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Thomas Luhaka surprend

On le connaissait un homme politique talentueux, avec une carrière impressionnante pour un homme relativement jeune, on savait qu’il était un intellectuel engagé avec des valeurs fortes héritées d’une longue exposition aux idées progressistes. Avec son agenda médiatique qui consiste à raconter l’histoire du Congo, il captive des jeunes et parvient ainsi à combler des déficits chroniques dans plusieurs générations qui avancent sans savoir d’où elles viennent. Mais dans le domaine le plus difficile, celui de l’inclinaison à l’art, de l’interprétation des symboles qui élèvent les civilisations il fallait le voir pour le croire car il est lointain et rare le moment où des hommes politiques ont manifesté de la générosité et de la spontanéité spirituelle pour les objets éternels de l’art. Mais ce samedi 10 février 2018, sur l’avenue Tshatshi à la Gombe une cérémonie insolite est organisée dans le but d’une exposition d’œuvre d’art. L’invitation est signée par un collectionneur privé, celui qui s’invite avec compétence dans ce domaine à savoir Thomas Luhaka Losendjola. Ils sont rares les célébrations artistiques pour que celle-ci passe inaperçue, car on nage en plein symbole. D’abord le lieu, c’est l’avenue Tshatshi, l’une des plus prestigieuses de la Gombe, si pas la plus belle, allée qui mène vers le palais de la Nation et promenade privilégiée des marcheurs et sportifs.  Deuxième symbole , la présence au cours de cette cérémonie de l’artiste sculpteur André Lufwa, du haut de ses 95 ans d’âge ; un monument vivant , symbole du génie congolais en matière d’art. Il est le plus grand de ceux qui ont maitrisé l’art de la sculpture sur bronze et à ce jour son monument de la Fikin , le batteur de tam tam est l’une des belles illustrations de la ville de Kinshasa. Il était-là, le vieux sage, sur cet espace réduit mais embelli où furent posées pour inauguration trois de ces œuvres. Un public trié sur le volet est présent à cette sobre mais profonde cérémonie. A cette manifestation, la présence du directeur général de l’Académie des beaux-arts, le professeur Henri Kalama Akulez. D’ailleurs ce premier prendra la parole pour exprimer la reconnaissance de son institution aux multiples apports de ceux qui aiment et comprennent l’art. L’académie qui va vers ses 75 ans est parmi les meilleurs établissements du genre et l’occasion était belle pour le directeur général pour confirmer la bonne santé du génie congolais et faire un appel à tous pour que le modèle de mécénat comme l’illustre Thomas Luhaka fasse des émules. C’est ici qu’intervient la force contenue dans Thomas Luhaka , cette force qui surprend l’auditoire car le mécène, est aussi un fin penseur qui se nourrit à la profonde philosophie de vie, celle que l’on dit céleste. Voilà qu’il évoque le travail de l’artiste en disant qu’il invite en effet à un voyage extérieur vers le monde intérieur, du monde physique et sensoriel vers le monde psychique et spirituel. Il nous conduit de la représentation du monde vers sa révélation. Il ne nous fait plus seulement voir, mais aussi vibrer aux mystères.

Des propos si puissants presque spirituels de la part d’un politique nous révèle d’une nature profonde, et surtout d’un grand souci de partager les chemins de la construction personnelle et collective. En présentant ces quatre œuvres et en les donnant à la contemplation du public, Thomas Luhaka entre dans la lignée des grands esprits qui forgent la force des Nations. Il a tellement usé des mots forts qu’il est illusoire de notre coté de pouvoir les interpréter, alors nous vous convions de lire le mecene, le politique conscient qui nous embarque dans cette célébration de haute facture.

Voici l’integrale de son allocution de circonstance

 Distingués invités,

Au moment où la Fondation Thomas LUHAKA et les «  Atéliers de Kinshasa », présentent l’Exposition des Monuments en Bronze, laissez nous vous exprimer ce flot d’immenses joies qui nous animent par votre présence spontanée, en réponse à notre invitation.

Accepter de vous soustraire de vos multiples obligations en cette fin de semaine pour assister à l’exposition d’œuvres d’art que nous organisons ,est pour nous sans conteste, l’expression de l’intérêt que vous portez à l’art…Cela nous flatte, car l’Art, c’est la conscience manifestée de l’âme d’un Peuple !

Nous vous disons donc soyez les bienvenus et merçi de votre présence  qui honore la culture, l’Art et valorise le travail de l’Artiste congolais !

C’est ainsi que je saisis cette opportunité pour rendre un vibrant hommage à l’un des Pionniers de l’art congolais, auteur par ailleurs de deux Monuments que vous allez découvrir ici, j’ai cité Papa André LUFWA qui nous a fait l’honneur d’être parmi nous en ce lieu ! Il est le premier congolais sculpteur formé à l’époque coloniale et dont les œuvres font la fierté de notre art…C’est un héros vivant dont les œuvres sont l’expression du talent congolais à l’état pur ! Chapeau bas et vive l’artiste !

Mesdames et Messieurs ;

La Fondation Thomas LUHAKA et les « Atéliers de Kinshasa » ont tenu à vous présenter ce jour, quatre Monuments d’œuvres d’arts congolais en bronze :

Il s’agit de :

  • « Le Danseur MUKONGO », d’André Lufwa, ci-présent, sculpté en 1950.
  • « Losendjola » de NGUDIMOSI, sculpté en 1956.
  • « Le Messager » de NGINAMAU, sculpté en 1963.
  • « L’Archer », d’ André Lufwa, sculpté en 1968.

Le choix de ces monuments se justifie à travers la signification, le sens et le symbolisme qu’ils manifestent et que chacun de nous pourra interpréter !

