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Interview exclusive :Me Charles Mugagga Mushizi :  » La régulation ne doit pas être synonyme des sanctions. Elle doit être comprise dans le sens de la prévention.  »

 Me avocat, ancien conseiller au ministère de la Communication et des médias qui n’a, selon ses propres termes, vu autant de volonté dans le chef d’un ministre pour réorganiser le secteur des médias avant l’avènement de Patrick Muyaya Katembwe, auteur de plusieurs ouvrages, rapports de consultation et articles scientifiques, Me Charles Mugagga Mushizi Bashushana est actuellement Directeur du Centre d’Echanges pour des Réformes Juridiques et Institutionnelles (CERJI), une association sans but lucratif de droit congolais qui a été créée en avril 2007 et enregistrée au Ministère de la Justice et Garde des Sceaux le 03 mai 2008 sous le numéro E.92/11.474 par la lettre N° JUST.DH/SG/20/700/2008. CERJI, essentiellement composée par des associations et des personnes physiques, défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des juristes, a pour entre autres missions d’organiser et d’appuyer le développement par des propositions concertées des politiques sectorielles en rapport avec le développement, la justice, les droits de l’homme ; de renforcer ses organisations membres ; de stimuler la participation des populations à l’écriture des politiques sectorielles et de contribuer au

renforcement de la gestion démocratique des biens publics, pour ne citer que celles-ci. Il a été, à la veille de la célébration de la Journée mondiale de la presse 2023, l’invité de Chemin Critique, une émission présentée par William-Albert Kalengay qui décortique pour vous l’actualité de la semaine. Dans cet exercice citoyen et de redevabilité, Me Charles Mugagga Mushizi est revenu longuement sur la nouvelle Loi sur la presse dit  » Loi Muyaya  ». D’après son auteur, l’actuel ministre de la Communication et Médias, la nouvelle Loi sur la presse marque le premier pas de la marche vers la salubrité médiatique (L’une des recommandations au Chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo aux participants des états généraux de la communication et des médias, tenus, du 25 au 28 janvier 2022, à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo). Elle permet également de conformer le secteur des médias à l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

En effet, le monde a célébré en cette année 2023, le 30e anniversaire de l’institution par les Nations-Unies de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Le thème retenu pour cette année est :  » La liberté de presse comme moteur de tous les autres droits de l’homme. » En RDC, cette célébration a coïncidé avec la promulgation par le chef de l’Etat en mars dernier de la nouvelle Loi sur la presse. Cette Loi régule notamment les conditions d’accès au métier de journaliste et consacre la responsabilité pénale, civile et professionnelle des journalistes et autres professionnels des médias. Mais contient la nouvelle Loi ? Réponse avec le Directeur du CERJI :  »

D’après lui, la nouvelle Loi a le mérite de circonscrire dans son premier titre, elle qui en a quatre, son champ d’application. Elle s’adresse aux professionnels des médias, c’est-à-dire, aux entreprises de presse, aux personnes physiques ou morales concernées par les messages audiovisuels et aux journalistes œuvrant dans un organe de presse en RDC. La Loi définit alors la liberté de la presse et les nouvelles prérogatives octroyées au Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, (CSAC.) Celui-ci a désormais, la régulation des médias à sa charge. Par ailleurs, outre les dispositions légales pour la création d’une entreprise de presse, le second titre met en exergue les innovations. C’est la régulation de la presse en ligne et les médias associatifs, communautaires et confessionnels. Il est également question des ressources des entreprises de presse, notamment de l’aide financière publique et de la publicité. Le troisième titre prend en compte les questions liées au droit du public à l’information. Il traite aussi de la question de droit de réponse et de droit de rectification. Enfin, le quatrième titre, avant le dernier qui reprend les dispositions finales, regroupe tout ce qui est de la responsabilité pénale, civile et professionnelle. Et prévoit enfin des sanctions même pour les faux journalistes communément appelés  » moutons noirs  ». Qu’en est-il des innovations apportées par la nouvelle Loi ?

