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Tractations en cours : Qui pour porter le flambeau de l’opposition à la présidentielle de 2023 ?

Si l’opposition veut préserver les chances d’une éventuelle victoire, il lui faudrait trancher dans le vif et investir un seul candidat-président de la République qui fera face au candidat de la majorité au pouvoir, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président en exercice. Cette évidence est du Centre des recherches en épistémologie qui a rendu ses conclusions après une étude de situation au sein du microcosme politique congolais. Cette réflexion des analystes vient de se greffer au construit constitutionnel qui avait réduit la présidentielle à un seul tour. Il faut faire avec, en adoptant une attitude qui sied à la circonstance. Après avoir dit cela, on se rend compte que les choses sont compliquées car, l’élection présidentielle est perçue et vécue comme un appel personnel, une vocation intime entre un homme ou une femme avec son peuple au travers d’un projet de société. Par quel mécanisme des projets différents peuvent se fondre en un seul et laisser s’exprimer un suffrage victorieux ? Il faudra des tonnes de bonne foi et un sens politique élevé pour que les ténors de l’opposition s’accordent sur un nom. Mais quels sont les atouts des uns et des autres dans cette course ?

MARTIN FAYULU MADIDI

le président de l’Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (Ecidé), Martin Fayulu Madidi, est un homme qui a vu l’eau couler sous le pont. En tout cas, il a acquis une expérience de fond sur la présidentielle avec l’imprégnation de 2018. Il a sans doute une certaine avance par rapport à ses collègues car, il a eu cette stature. Avec son combat de la vérité des urnes, il espère, peut-être, compter sur les déçus de l’ère Tshisekedi pour engranger des voix des nouveaux électeurs. La fois passée, il pouvait compter sur l’appui d’un certain nombre des poids-lourds, à savoir : Moïse Katumbi Chapwe, Adolphe Muzito Fumutshi et Jean-Pierre Bemba Gombo. Aujourd’hui, les choses ont changé et les partenaires d’hier sont, pour certains, devenus des adversaires et d’autres concurrents dans cette course. S’il veut gagner le concours des autres, il se doit de montrer suffisamment de flexibilité et prouver qu’il possède la clé de sortie de crise. Ceux qui observent sa démarche tout en appréciant son approche radicale émettent des doutes quant à sa véritable volonté de monter en puissance. Pourra-t-il supporter des résultats négatifs ? Sera-t-il prêt à accepter les résultats quels qu’ils soient ? Aujourd’hui, Martin Fayulu porte sur lui le privilège du mystère car, n’ayant pas été au pouvoir, il garde cet élan de puissance qui définit tout potentiel. Le terrain a la coupable habitude de démystifier les grands personnages. Mais, ‘’Mafa’’, comme l’appelent ses sympathisants, se doit pour garder les chances de son côté aller plus loin que son fief électoral. Avec l’impression que l’église catholique du Congo donne d’avoir choisi un autre candidat, il aura la tâche lourde de compter sur elle comme en 2018.

MOÏSE KATUMBI CHAPWE

Il a réussi à fédérer plusieurs partis pour les fondre dans ‘’ Ensemble ‘’, ce méga parti de l’opposition qui a pris sur lui le courage de fusionner des partis parlementaires comme l’Alliance pour le renouveau du Congo (ARC), comme le Mouvement social pour le renouveau (MSR), comme la Convention des fédéralistes pour la démocratie chrétienne (DCF-COFEDEC), pour ne citer que ces formations politiques. De grands leaders ont accepté de se faire harakiri pour laisser émerger de manière incontestable le leadership de Moïse Katumbi. Il a sur lui la responsabilité d’amener tous ces hommes et toutes ces femmes aux rivages de la victoire. Si, à l’intérieur de ‘’ Ensemble ‘’, il n’y a aucune contestation sur son ambition par contre, il se doit encore de convaincre les autres partenaires du quarto et autres qui ne les ont pas encore rejoint dans cette dynamique et qui gardent intactes leurs vision et bases électorales. Ceux qui hésitent de lui céder le flambeau, évoquent les difficultés de son éligibilité, en tenant compte de cette campagne de sape qui s’est développée autour de lui. Et si jamais la justice comme en 2018 le bloque, que fera le groupe politique ‘’ Ensemble ‘’ ? C’est une question parmi tant d’autres qui embarrassent les états-majors politiques mais qui se doivent d’être abordées par les bonzes de ‘’ Ensemble ‘’. Moïse Katumbi reste l’un des hommes politiques les plus populaires du pays et il a le devoir de transformer celle-ci en votes utiles. Chose difficile surtout qu’il a habitué la population à des libéralités. Avec le temps, les bénéficiaires de celles-ci en ont fait des droits et auront difficile à poser l’acte de compensation politique. Il lui faut un vrai projet politique, qui dépasse la simple critique de la gouvernance actuelle en se positionnant comme une vraie alternative.

