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Dossier carburant : Les balbutiements de l’OCC inquiètent

Après les soubresauts soulevés par la crise du carburant et de sa gestion en République démocratique du Congo, voici un autre contre-coup probablement induit par cette même pénurie. Des cargaisons des produits pétroliers achetés à Anvers en Belgique et arrivés au Congo via Moanda seraient non conformes et dangereux, selon une note technique de l’Office Congolais de Contrôle de Moanda, là où le produit a été réceptionné le 12 septembre dernier. La note explicative adressée au Directeur général de l’OCC à Kinshasa, a été relativisée par sa maison mère de la capitale congolaise qui a tenu à rassurer les Congolais via un communiqué. Mais, loin d’apaiser la conscience des Congolais, la double communication de l’OCC pose question et même inquiète. A quoi doit-on s’en tenir sur cette question du carburant ?

La note explicative de l’Agence provinciale de l’OCC à Moanda parle de la non-conformité de la cargaison de 24.572.374 TMV de Mogas (essence automobile) en provenance d’Anvers en Belgique via Lomé au Togo, à bord de M/T STI PONT IAC pour le compte de PETROCAM et en mouillage à la bouée 16 à Banana/Moanda/RDC.

Selon cette note, les conclusions des résultats d’analyse, reprises dans le rapport d’essais du 13 septembre renseignent que le MOGAS dont il est question est non conforme au regard de la différence des températures entre 10 et 20% des volumes évaporés du distillat qui est hors spécification. L’OCC Moanda écrit encore que le carburant dont il est question « serait contaminé simultanément par des fractions étrangères (lourdes et légères). Ce qui ne peut se passer sans conséquence sur le fonctionnement des moteurs des engins roulants ainsi que sur la sécurité des populations et utilisateurs ».

L’explication technique de l’OCC Moanda dit que les produits reçus contiennent des agents étrangers qui « les rendent plus dangereux, plus explosifs et plus inflammables ».

« Il ressort de l’examen des résultats du rapport d’essai du pays de provenance du produit en concerne, que la teneur en soufre total renseignée est de 430ppm masse, soit 0,04% masse, qui du reste, est supérieure à 0,03% masse retenue comme exigence pour le soufre total dans le MOGAS, conformément à la spécification en vigueur en RDC », ajoute la note de l’OCC.

En réponse aux prévenances de l’OCC Moanda, la maison mère de Kinshasa répond premièrement que l’OCC [Moanda] a relevé dans toute dans sa note informative « un écart au niveau d’un seul sous-paramètre en rapport avec la volatilité du produit. Tous les autres paramètres ayant fait l’objet d’analyse n’ont pas posé problème ».

Pourtant dans la note de la direction de l’OCC Moanda, on évoque la différence de température, la teneur en soufre qui serait supérieur à la norme et aussi la présence des agents étrangers dans le carburant qui le rend dangereux pour la population, les utilisateurs et les moteurs des engins roulants. Des éléments techniques obtenus à la suite des analyses de laboratoire.

L’OCC Kinshasa écrit néanmoins dans son communiqué que « l’OCC ne pouvait pas manquer de ressortir la non conformité provisoire du produit et l’exigence de sa mise en conformité avant d’être livré à la vente au public ». Le communiqué signé par le Directeur général de l’OCC poursuit : « comme il est de tradition, le carburant jugé non conforme en première analyse est aisément régénéré par reconditionnement grâce à l’apport de nouveaux produits. C’est ce qui sera fait selon la demande de tous les acteurs concernés au terme d’une réunion technique tenue en ce jour ».

Que veut dire l’OCC par « régénérer » le produit alors que les analyses physiques et chimiques faites sur ce produit disent qu’il est contaminé et dangereux, et que la possibilité de correction n’est pas envisagée du fait du manque de stock plus propre ?

Dans son dernier paragraphe, le communiqué de l’OCC Kinshasa glisse : « Le temps de la vérité scientifique et technique n’est pas celui de la vitesse des rumeurs sur les réseaux sociaux. Il y a eu ainsi une tempête dans un verre d’eau et plus de peur que de véritable raison de panique ou de mal ».

Dans une vidéo, un cadre de l’OCC Kinshasa explique que ce qui a été publié, ce sont de nouvelles »délibérément anxiogènes, des annonces qui n’avaient pas lieu d’être ». Pourtant l’OCC Moanda a été en contact avec le carburant mis en cause et a procédé à des analyses de laboratoire. Doit-on aller jusqu’à soupçonner une note aussi « professionnelle », comme l’a reconnu l’OCC Kinshasa, de « nouvelles anxiogènes »?

Dans la même vidéo, ce cadre de l’OCC soulève comme argument qui prouve que le carburant « prétendument déclaré non conforme », dit-il, est de bonne qualité, le fait que la même cargaison a été déposée à Lomé, au Togo depuis une semaine sans que cette ville togolaise ne « brûle »… Étonnant !

Le fait que le carburant soit déchargé au Togo est donc gage de bonne qualité ? Et si Lomé respire en ce moment des gaz nocifs comment le savoir ? Et si les services à Lomé ont accepté ce produit du fait de la corruption, comment le savoir ?

Un produit peut entrer sur un territoire et être rejeté sur un autre. Les normes congolaises peuvent être différentes des normes togolaises ! Le contrôle de ce qui peut pénétrer au pays et ce qui ne le peut pas, participent à la souveraineté d’un État. Doit-on voir dans l’évocation du Togo, et le rejet du contrôle Congolais, la preuve qu’il n’y a plus de contrôle à tous les niveaux ici au pays ?

Au finish, on peut comprendre que la pénurie du carburant ait poussé à faire des commandes dans une trop grande  urgence, mais la gestion de la crise ne doit pas se faire sur l’autel de la vérité.

Et puis, après tout, Moanda n’est quand-même pas sous l’influence des cercles politiques et politiciens.

L’affaire de la cargaison du carburant à Moanda n’a peut-être pas livré toute sa vérité. En mille mots comme en un mot, il faut se rendre à l’évidence qu’il y a anguille sous roche dans cette affaire.

Patrick Ilunga

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