L’aide publique devient une obligation pour l’État pour le renforcement de la démocratie et l’émergence d’une presse indépendante et citoyenne, la formation du personnel et l’acquisition des matériels et non comme un cadeau du Prince ; la reconnaissance et l’intégration officielle des médias en ligne qui n’étaient pas régis par l’ancienne Loi ; le droit de réponse ou le démenti devient la règle à la place d’une action en justice contre le journaliste, un pas en avant vers la dépénalisation des délits de presse, pour ne citer que celles-ci, sont les quelques innovations apportées par la Loi Muyaya selon notre orateur.

Le chef de l’État parle beaucoup de salubrité médiatique. C’est quoi au juste ? Me Mugagga Mushizi entend par-là, l’adaptation des textes, le renforcement du pouvoir des structures de régulation et d’autorégulation, doter les  » policiers  » de l’éthique et de la déontologie des moyens de leur politique, un régime fiscal spécial applicables à chaque catégorie des médias dont les médias confessionnels, communautaires et associatifs qui devrait être différent de celui appliqué aux médias commerciaux.

Pour les prochaines années, comment entrevoyez-vous la régulation ? A en croire Charles Mugagga Mushizi, la régulation ne doit pas être synonyme des sanctions mais elle doit être comprise dans le sens de la prévention qui passe par la salubrité médiatique, la formation et le recyclage des journalistes.

Comment la nouvelle Loi organise les conditions d’accès à la profession ?  » N’est plus journaliste tout celui qui le voudra, la nouvelle Loi a renforcé les conditions d’accès à la profession  », a déclaré Me Charles-Mugagga Mushizi. Avant d’ajouter :  » L’article 3 définit qui est journaliste professionnel à son point 11 et qui est professionnel des médias au point 20. Par ailleurs, au regard de l’article 42 toute personne physique ou morale peut créer une entreprise de presse. Encore faudrait-il qu’il respecte la loi qui prévoit plusieurs conditions à son article 43  ».

A côté de la régulation, il y a aussi l’autorégulation, un travail confié à l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC), une organisation privée intégrée dans un texte de Loi. Pourquoi ? Comment en est-on arrivé là ? A cette question de la presse, le Directeur du CERJI, Me Charles-Mugagga Mushizi, n’est pas allé par le dos de la cuillère :  » Il y a eu d’abord l’Ordonnance-Loi nº 81-012 du 02 avril 1981 portant statuts des journalistes œuvrant en République du Zaïre, actuelle République Démocratique du Congo avant l’avènement de la Loi n°96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse en RDC. C’était une façon de responsabiliser les privés en majorité dans ce secteur médiatique afin de renforcer la démocratie, grâce aux immenses services rendus à la Nation et à la population, faciliter la régulation et l’autorégulation.

Avec la Loi Muyaya, les professionnels des médias ont donc entre leurs mains, selon ce brillant avocat Congolais, un nouvel outil pour le redémarrage du secteur médiatique et surtout, pour rendre viable leurs médias. Tout a été mis sur place, Lois, Autorités de régulation et mesures d’exécution, mais il ne manque que l’autorégulation.

A l’UNPC aujourd’hui, n’est-ce pas de la cacophonie ?  » L’Union n’a pas été capable de fédérer l’ensemble de la profession journalistique qui est devenu un asile des tous les chômeurs de la République. C’est une question de profil  », a affirmé Me Charles Mugaga. Avant de terminer son propos par une exhortation :  » Le journaliste mérite le respect au même titre que l’avocat et le médecin, car il constitue notre mémoire collective et une bibliothèque du savoir. La plume et l’éloquence que je n’ai pas trouvé dans le droit, je l’ai trouvé dans le monde des journalistes  ».

Propos recueillis par Dieudonné Buanali

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