Politique

Au-delà des attentes : Vital Kamerhe, par quel bout prendre l’économie congolaise

En prenant le mercredi 29 mars 2023 le bâton de commandement du ministère national de l’Économie, élevé au rang de Vice-primature, au terme d’une brève cérémonie de remise et reprise avec le ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima, qui y assurait l’intérim depuis la démission de M. Jean-Marie Kalumba, jugé incapable de réguler la flambée de prix des produits de base qui secouait le pays à l’époque, le Vice-premier ministre et ministre en charge de l’Économie, M. Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi, a promis, devant témoins, d’œuvrer pour l’amélioration des conditions de vie du peuple congolais.  » Quand on m’a nommé Vice-premier ministre de l’Économie, les gens se sont demandés pourquoi je n’ai pas fêté. Je n’ai pas fêté parce que c’est une croix que nous devons porter  », a déclaré Vital Kamerhe, Vice-premier ministre en charge de l’Économie, lors de son allocution pendant la cérémonie de remise et reprise. Avant de faire une promesse :  » Nous allons donc travailler ensemble parce que, tous sommes là pour répondre à la promesse que le président de la République avait faite au peuple congolais notamment l’amélioration des conditions de vie de la population, la promesse de voir le Congo retrouver sa vocation naturelle, c’est-à-dire la locomotive du décollage de l’économie africaine. Nous ne sommes pas venus dans un esprit de chasse à l’homme, travaillons, mais ça ne veut pas non plus dire que nous allons faire plaisir à ceux qui ne travaillent pas. Il faut que la machine tourne  ». Connaissant les défis auxquels il doit faire face, le Vice-premier ministre en charge de l’Économie a rappellé que  » les gens voudraient que le dollar baisse, que les prix baissent mais tout cela ne peut baisser que si nous sommes rigoureux. Pour faire des réformes, le peuple doit aussi apporter sa part, c’est-à-dire, accepter de faire des sacrifices comme un laboureur et ses enfants pour que nous récoltons ensemble les fruits des efforts que nous allons fournir  ». Le VPM Kamerhe a terminé ce jour-là son mot de circonstance en soulignant que les réformateurs ont toujours été détestés mais après ils sont applaudis quand même puisqu’ils amènent le changement.  » Même la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAF) n’aura pas de sens sans le Congo. Nous sommes conscients de ces responsabilités et nous devons continuer à donner le meilleur de nous-mêmes  », a-t-il fait savoir. Mais par quel bout prendre l’Économie congolaise ?

La République Démocratique du Congo (RDC), dont l’économie reste très dépendante du secteur minier, soumise aux aléas des cours internationaux, est un Etat qui reste en situation de fragilité. Les perspectives de croissance pour cette année et 2024 sont toutefois plus favorables. Courant 2019, la baisse des cours des matières premières avait fortement fragilisé son cadre économique au point de nécessiter l’intervention d’urgence du FMI. La remontée rapide des cours internationaux courant 2020 a permis à l’économie de contenir une partie des effets de la pandémie de Covid-19 et de retrouver de nouveau le chemin de la croissance bien que légère (+1,7%).

En effet, la RDC possède une économie très spécialisée, largement dépendante du secteur minier : 95% de ses exportations sont des matières premières (principalement le cuivre et le cobalt dont 40% sont destinées à la Chine). Cette forte exposition au secteur minier la rend très dépendante de l’évolution des cours mondiaux, mais également très peu redistributive : les trois-quarts de la population sont dans une situation d’extrême pauvreté (<1,9 USD/J).

L’arrivée de Vital Kamerhe à la tête du ministère de l’Économie nationale intervient à un moment où ce secteur subit les incidences fâcheuses de l’invasion Russie de l’Ukraine, d’une part, et la hausse généralisée des prix de biens de première nécessité sur les marchés nationaux du pays, conséquence de la guerre qui se déroule dans la partie Est de la RDC avec la résurgence du Mouvement du 23 Mars (M23).

Grand magnat de l’économie, le Président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) qui a une parfaite connaissance de l’ensemble des secteurs économiques (primaire, secondaire et tertiaire) de la RDC, est donc appelé à agir au plus vite pour restaurer l’ordre dans un domaine entièrement dominé par les expatriés dont principalement les libanais, indiens, pakistanais et chinois qui font la loi, sans oublier, bien évidemment, de contribuer à la résolution des contradictions entre les secteurs privé et public avec l’existence de deux patronats : la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) et l’Association Nationale des Entreprises du Portefeuille (ANEAP) alors que sous Mobutu, il n’y en avait qu’une, l’ANEZA du feu Jeannot Bemba Saolona.

Aujourd’hui, les Congolais qui ne savent plus se nourrir convenablement à cause de la flambée des prix des denrées alimentaires dont les vivres frais, de la spéculation sur le marché et de la pratique des prix illicites. Face à cette triste situation, le VPM Kamerhe Vital devra rapidement prendre des mesures en vue d’obtenir la stabilité de prix des produits de consommation courante sur les marchés, mais aussi faire respecter les règles en la matière.

D’autres actions sont aussi attendues dans le cadre de ce nouveau vent au cours de son mandat, notamment la poursuite des réformes déjà entamées par ses prédécesseurs ; recruter les nouveaux inspecteurs économiques ; suivre attentivement l’évolution du cadre macroéconomique pour bien cerner les performances de l’économie et l’évolution de la production, de l’inflation et de la balance des paiements ; Renforcer la sécurité et maintenir la stabilité politique et macroéconomique pour assurer une croissance durable. Cette liste d’actions n’est pas exhaustive.

