La situation reste préoccupante au Soudan où l’on compte désormais près de 200 morts au quatrième jour de combat. Ce mardi, la capitale Khartoum a subi des raids aériens et des rafales de tirs des paramilitaires.
De retour du Soudan, Jérôme Tubiana, conseiller aux opérations de Médecins sans frontières pour la région Soudan-Darfour, précise qu’à l’heure actuelle, il est difficile de faire un bilan parce que les hôpitaux ont été fermés. Et pour les hôpitaux qui restent ouverts, les blessés et les soignants n’y ont pas forcément accès.
Pour l’instant, précise-t-il, en trois jours de combats, on parle de plusieurs dizaines de civils tués et plusieurs centaines de blessés, en particulier à Khartoum qui reste l’épicentre des combats.
« Les coupures d’eau, d’électricité, de communication empêchent le fonctionnement normal des infrastructures de santé. A El Fasher, la capitale du nord Darfour, l’hôpital dans lequel nous intervenons a pu rester ouvert et donc nos équipes, les chirurgiens et le personnel de trois autres hôpitaux qui sont fermés ont pu prendre en charge 183 blessés pendant les premiers jours de combats. Mais on a aussi 25 personnes qui sont mortes de leurs blessures à El Fasher en raison du manque de personnel, de médicaments. Mais il faut aussi penser qu’il y a beaucoup plus de morts qui ne sont pas comptés et des blessés qui ne sont pas pris en charge lors de certains heurts. »
Quel succès pour la médiation ?
Comment expliquer que la situation se soit autant dégradée depuis samedi dernier ? Pour le professeur Evariste Mana Mbumba, qui enseigne les relations internationales à l’Université de Kinshasa, le cas de figure soudanais n’est pas différent de la réalité que l’on peut constater dans la plupart des pays africains où il y a des armées ethniques, non républicaines pour la plupart.
Dans la majorité d’entre elles, poursuit-il, la loyauté est souvent fonction de la personne et de la tribu qui est à la tête des institutions du pays.
Il doute aussi du succès d’une médiation africaine, ou de toute autre médiation d’ailleurs.
« Personnellement, je pense que la situation sera un peu difficile, surtout au regard de la puissance de notre organisation régionale, l’Union Africaine. Je me dis que l’espoir est tout à fait faible pour l’instant pour qu’une médiation, qu’elle soit africaine ou arabe ou autre, parvienne à convaincre les deux hommes de respecter ou accepter un cessez-le-feu pour qu’une solution négociée puisse être trouvée. »
Quid d’un éventuel rôle de la Russie ?
Quel serait aussi l’influence de la Russie et du groupe Wagner, très présent au Soudan ? Charles Bouessel, consultant sur la République centrafricaine à l’International Crisis Group, reste prudent sur le rôle que pourrait être amené à jouer le groupe Wagner dans cette crise.
« Il est encore trop tôt pour dire que Wagner soutient Hemedti dans son combat contre les forces de Abdel Fattah al-Burhane. Wagner certes soutient Mohamed Hamdane Daglo (Hemedti) mais a d’autres intérêts économiques au Soudan, notamment des intérêts économiques avec l’armée régulière soudanaise et donc, pour l’instant, il est prématuré de craindre cela. La Russie a également appelé à un cessez-le-feu au Soudan, » souligne le chercheur.
Aux origines de la crise…
Le conflit entre le général Hemedti et le général Burhane, latent depuis des semaines, a explosé quand tous deux ont été forcés d’annoncer leur plan pour intégrer les Forces de soutien rapide aux troupes régulières. Incapables de s’accorder sur un calendrier et les conditions de recrutement, ils ont alors fait parler les armes.
A l’heure actuelle, les appels des ministres des Affaires étrangères, du G7, de l’Onu et des Etats-Unis à mettre fin à la violence sont restés sans succès.