:Entre la morale publique et la vérité des faits spécifiques, il existe toujours une marge qui détermine la force et l’ancrage des institutions. Certaines décisions ont un impact puissant, car elles font bouger les lignes, soit dans le sens de préserver les valeurs, en allant de l’avant, soit mal agencées elles peuvent créer une instabilité et favoriser le chaos.
La dernière décision de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), pouvoir organisateur des scrutins combinés, d’invalider certains candidats pour raisons de fraude est à percevoir comme la création de ces instants de rupture dans une inertie générale. C’est un refus de la fatalité dans le triomphe du vice dans la société. C’est une décision à impact historique avec comme conséquence immédiate, la chute des citadelles d’impunité, la fin d’un règne de la toute puissance arrogance née des postures publiques occupées.
Sans entrer dans la véracité des faits, elle est néanmoins un tsunami dans l’imaginaire collectif où l’on avait pratiquement réussi à intégrer que la justice n’est faite que pour les petits. Que ceux qui sont sans parapluie doivent subir les précipitations de l’injustice. C’était cela, la loi du plus barbare dans un pays où être élevé en honneur signifiait avant tout être exempté de respecter la loi.
Ce système des privilèges constituait une forme d’exonération morale de ne pas être astreint à la loi, mais de jouer avec les règles de jeu et d’en faire un jeu des règles.
Aujourd’hui, la CENI est devant un choix cornélien, car elle sait que tous n’ont pas triché, qu’il y a encore des Congolais honnêtes et intègres qui se sont mobilisés pour battre campagne, allant vers des électeurs à qui, ils ont développé leurs visions. Ils ont respecté les procédures en la matière. Ils existent à côté d’autres dont nous venons de décrire le comportement délictueux.
Face à cette situation, la CENI est comme cette femme dont le bébé est très sale pour avoir joué dans la boue. Comment agit-elle ? Grâce à des détergents, des savons appropriés, elle va nettoyer son bébé avec amour mais avec fermeté ne laissant rien d’impropre sur son corps. Va-t-elle jeter l’enfant avec l’eau de son bain ? Où va-t-elle jeter l’eau et préserver l’enfant ?
En d’autres termes, les actes condamnables et dénoncés peuvent-ils avoir touché substantiellement le processus ? Est-il judicieux d’annuler tout le scrutin du fait de ces méfaits où le garder en annulant seulement les parties affectées ? Voilà le dilemme auquel Denis Kadima Kazadi et son équipe sont confrontés. Ils doivent savoir faire le bon choix, car pour des raisons différentes, les uns et les autres vont pousser dans les deux directions.
Ceux qui adorent le sabordage seront contents que tout s’arrête, car ils auront une occasion d’un nivellement par le bas de l’ensemble de la société avec le commerce des bas sentiments.
Aujourd’hui, l’effort qui est attendu de toute intelligence Congolaise est d’user du sens de la proportionnalité. Sans mésuser de la présomption d’innocence, il est normal qu’il y ait une clameur publique face à l’expression significative d’un vice. Les personnes citées dans cette situation ont intérêt à présenter aux instances habileté les moyens de leur défense sans que leurs droits soient bafoués. C’est faire la part des choses qui est le pas suivant, éviter l’amalgame des nihilistes qui voient tout en noir et s’éloigner des angéliques qui voient tout en blanc. La vérité est faite de la mesure et celle-ci est une résultante de la dialectique.
Ne pas jeter l’enfant avec l’eau de son bain, c’est minimiser le geste salvateur posé par la CENI qui reconnaît aussi la complicité de certains de ses agents dans la commission des faits incriminés. C’est la force morale de Denis Kadima de porter sur la place publique des noms illustrés qui par le passé auraient profité d’un régime de privilèges correspondant à un droit acquis de l’impunité. Il faut restituer à la CENI les lauriers même symboliques de son courage historique.
Adam Mwena Meji