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Que cache le discours ambigu d’Antonio Guteress ? Comment peut-il accepter un retrait dans un contexte de détérioration ?

L’Organisation des Nations-Unies (ONU) annonce pour bientôt le retrait de sa mission de maintien de la paix en République Démocratique du Congo dénommée MONUSCO après près de 24 ans d’activité au pays de Lumumba sans résultats escomptés. Il y a quelques mois, la cheffe de la MONUSCO, la diplomate Bintou Keita, annonçait déjà les couleurs, lors d’une conférence de presse à Kinshasa, capitale de la RDC, en affirmant sans peur d’être contredite que le retrait de la mission de maintien de la paix intervient après la  » réalisation des conditions minimales du plan de transition « . A l’époque, Mme Keita déclarait aux médias locaux qu’elle ne savait pas exactement quand la MONUSCO quitterait la RDC, mais qu’elle pourrait le faire à partir du mois d’août 2023. « 

Vers la fin du mois de juillet 2023, à la demande du Secrétaire Général de l’ONU (Antonio Guterres), nous enverrons un rapport qui permettra de donner une nouvelle configuration de la mission en RDC « , avait-elle dit. La patronne de la MONUSCO espère qu’une fois partis, les casques bleus, n’auront pas à revenir sur le territoire Congolais.  » C’est parce que, nous espérons que l’autorité de l’État (en matière de sécurité nationale) aura été complètement restaurée « , avait déclaré Mme Keita. Avant d’ajouter :  » Le début du retrait de la MONUSCO de la RDC est déjà engagé, mais nous avons besoin d’un retrait digne et pacifique.

On ne défait pas une mission en un jour « . Des affirmations confirmées aujourd’hui par la cheville ouvrière de l’Organisation des Nations-Unies, Antonio Guteress. Ce dernier a annoncé, dans un récent rapport transmis au Conseil de Sécurité, jeudi 10 août, que la Mission de l’ONU pour la stabilité de la RDC entrait  » dans sa phase finale  » malgré une situation  » en forte détérioration  ».

En effet, dans un document de 15 pages adressé au Conseil de Sécurité de l’ONU dont Géopolis Hebdo a pu consulter, le Secrétaire Général Antonio Guterres dresse un bilan désastreux de la situation humanitaire et politique dans le pays et expose dans le même temps un plan de  » retrait accéléré et responsable  » de la MONUSCO, après près de 25 ans de présence continue. Son évaluation sur les 12 derniers mois, bien qu’elle nie ou ignore la présence de l’armée rwandaise sur le terrain des opérations (Ndlr : Contrairement aux derniers rapports du groupe d’experts de l’ONU pour la RDC. Ces rapports ont conduit de nombreux pays, dont ceux de l’Union européenne, à condamner le Rwanda pour son implication dans ce conflit), est sans appel :  » les tensions régionales se sont encore aggravées  »,  » la situation humanitaire s’est considérablement détériorée  »,  » des centaines de milliers de civils ont été déplacés de force  » et  » le nombre d’actes de violence sexuelle  » contre des enfants  » a plus que doublé entre 2021 et 2022  ».

Dans l’Est du pays, dans les deux provinces les plus affectées par les violences, selon le dit rapport,  » 28% de la population du Nord-Kivu et 39% de la population de l’Ituri est déplacée  » – soit environ 4 millions de personnes. Conformément aux souhaits affichés du Gouvernement Congolais, l’ONU réaffirme dans ce rapport sa volonté d’assurer  » un retrait accéléré et responsable de la mission  », mais met en garde qu’un départ prématuré  » aurait des conséquences pour les civils dont les réfugiés et déplacés qui comptent sur la mission pour assurer leur protection  ».

En septembre 2022, en visite à New York pour l’Assemblée générale des Nations
unies, le président congolais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, déclarait dans une interview accordée à France 24 qu’au-delà de l’élection présidentielle de décembre 2023 où il est candidat à sa propre réélection :  » Je crois qu’il n’y aura plus de raison que la Monusco reste.  »

Que cache le discours ambigu d’Antonio Guteress ? Comment peut-il accepter un retrait dans un contexte de détérioration sécuritaire ? A quatre mois des élections générales de décembre 2023, le quatrième cycle électoral qui nécessite le soutien logistique sécuritaire et aérien de la MONUSCO comme lors des précédents cycles électoraux, la RDC est toujours confrontée à un conflit de longue date, en particulier dans les régions orientales du pays où des groupes rebelles, notamment les insurgés du Mouvement du 23 Mars (M23), ont pris le contrôle de certaines localités depuis plus de 12 mois.

Cette occupation a même empêché la Commission électorale nationale indépendante (CENI), pouvoir organisateur des élections, d’identifier et d’enrôler plusieurs millions de Congolais en âge de voter dans les territoires de Rutshuru et Nyiragongo dans la province du Nord-Kivu. Dans cette partie du pays, des exécutions illégales, des viols et d’autres crimes de guerre apparents ont été constatés documentés par des sources indépendantes dans cette région qui n’a pas connu de paix depuis des années.

Selon plusieurs sources indépendantes, en plus de ces exactions, le M23  » s’est emparé de larges pans  » du territoire Congolais (Avec le soutien du Rwanda voisin et la sympathie de certains éléments des forces de l’ONU) où les rebelles ont  » mis en place des administrations parallèles  » et procéderaient  » à des arrestations arbitraires et à des exécutions extrajudiciaires.  » La MONUSCO dément toujours les allégations de certaines parties selon lesquelles, elle sympatiserait avec les rebelles du M23.

A l’heure actuelle, la MONUSCO  » demeure l’une des cibles du mécontentement et de la frustration des populations qui lui reprochent de faire preuve de passivité  », a précisé le Secrétaire général dans ce rapport. Terrain de crispation et de discours populistes en RDC, le départ définitif de la mission de l’ONU est au cœur des débats sur l’avenir du pays depuis plusieurs années. La RDC dont l’armée nationale monte actuellement en puissance depuis l’avènement de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême, suivie de la refonte totale du système de défense national avec l’adoption de nouvelles lois telles que la loi sur la programmation militaire, sera-t-elle en mesure de reprendre le contrôle des zones occupées par la MONUSCO et surtout, de défendre l’intégrité de tous les territoires jadis occupés par les groupes armés ? Wait and see.

Géopolis Hebdo

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