Editorial

Editorial : À José Nawej, mon alter ego

Cher José, difficile de te dire au-revoir.
Il me faut convoquer des nouveaux mots pour porter la fusion des sentiments qui m’assaillent depuis l’annonce de ton décès et désormais depuis l’évidence de ton inhumation. Comment imaginer que nos espaces communs, nos rencontres habituelles, nos discussions philosophiques vont se transformer en un monologue douloureux car l’alter ego, le contradicteur principal pointe aux abonnés absents.
Cher José y a-t-il une seule étape de ma vie, de manière substantielle, qui s’est déroulée sans toi ? Je me revois encore ce jour-là sur la colline inspirée en 1989 quand des amis communs nous ont présentés sous le prétexte que nous portions le même goût de livres et de la réflexion.

Je n’avais pas encore embrassé la carrière, même pas les études de journalisme pour ne pas apprécier les fulgurances de ton intelligence pointue. Tu m’as encouragé à m’inscrire à l’ISTI car les universités étaient fermées.

Depuis lors, nous ne nous sommes pas quittés, même si nous n’avions jamais travaillé dans une même maison.
Cher José c’est pénible de t’évoquer au passé, toi dont le don de la perspective était lumineux. Avec toi nous nous sommes retrouvés dans les encablures de la conférence nationale. Nous avions fréquenté la Dixième et la douzième comme exutoire de nos pensées philosophiques. Nous y avons rencontré des grands esprits, des hommes de qualité qui sont aujourd’hui pour la plupart au devant de la scène.

Cher ami comment ne pas évoquer le
choc de la rencontre avec Mzée, des remises en question de tes idées de révolutionnaire pacifiste. Le
Changement était-il au bout du fusil ? Tu as revisité tes certitudes pour appréhender Jaurès et surtout pour relativiser tes convictions profondes. Comment oublier ces heures et ces jours, ces semaines passées à Sun City en train de partager notre foi dans le Congo alors qu’à quelques mètres de nous, les nouveaux seigneurs se partageaient les restes d’un État brisé par une culture de la jouissance doublée d’un penchant de la prédation. Nous restions parfois apathiques face à la gloutonnerie des politiques. Cher ami, la plume et l’Intelligence des situations t’ont conduit à voyager dans des univers élevés et comme l’autre philosophe que tu aimais, tant tu avais de la nausée face à tant d’incurie.
Nous avons ensemble pensé à l’Espace Républicain comme d’une instance citoyenne où seule la force de la morale et de l’intelligence devait élire domicile pour que des hommes et des femmes de qualité puissent préserver leur foi hors du chaos ambiant et qu’ils continuent à œuvrer pour le bien du peuple qui est le bien suprême. Tu écrivais au fil des jours tes éditos comme si tu savais qu’il te fallait accomplir une tâche lourde de sens et laisser derrière toi un socle de puissance et de générosité.

Cher José, je dois te laisser poursuivre ta route à la rencontre de la lumière qui te fait écho, cette lumière comme un fanal qui t’indiquera le chemin qui mène au père. Saches que tu as vécu de manière victorieuse car tu as transmis les valeurs de nos parents à tes enfants et tu leur as fourbi en armes morales pour affronter les pièges de cette vie dans la matière. Fortes de cela, elles vont perpétuer ton héritage et nous serons là pour rappeler à chaque fois que nécessaire le parfum de ton âme.
Difficile de te dire au-revoir mon ami. Mes larmes teintées de douleurs sont aussi celles de la
joie et de la reconnaissance envers Dieu qui a permis qu’un tel être puisse être côtoyé par moi. Vas, mon ami, vas en paix…
Au-revoir.

William Albert Kalengay
Le républicain

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