En effet, si seule l’interprétation est censée conférer un sens à l’œuvre, peut-on dès lors se poser la question du sens même de l’interprétation ?

La question est d’autant plus urgente que les œuvres d’art visuel prennent aujourd’hui une importance nouvelle, portées qu’elles sont par l’essor de l’image et le déclin du texte.

L’intérprétation apparait comme une démarche tout autant éthique, politique qu’intellectuelle ou sensible : elle ne peut exister que s’il y a consensus pour l’écoute du discours d’autrui.

Cela signifie que doit être acceptée l’idée d’une compréhension différente, à la sienne propre, mais aussi la pluralité des points de vue.

La deuxième dimension problématique est celle de l’œuvre, qui serait plus qu’une image, justement parce qu’elle est objet d’interprétation. Mais qu’est-ce qu’une oeuvre ? Une complexité singulière ? La traduction matérielle de l’intention de l’Artiste ? Le témoignage d’une conception du monde propre à une période ?

Enfin, la troisième difficulté est liée à la distance spécifique créée par l’œuvre d’art visuel : distance entre l’objet et le médium utilisé pour en rendre compte, mais aussi distance à l’œuvre qui, même connue, même vue mentalement, n’en est pas moins le plus souvent éloignée dans l’espace et dans le temps.

Gabriel-Albert Aurier donne une définition que nous aimons, du symbolisme dans son ouvrage « Mercure de France de 1891 :

Nous citons, «  l’œuvre d’art devra être

  • premièrement idéiste, puisque son idéal unique sera l’expression de l’idée,
  • deuxièment symboliste, puisqu’elle exprimera cette idée en forme,
  • troisièment synthétique, puisqu’elle écrira ses formes, ses signes selon un mode de compréhension générale,
  • quatrièment subjective, puisque l’objet n’y sera jamais considéré en tant qu’objet, mais en tant que signe perçu par le sujet,
  • cinquièment l’œuvre d’art devra être décorative »

Aussi, Ernest Cassirer dans « Ecrits sur l’Art », affirme que la spécificité de l’art est qu’il « nous donne l’intuition des formes » et que sa fonction est de révéler les formes pures de la nature et de l’esprit.

Cela signifie que ce que nous intuitionnons par le moyen de l’art et des formes artistiques est une double réalité, la réalité de la nature et celle de la vie humaine.

Les grands peintres nous font voir les formes des choses extérieures ; les grands dramaturges, les formes de notre vie intérieure.

L’exemple suivant permet de montrer ce que l’objectivation artistique a de singulier. .

Je peux traverser un paysage et être sensible à ses charmes. Je peux jouir de la clémence de l’air, de la fraîcheur des prairies, de la diversité et de la gaieté des coloris, du parfum des fleurs. Mais ma disposition d’esprit peut alors connaître un changement soudain.

Dès lors, je vois le paysage avec un regard d’artiste – je commence à en former un tableau. Je suis maintenant entré dans un nouvel univers – l’univers, non plus des choses vivantes, mais des « formes vivantes ».

Je vis maintenant, non plus dans la réalité immédiate des choses, mais dans le rythme des formes spatiales, dans l’harmonie et le contraste des couleurs, dans l’équilibre de l’ombre et de la lumière. L’expérience esthétique consiste à s’absorber ainsi dans l’aspect dynamique de la forme.

Mesdames et Messieurs ;

Distingués invités ; à vos titres et qualités ;

A travers cette exposition que nous avons qualifiée «  A la quête de la grandeur… » on voudrait partager l’expérience du monde extérieur et visible en recourant au langage de la raison. Est-il comblé pour autant ? Qu’en est-il du partage de l’expérience du monde intérieur et invisible ? Nous pressentons qu’une barrière subsiste toujours entre d’une part le connu et le connaissable accessible par le mental et fruit de l’expérience commune, et d’autre part l’inconnaissable perceptible à partir de la seule expérience personnelle. Comme l’a dit si bien Eugène Delacroix

“C’est toi qu’il faut regarder, non autour de toi.

Riche de son expérience intérieure, l’Artiste donne un nouveau sens aux formes, aux couleurs, aux sons, aux mots, aux images du monde environnant qui nous transportent, pour ne pas dire téléportent, dans un autre monde.

L’Artiste nous invite en effet à un voyage du monde extérieur vers le monde intérieur, du monde physique et sensoriel vers le monde psychique et spirituel… Il nous conduit de la représentation du monde vers sa révélation. Il ne nous fait plus seulement voir, mais aussi vibrer aux mystères d’un monde baigné de silence (étymologie de mystère). Il nous fait entrer en résonance avec cet au-delà, ce monde lointain qui, pourtant, gît au fond de chacun de nous.

Par son don et son expérience intérieure, l’artiste nous fait découvrir ses états d’âme et son âme, parfois.

Eugène Delacroix, n’a t-il pas renchérit encore en disant ?

“La peinture est un pont jeté entre les âmes.”

 À de rares moments privilégiés, l’Artiste va encore plus loin. Il nous fait sentir, au-delà de notre nature humaine, l’Esprit supra-humain, l’essence même des choses. L’œuvre n’est plus alors à regarder ou à écouter, elle est elle-même regard et écoute.  Elle nous montre soudain

qui nous sommes, ce que nous avons toujours été et ce que nous sommes appelés à re-devenir. En cet instant magique, l’art devient sacré.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à présent à découvrir et à interpréter avec nous ces quatre Monuments d’œuvres d’arts qui font la fierté du génie et du talent congolais…

Venez donc découvrir «  LA QUETE DE LA GRANDEUR… » !

Je vous remercie.

 Honorable Thomas LUHAKA LOSENDJOLA

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