Politique

24 avril 1990 – 24 avril 2022 : La RDC est-elle devenue un État Démocratique 32 ans après ? : Ce qu’en pensent les acteurs politiques congolais

La démocratie désigne à l’origine un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions publiques et à la vie politique de la cité.

Le dénominateur commun des démocraties est l’existence d’institutions et de lois qui visent à protéger la population des dérives tyranniques ou dictatoriales que peut exercer une personne ou un groupe quelconque, y compris la majorité. Toute démocratie doit disposer de lois permettant aux citoyens de changer de gouvernants ou de projets politiques légalement, c’est-à-dire sans avoir besoin de recourir à la violence et en respectant les procédures définies par les lois. En République démocratique du Congo, la date du 24 Avril est systématiquement prise comme journée de la démocratie, car

ce jour-là, le 24 avril 1990, le président Joseph-Désiré Mobutu annonça, les larmes aux yeux, le tournant du multipartisme après 25 ans de règne sans partage. Devant un parterre de ministres, magistrats, généraux et parlementaires, Mobutu Sese Seko  qui se présente vêtu d’une uniforme noire de maréchal, décide seul devant sa conscience de tenter l’expérience du pluralisme politique dans le pays, alors Zaïre, avec à la base le principe de la liberté pour chaque citoyen d’adhérer à la formation politique de son choix.

« Je vous annonce que je prends ce jour congé du Mouvement populaire de la révolution (MPR, Parti unique de l’époque), pour lui permettre de se choisir un nouveau chef devant conduire… ». Silence de quelques secondes du Léopard, suivi d’un regard avec les yeux larmoyant en direction de l’assistance, et qui s’achève par trois petits mots devenus célèbres : « Comprenez mon émotion ». Aujourd’hui, 32 ans après cette décision, la rédaction de Géopolis Hebdo est allée à la rencontre des leaders politiques du pays, question de recueillir auprès de ces derniers, leurs avis sur l’évolution de la démocratie et l’apport du multipartisme dans le développement du pays.

A en croire Yanick Lukusa, président National du Parti Politique AGIR, la journée du 24 avril, c’est un grand jour dont l’action jusque là présente les avancées qui ne couvrent pas en grande partie l’expression de la démocratie. Car, estime t-il, la  démocratie est une culture politique du pouvoir qui repose essentiellement sur la liberté qui est organisée sur plusieurs thématiques, notamment, la liberté d’expression, de choix des dirigeants et la liberté de la définition des institutions. Lesquelles nécessitent des acteurs politiques ayant des doctrines et idéologies axées vers le progrès et le développement.

 » De manière institutionnelle, ce qui montre que nous avons avancé démocratiquement, parce que nous avons des institutions. En 1997, après la rébellion, il y a eu une remise à zéro de toutes les institutions. On avait une constitution qui avait à peine une vingtaine d’articles qui s’appelait la loi 00/7. Avec laquelle le président Mzee Laurent-Désiré Kabila avait dirigé le pays. L’héritage qui peut nous laisser croire que nous avons évolué, c’est la possibilité que nous avons eu d’avoir certaines institutions depuis cette période là. Mais également en 2004, nous sommes partis dans un dialogue pour essayer d’unifier et de pacifier le pays. En 2005, il y a eu un référendum qui a donné naissance à la constitution actuelle de la République. Une constitution qui a fait que nous avons eu trois cycles électoraux en 2006, 2011 et 2018. De cette loi fondamentale, ont aussi découlé certaines institutions qui ont appuyé la démocratie en l’occurrence, la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) qui existe depuis 2006 et ont donné naissance aux  organisations de droits de l’homme etc., » A-t-il martelé. Avant de préciser :  » la culture démocratique reste un défi pour participer au développement de notre pays mais c’est déjà un pas qu’il faudra consolider et aller de l’avant. »

De l’apport du multipartisme dans le processus du développement, le président du parti du changement pense que la scène politique reste souillée par des conflits entre acteurs qui ne leur permettent pas de penser développement.

 » Nous assistons depuis 1990 à des guéguerres personnelles entre leaders politiques et ces guéguerres malheureusement n’ont rien avoir avec l’idéologie politique qu’ils défendent.

Nous n’avons pas des acteurs qui sont derrière des idées, idéologies et des doctrines politiques à défendre de manière intègre. », a-t-il déclaré le président national de AGIR.

Pour Yanick Lukusa, le multipartisme ne contribue pas au développement parce que la démocratie devrait être ce régime qui allait permettre la paix, la cohésion et la cohérence dans l’action publique et dans les esprits des acteurs de manière à ce que ça puisse permettre l’expression communautaire des populations pour aller vers plus d’autonomie, de progrès et le social.

