Près de deux semaines après sa nomination au poste de Vice-premier ministre en charge de la défense, Jean-Pierre Bemba est l’un de ceux qui sont attendus pour être jugé à l’œuvre. L’urgence de la guerre de l’Est fera que le nouveau ministre de la défense va descendre dans l’arène tout de suite, sans attendre. Le côté taciturne qu’il semble avoir acquis devra faire place à un activisme rigoureux devant les troupes. Il se doit de parler à la grande muette. Il devra faire appel à la poigne qu’on lui connaît pour réorganiser les hommes en treillis et stopper les relents d’affairisme dans le chef de certains officiers.
Sa personnalité est inspirante, à en croire plusieurs Kinois interrogés par Géopolis Hebdo. Même les experts des questions sécuritaires voient en Bemba Gombo, « l’homme de la situation ». Nicaise Kibel Bel, spécialiste des questions militaires a déclaré, au lendemain de la sortie du gouvernement, que « le choix de Jean-Pierre Bemba est une très bonne chose ». Selon Kibel, le chef du MLC a « la carrure et le charisme militaire », « même s’il n’a pas fait les sciences militaires », avait-il ajouté. Il sera la cheville ouvrière de la nouvelle vision du chef de l’État pour permettre aux FARDC de monter en puissance. Il lui faudra une grande capacité de recul, d’analyse, d’anticipation et d’orientation.
Devant une guerre qui s’éternise, il faut peut-être de nouveaux paradigmes pour une défense plus adaptée, d’autant plus que la guerre aux Kivus et en Ituri est à plusieurs facettes. Il y a la guerre conventionnelle, la guerre asymétrique avec des combattants très nocifs, mais invisibles, il y a la guerre par infiltration, la guerre via le numérique et la guerre via la désorganisation dans ses propres rangs qui se trouve être une véritable arme contre son propre camp. Tout cela constitue un challenge pour Bemba Gombo. « La tâche n’est pas facile, mais il pourra donner un souffle nouveau aux FARDC, à commencer par la réorganisation des effectifs », espère Nicaise Kibel.
Bemba aura-t-il des épaules pour redonner son prestige à l’armée Congolaise ? Il est vrai que l’idée de guerre totale dans la région n’est pas la meilleure, mais du point de vue de l’image, le Igwe, devra user de son pedigree pour, ne serait-ce que, insuffler ou renforcer à l’armée la capacité de dissuasion. « Quand la supériorité absolue n’est pas possible, il faut rassembler les ressources pour obtenir la supériorité relative au point décisif », avait dit Carl Von Clausewitz.
En réalité, nous sommes devant un fait accompli : les Grands Lacs seront encore en guerre pendant longtemps, même sans crépitement des balles et sans mort d’hommes par la violence. La réalité semble faire croire que certaines luttes régionales ont trouvé comme théâtre, le Congo et ses provinces troublées de l’Est.
La RDC, géant de la région ne devrait plus être le terrain d’un jeu dangereux où le Rwanda et l’Ouganda, soit, se disputent l’hégémonie de la région, ou se coalisent pour défier le Congo. Ce yo-yo dans les relations troubles Rwanda-Ouganda s’est beaucoup joué en RDC depuis près de 25 ans, avec des victimes à la pelle.
Jean-Pierre Bemba a sûrement conscience de cette réalité qui rend la guerre pérenne même par d’autres moyens et devra préparer le pays à faire face à cette situation, lui qui a en charge, ensemble avec le chef de l’État, la politique de la défense du pays.
Il faudra tenir autant sur le plan de la force, en temps d’affrontements militaires que sur le plan de l’image, de la dissuasion et l’anticipation, en temps de paix. C’est une mission à moyen ou long terme, mais qui doit peut-être commencer avec « l’ancien chef de guerre, qui a gagné en maturité » selon Nicaise Kibel.
L’autre équation est l’existence des groupes armés locaux en Ituri, au Nord-Kivu principalement qui dépasse tout entendement. Comment gérer l’écheveau des groupes locaux qui sont un jour défenseurs du Congo, un autre jour tueurs des Congolais et le lendemain exploitant illégaux des mines…
Patrick Ilunga