Ces actions sont d’une extrême urgence dans la mesure où, malgré des perspectives favorables à moyen terme pour la RDC, l’économie congolaise, nous le répétons, reste très vulnérable aux fluctuations des prix des produits de base, et aux performances de ses principaux partenaires commerciaux, ce qui l’expose aux perturbations liées aux conflits géopolitiques mondiaux.

Comme le Fonds Monétaire International (FMI) l’expliquait en juillet 2022, après des décennies de guerre, de mauvaise gouvernance et de sous-investissement, la RDC est confrontée à des taux de pauvreté élevés, à un accès très limité aux services essentiels et à l’un des plus grands déficits d’infrastructures du monde.

Il convient de procéder à des réformes pour diversifier et améliorer la résilience de l’économie, et pour promouvoir une croissance plus soutenue et plus inclusive. Des efforts continus devront être déployés pour améliorer la gouvernance, le climat des affaires et des investissements comme le suggère l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements (ANAPI). Objectif ? Soutenir le développement du secteur privé et la diversification économique.

S’agissant particulièrement de la diversification de l’économie congolaise, il sied de rappeler que le modèle économique de la RDC est resté extraverti, comme du temps de la colonisation. Les ressources minières sont extraites et exportées à l’état brut sur le marché international.  » La RDC produit ce qu’elle ne consomme pas et consomme ce qu’elle ne produit pas « . Tel est le constat. La conséquence est que le pays est aujourd’hui dans la queue de tous les palmarès de développement.

Logiquement, il faut revoir le modèle économique de la RDC pour diversifier son économie. Le secteur extractif contribue à 38% aux recettes du budget national. Longtemps considéré comme un pays à vocation minière, au regard de ses potentialités dans le sol et le sous-sol, la RDC est avant tout une puissance agricole. Elle a tous les atouts pour être une puissance agricole : territoire étendu sur 2 345 000 Km² ( le 11e pays le plus grand du monde) avec 88 millions d’hectares de terres arables, une grande population (Plus ou moins 85 millions d’habitants) et qui constitue un marché potentiel pour écouler les produits agricoles, un cycle hydrographique régulier qui permet même de produire sur toute l’année.

Ainsi donc, la diversification de l’économie congolaise passerait par l’exploitation d’autres potentialités que regorge le pays où en créant de la valeur ajoutée aux activités minières en cours d’exploitation. Ainsi donc, cinq (5) pistes se présentent comme propices à la diversification de l’économie congolaise à court-terme. Ces pistes sont à la portée du Vice-premier ministre et ministre de l’Économie, même à court-terme, c’est-à-dire que ce sont des choix économiques que Vital Kamerhe peut faire pendant son passage à l’immeuble du Gouvernement. Il s’agit : 1) La mécanisation et l’industrialisation de l’agriculture. L’agriculture, soubassement de toute économie, reste archaïque en RDC. Le paysan congolais est resté moyenâgeux avec sa houe, sa machette et sa hache. Il faut d’abord mécaniser l’agriculture tout en adoptant les méthodes culturales modernes de manière à augmenter le rendement. Et ensuite, l’industrialiser par la transformation localement des produits agricoles. Dès investissements massifs dans ce segment permettrait non seulement d’atteindre la sécurité alimentaire et d’exporter une bonne partie de la production mais aussi de créer des millions d’emplois afin de résorber le chômage ; 2) L’industrialisation de la pêche. La RDC est le pays le mieux doté en ressources en eau sur le continent. Plusieurs rivières, lacs et un long fleuve baignent le pays. Bien plus, la RDC a une ouverture à l’océan qui lui donne la voie à pratiquer aussi la pêche industrielle dans les eaux internationales. Mais, la pêche reste artisanale à travers le pays depuis que les établissements  » Katebe Katoto  » ont mis fin à la pêche industrielle dans le Grand Katanga. L’essentiel des poissons consommés en RDC est importé. L’industrialisation de la pêche aura l’avantage non seulement de créer des emplois durables dans le secteur mais aussi de contribuer à une bonne alimentation des Congolais ; 3) L’agroforesterie. La RDC regorge 145 millions d’hectares de forêts. Avec ces potentialités, le pays peut exploiter durablement jusqu’à 10 millions m³ de grumes chaque année. Aujourd’hui, la RDC exporte essentiellement des grumes sans y apporter une quelconque transformation. Il suffit d’installer une chaise à l’entrée du port international de Matadi ou sur le triangle du quartier Cité Verte dans la commune de Selembao, à Kinshasa, pour s’en rendre compte. Une agroforesterie permettrait au pays de créer de la valeur ajoutée dans le secteur et donc générer des revenus supplémentaires ; 4) La transformation des minerais localement. En étant un simple exportateur des minerais, la RDC serait condamnée à ne jamais tirer son épingle du jeu dans l’exploitation minière. Il faut nécessairement créer des opportunités pour promouvoir la transformation sur place des minerais, ne serait-ce qu’une transformation légère. La RDC exporte des lingots de cuivre pour importer des fils électriques ! Ce n’est pas normal. Le seul préalable pour imposer aux miniers la transformation à un certain niveau de leurs produits reste la fourniture de l’énergie électrique nécessaire, et enfin ; 5) Le tourisme. C’est un segment qui reste embryonnaire en RDC. Il y a moyen de développer un tourisme local des nationaux en attendant de réunir tous les moyens nécessaires pour aller en quête du tourisme des étrangers. De plus en plus des Congolais ont un pouvoir d’achat élevé. Ce qui peut permettre des voyages d’une province à une autre. Certes, il y a des provinces où l’insécurité ne permet pas, mais la partie Ouest du pays est propice au développement d’un tourisme local des nationaux. Et des randonnées sur le majestueux fleuve Congo, notamment de Kinshasa à la province Orientale, est une vraie opportunité touristique qui n’est pas exploitée par des professionnels.

Dieudonné Buanali

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top