Economie

Regards croisés sur la relation entre la dépense publique, la quantité de monnaie et le niveau général des prix

D’après une certaine opinion, la dépense publique en RDC est bloquée et la monnaie est rare, c’est-à-dire elle ne circule pas en quantité suffisante. Paradoxalement, le taux de change se déprécie et le niveau général des prix augmente. Selon une autre opinion, la dépense publique est excessive et la quantité de monnaie abondante. Ce qui explique la recrudescence de la surchauffe sur les marchés de change et des biens et services.

Y’a-t-il paradoxe? Qui dit vrai, qui dit faux?

Normalement, une augmentation de la dépense publique provoque notamment un accroissement du niveau général des prix, et par ricochet, une augmentation du coût de la vie. Par contre, une baisse de la dépense publique ou son blocage entraine une diminution du niveau général des prix.
Dans le même ordre d’idées, lorsque la quantité de monnaie est excessive et donc circule abondamment, le niveau général des prix augmente et partant le coût de la vie. En revanche, lorsque la monnaie ne circule pas, donc la quantité de monnaie est rare, le niveau général des prix baisse. Tels sont les principaux enseignements des théories monétaires et financières. L’interview suivie dans les ondes de Radio France Internationale au cours de la semaine passée semble s’inscrire en faux par rapport à ces enseignements. Malheureusement, aucune hypothèse n’est formulée et vérifiée.

Quel est le fonds du problème?

Une frange de la population avance qu’actuellement en RDC, la dépense publique est bloquée, les frais de fonctionnement ne sont pas payés, à l’initiative du Ministre des Finances. Par ailleurs, la monnaie ne circule pas du fait principalement que l’une de ses contreparties, en l’occurrence le crédit à l’économie, n’est plus accordé sur instruction du même Ministre des Finances.
Paradoxalement, alors que la dépense publique serait bloquée et que la monnaie ne circulerait pas suffisamment en raison de l’interdiction d’octroi du crédit à l’économie, le niveau général des prix augmente et le Franc Congolais se déprécie.

Or, les théories relevées ci-haut disposent qu’une augmentation du niveau général des prix est le signe, la manifestation, mieux la conséquence d’une augmentation de la dépense publique et/ou de la quantité de monnaie.

Qu’en est-il au juste ?

L’énoncé de ces théories est bel et bien confirmé dans le cas de l’économie congolaise en décembre 2019 et janvier 2020: S’agissant des Finances Publiques, au mois de décembre 2019, le déficit public a été de 75,4 milliards de FC résultant des dépenses et recettes publiques de 529,5 et 454,1milliards de FC respectivement. Ce déficit a été financé à raison de 20 milliards par les bons du trésor et de 55,4 milliards de FC par la planche à billets de la Banque Centrale.

Au 24 janvier 2020, le déficit persiste et s’est même aggravé, se situant à 94,9 milliards de FC à la suite des dépenses et recettes de FC respectives de 455,6 et 360,7 milliards de FC. Ce déficit a été couvert à concurrence de 35,5 milliards de FC par les bons du trésor et 59,4 milliards de FC par le financement monétaire de la Banque Centrale.

Au total en décembre 2019 et en janvier 2020 (au 24 de ce mois), la planche à billets a totalisé 114,8 milliards de FC. Voici donc la première cause de l’augmentation de la quantité de monnaie, à savoir le crédit à l’État en financement du déficit public, donc de l’excès de la dépense publique nette.

A propos spécifiquement des dépenses de fonctionnement lesquels ne seraient pas payés, il importe de relever ce qui suit:

Contre des prévisions de 75,9 et 72,7 milliards de FC en décembre 2019 et janvier 2020, des dépassements ont été observés. En effet, les réalisations indiquent 84,2 et 90,9 milliards de FC, soient des dépassements respectifs de 8,3 et 18,2 milliards de FC. Comment soutenir que les dépenses de fonctionnement, qui sont en dépassement par rapport aux prévisions, sont bloquées ou non payées?

Ainsi, l’excès des dépenses de fonctionnement est l’une des principales causes de l’expansion de la dépense publique et, par ricochet, du déficit public ayant nécessité notamment le recours à la planche à billets.

La persistance, voire, l’aggravation du déficit public explique la dépréciation accélérée du taux de change et l’augmentation du niveau général des prix et partant l’accentuation du coût de la vie. De ce fait, la dépense publique n’est pas bloquée dès lors que le déficit public continue à filer, expliquant l’emballement du taux de change et du niveau général des prix.

En ce qui concerne le crédit à l’économie, entre septembre 2019 et décembre 2019, il est passé de 4.768 milliards à 4.994 milliards de FC, soit une augmentation de 226 milliards de FC. Ce qui explique en partie l’augmentation de la quantité de monnaie et de la monnaie fiduciaire. La première est passée de 11.664,5 milliards à 12.298,2 milliards de FC au cours de la période, soit un accroissement de 634,2 milliards de FC. La seconde est partie de 1.555,3 à 1.762,2 milliards de FC, soit un accroissement de 206,9 milliards de FC. D’où la deuxième cause de l’augmentation des moyens de paiement, donc la quantité de monnaie est l’accroissement du crédit à l’économie.

Donc, la monnaie n’est pas rare actuellement mais plutôt, elle circule abondamment. D’où l’explication logique de l’emballement du taux de change et des prix intérieurs.

Il est important, à ce stade, de souligner que l’encadrement, la règlementation du crédit à l’économie ne relève pas des prérogatives du Ministre des Finances mais plutôt de celles de la Banque Centrale du Congo. Il n’y a pas aussi lieu de confondre les crédits à l’économie à ceux octroyés aux institutions politiques telles que les provinces. Les concours octroyés par les banques commerciales aux institutions politiques, notamment les provinces relèvent des prérogatives de la Loi des Finances (LOFIP) N°11/011 du 13 juillet 2011, Article 15, alinéa 3. Cet article interdit aux provinces et aux entités territoriales décentralisées de recourir à l’endettement bancaire et extérieur.

Géopolis/Econews

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top