« Nous sommes dans un régime démocratique avec des acteurs qui se disent démocrates parce qu’ils viennent des structures pseudo démocratiques mais malheureusement, ils ne défendent aucune idée qui soit vraiment encrée sur les valeurs démocratiques, que ça soit dans la distribution des richesses que dans le développement de la communauté. Ce qui fait que nous n’avançons presque pas, nous faisons du surplace et malheureusement nous avons de plus en plus des défis avec une population encore beaucoup plus grande tous les jours, » affirme t-il en substance.

De son côté, Maître José Londola,  Secrétaire Général Adjoint du Mouvement  Lumumbiste Pregresiste  (MLP), chargé des questions juridiques, administratives et électorales, parle d’un bilan mitigé et formule à l’occasion les recommandations au parti au pouvoir (UDPS).

 » Le 24 avril 1990 nous rappelle  l’ouverture démocratique à travers  l’introduction en RDC du multipartisme politique syndicale, fruit du combat acharné des forces du changement incarnées par le leader maximo, le feu Étienne Tshisekedi wa Mulumba d’heureuse mémoire, contre la dictature  Mobutienne comme Lumumba bien entendu a incarné le combat de l’accession de notre pays à  l’indépendance en 1960 « , a-t-il rappelé.

Concernant le bilan de ces 32 ans depuis la démocratisation de la RDC, le Cadre du Mouvement Lumumbiste progressiste, parti cher à l’honorable Franck Diongo, précise que  » ce parti qui était le porte intendendard contre la dictature de Mobutu à l’époque, c’est l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS).

Ce que le peuple attendait de cette démocratie, c’est le changement  radicale, c’est la rupture totale avec le passé. Voilà pourquoi, il a soutenu l’opposition qui symbolisait le changement et laquelle avait à sa tête Tshisekedi Wa Mulumba. Le changement attendu par le peuple, c’est celui de la qualité de la vie, c’est la sécurité ou la sécurisation de son pays contre les envahisseurs. C’est la mise sur pied d’un programme pour le développement véritable de notre pays dans tous les secteur  », a-t-il martelé.

A la cheville ouvrière du MLP de poursuivre :  » Un constat malheureux  est que, depuis le début de ce processus démocratique jusqu’à ce jour, le pays n’a pas encore bénéficié des élections crédibles, transparentes et apaisées. Toutes les élections ont été contestées, ce qui fait que le pays n’a  pas encore obtenu ce qu’il voulait ou ce qu’il attendait, c’est-à-dire le bien-être « .

 » Comme actuellement, c’est l’UDPS qui est au  pouvoir, ce qu’elle peut faire pour honorer le combat d’Etienne Tshisekedi, c’est d’organiser les élections qui ne seront pas contestées « , a déclaré Maître José Londola.

Pour le SG adjoint du LMP, avoir la démocratie c’est n’est pas avoir plusieurs partis politiques ou plusieurs  syndicats, mais c’est respecter le choix du peuple, c’est de répondre à ses aspirations qui constituent son bien être, parce que, poursuit-il, ni le choix du peuple, encore moins les aspirations  de ce dernier, n’ont jamais été honorées par les dirigeants.

 » Le multipartisme pour le peuple  congolais ou le processus démocratique pour lui, c’est de l’espoir déçu. Autrement dit, c’est la trahison  contre lui par ses dirigeants  », a-t-il dit.

Concernant l’apport du multipartisme  dans le développement de la RDC, le chargé des questions juridiques et électorales aux LMP laisse entendre que rien n’a progressé jusqu’à ce jour en terme du développement :  » Nous tournons toujours en rond, rien n’a évolué. Bien au contraire, la situation  s’empire avec la cherté de la vie, l’insécurité grandissante, la pauvreté qui s’accroît de manière exponentielle. Je n’oublie pas la menace de la sécurité à  l’Est du pays. Tout cela fait que le développement tarde toujours à venir et  notre peuple continue de vivre dans la misère. Ce dernier attend voir sa bouche recouvrir le sourire qu’il a jusqu’à ce jour manqué « .

Pour clore son propos, José Londola a fait savoir qu’il  revient à l’UDPS de redonner au peuple ce sourire et cette  espérance par l’organisation des élections incontestables. C’est de cette façon, affirme t-il, que le parti au pouvoir honorera la mémoire et le combat du feu Étienne Tshisekedi  wa Mulumba et de surcroît, va honorer sa propre lutte  de 37 ans.

Propos recueillis par Blandine Bampala et Edouard  Funda

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