de la société et une lutte efficace contre la corruption, passe par un nouveau mode de gouvernance dont le fondement est la liberté au sens large pour une société participative et citoyenne. La refondation devra nous conduire à l’Etat de droit qui n’est pas un Etat fonctionnaire, mais bien un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d’une certaine philosophie du droit d’une part. D’autre part, par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d’une vision future de ses perspectives.

Propos recueillir par WAK. Texte par Dieudonné Buanali.

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