AUGUSTIN MATATA PONYO MAPON

L’ancien Premier ministre a l’avantage d’avoir exercé le pouvoir d’Etat pendant une période relativement longue et au poste que l’on considère comme un fusible. Il a pu, grâce à un savoir-faire, se positionner comme un acteur de la bonne gouvernance car, des chiffres parlent en sa faveur. Sa réputation a traversé les frontières nationales au point que des chefs d’Etat d’ailleurs le consultent sur le modèle achevé de son action. Il connaît le jeu, l’enjeu et les acteurs. Seulement, sa candidature est plombée par les démêlés judiciaires et la volonté affichée de certaines officines de le voir renoncer à ce péché de lèse-majesté. De là à lier ses démêlés judiciaires à son ambition, il a lui-même franchi le pas en dénonçant un complot contre sa personne. Peut-il porter le flambeau de l’opposition ? Il en a certes la carrure mais il aura d’abord à vider bec le contentieux qui a pris les allures d’un phœnix qui renaît toujours de ses cendres. Pourra-t-il arriver à traduire en actes sa volonté de se présenter avec cette épée de Damoclès qui pèse sur lui ? L’opposition peut-elle parier sur un tel candidat qui doit être bloqué à partir de tout moment ? Telle est la grande question.

DELLY SESANGA HIPUNGU DJA KASENG

Le plus jeune du quarto et pas du tout le moins expérimenté, Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng a une longue expérience parlementaire avec des sièges gagnés et renouvelés. Il est l’un des députés les plus expérimentés et les plus productifs. Sa candidature est perçue comme l’aboutissement logique d’une force de proposition qui aura mûri à l’aune des grands événements de ce pays. Comme mu par une destinée, il y est arrivé comme l’eau du ressac sur un rivage. Peut-il porter le flambeau sacré ? Oui, selon certains analystes, car, il en a les atouts. D’autres hésitent et disent qu’il émane de lui un contexte insuffisant pour porter un tel poids. Étant du même espace sociologique que le président-Candidat, ceci peut devenir un frein à son déploiement car, il ne peut pas faire un plein des voix dans cet espace pour la simple raison que Félix Tshisekedi va aussi y puiser à fond. Mais s’il peut intégrer les intérêts des uns et des autres, il pourra être un vecteur de puissance.

DENIS MUKWEGE

Denis Mukwege, le réparateur des femmes, est un gynécologue, militant des droits de l’homme et pasteur chrétien évangélique pentecôtiste. Il est détenteur de plusieurs diplômes les plus prestigieux et honorifiques avec une distinction planétaire notamment, le prix Nobel de la paix, le docteur pouvait déjà considérer sa vie comme totalement exemplaire et tirer profit de sa notoriété. Mais quand on est au Congo, il existe une forme d’impuissance qui brise le confort des grandes consciences. Quand on est confronté au drame comme celui que vivent les populations de l’Est depuis des années, on finit par craquer et on se demande s’il faut cesser d’écrire des mémos ou passer soi-même dans le camp de décideurs. On peut aisément suivre le processus par lequel est passé le docteur Mukwege pour arriver au seuil du monde politique et décider peut-être de s’y lancer. Il prend parole, il défend les causes qui lui paraissent justes. Il y a même des groupes de soutien à sa candidature, mais jusque-là il n’a pas encore dit s’il était candidat ou pas. Dans l’éventualité où il serait candidat, il doit alors rapidement se doter d’une machine et se construire un véhicule politique qui doit être compétitif à tous les niveaux. Sinon, il sera un candidat-président indépendant sans formation politique. Peut-il porter le flambeau de l’opposition ? Oui, car, il a un profil de l’emploi, mais quelle garantie va-t-il donner aux autres pour passer devant eux ? Telle est l’équation que poserait sa démarche.

Le temps n’est pas loin où ces questions non encore abordées vont devenir le pivot de l’action de l’opposition si elle veut jouer un rôle majeur dans la construction d’une alternance.

Robert Tanzey

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