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Coopération- La région d’Afrique de l’Est est-elle redevenue « l’axe du mal »? Qui sont les alliés de la RDC dans cette zone ?

Au lendemain des élections générales en République démocratique du Congo, des projections sont faites pour savoir quel pays sera l’allié du Congo dans la région de l’Afrique de l’Est. C’est l’une des questions que le Président de la RDC, qui sera proclamé le 10 janvier par la Cour constitutionnelle, devra traiter.

Sur ses 9 voisins, le Congo partage des frontières avec 5 pays d’Afrique de l’Est. La RDC devrait continuer à bénéficier d’une bonne coopération avec les pays d’Afrique de l’Est. Mais lesquels ? En 2019, lorsque Félix Tshisekedi a pris ses fonctions, il s’est fortement appuyé sur le Kenya comme allié majeur. Le Kenya avait été une sorte de parrain, avec l’ancien président Uhuru Kenyatta, pour faire entrer la RDC dans la communauté est-africaine. Le processus de paix en RDC est actuellement piloté par le Kenya dans le cadre du processus de Nairobi, bien qu’il soit aujourd’hui au point mort. Tout cela est sur le point de se refroidir, puisque le Kenya a accueilli, le 15 décembre dernier, un ancien président de la commission électorale nationale indépendante, Corneille Nangaa, qui a annoncé à Nairobi la création d’une nouvelle coalition politique et militaire qui entend « venir sauver le Congo », comme il l’a dit lui-même.

La RDC s’est étonnée que ce soit au Kenya que Nangaa ait annoncé la naissance de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une alliance politico-militaire regroupant des groupes armés du Nord et du Sud-Kivu, du Maniema, de l’Ituri, de la Tshopo (l’ancienne province orientale) et du grand Katanga, selon Nangaa. La nouvelle alliance comprend également le M23 et plus de 200 hommes politiques de la RDC, toujours selon l’ancien président de la CENI, qui s’est toutefois abstenu de les citer. « Ces braves citoyens qui nous rejoignent courageusement constituent le nouveau vivier politique de la République, que nous gardons sous silence pour des raisons évidentes », a déclaré Corneille Nangaa.

Le Kenya, par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères, Musalia Mudavadi, « s’est fermement dissocié de toute déclaration ou activité susceptible de porter atteinte à la paix et à la sécurité de la République démocratique du Congo (RDC), un pays ami ». Mais la réponse du président William Ruto et son refus d’accéder à la demande de la RDC d’arrêter Nangaa ont jeté un froid sur les relations entre la RDC et le Kenya.
Le président kenyan avait répondu aux autorités congolaises que « le Kenya est une démocratie » et qu’il ne pouvait donc pas arrêter quelqu’un qui exprimait ses opinions. Il considère que les déclarations de Corneille Nangaa font partie intégrante du processus démocratique.
« Ceux que nous arrêtons sont les criminels. Si quelqu’un commet des actes criminels, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous en occuper. Mais faire des déclarations fait partie de la démocratie. Combien de personnes font des déclarations contre moi au Kenya ? Il y en a tous les jours », a déclaré Ruto.

Pour certains analystes congolais, les autorités kenyanes en veulent à leurs homologues congolais de ne pas avoir gardé sur leur sol la force régionale d’Afrique de l’Est, qui était commandée par un général kenyan. « Le Kenya saisit l’occasion pour se venger de la honte que la RDC vient d’infliger à son contingent, chassé comme un pestiféré », estime Nicaise Kibel Bel, expert militaire basé au Kivu.

Pourtant, outre la force régionale qui vient de quitter la RDC, le Kenya a des accords bilatéraux avec le Congo, dont le dernier en date, signé en août, porte sur la coopération militaire. Cette coopération militaire comprend, entre autres, la formation des FARDC par l’armée kenyane. Les premières unités sont déjà formées à Kisangani, dans le nord-est de la République démocratique du Congo.

Le Kenya et la RDC ont supprimé les visas pour leurs voyageurs respectifs. Les deux pays souhaitent faciliter les échanges commerciaux et la circulation des personnes. La RDC souhaite renforcer sa coopération avec le Kenya. Elle a ainsi l’occasion d’accroître ses échanges commerciaux avec le Kenya en important des marchandises dans les régions orientales du pays via le port de Mombasa. Le Kenya a déjà augmenté ses investissements dans le secteur bancaire avec Equity Bank et KCB Bank déjà présentes en RDC.

Comment cette rationalité économique et commerciale peut-elle être gérée compte tenu de la situation sécuritaire à laquelle la RDC est très sensible ? Le Kenya a déclaré qu’il soutenait le processus de paix en RDC. Nairobi joue un rôle majeur dans la recherche de la paix dans l’est du Congo. En d’autres termes, les choses ne sont pas encore claires entre les deux pays.

La RDC a également renforcé sa coopération avec le Burundi. Ce pays apparaît actuellement comme le principal allié du Congo dans la région. La Tanzanie est un autre allié de la RDC. Son port de Dar es Salaam est un pivot important de l’économie congolaise et les autorités congolaises se souviennent encore des troupes tanzaniennes qui ont contribué à la brigade d’intervention rapide de la mission de maintien de la paix au Congo.

Dans cette liste d’alliés, l’Ouganda est un partenaire avec lequel le Congo a uni ses forces pour combattre les rebelles ADF dans le Nord-Kivu et l’Ituri. Cependant, beaucoup au Congo regardent Kampala avec suspicion. Plusieurs soupçonnent l’Ouganda de jouer un rôle dans la guerre du M23. Les autorités congolaises, quant à elles, disent faire confiance à l’Ouganda. En juillet 2022,
le président congolais Félix Tshisekedi avait envoyé son ministre des infrastructures Alexis Gisaro auprès de son homologue ougandais, Yoweri Museveni, pour lui demander son soutien dans la recherche d’une solution à la guerre contre le M23. Alexis Gisaro avait déclaré au président ougandais qu’il serait « difficile de trouver une solution » sans son aide ». Cela en dit long sur la place de l’Ouganda dans les enjeux régionaux de la RDC.

Plus que jamais, le Rwanda entretient des relations difficiles avec la RDC. Sur le plan économique, le poste frontalier entre la RDC et le Rwanda est l’un des postes où le trafic de marchandises est le plus important. Quoi qu’il en soit, les différentes guerres en RDC ont mis les deux pays en porte-à-faux. La RDC accuse le Rwanda avec, des multiples preuves, de soutenir les rebelles du M23. Plusieurs rapports des Nations Unies et beaucoup des pays occidentaux ont fait reproché à Kigali ses manœuvres dans le Kivu. Le Rwanda, quant à lui, accuse la RDC de soutenir les anciens rebelles génocidaires FDLR.

La création de la nouvelle Alliance Fleuve Congo de Corneille Nangaa est considérée par les autorités congolaises comme une nouvelle création du Rwanda pour attaquer le Congo. « Corneille Nangaa est utilisé par Paul Kagame », a récemment déclaré Félix Tshisekedi. Le chef de l’Etat congolais a même menacé : « A la moindre escarmouche en RDC par cette nouvelle alliance, s’ils tuent ne serait-ce qu’un seul Congolais, je convoquerai le parlement et je demanderai l’autorisation de déclarer la guerre au Rwanda », a-t-il déclaré.

Patrick Ilunga

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