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Guerre au Kivu : Une diplomatie souterraine veut neutraliser la SADC en RDC

Les mois de mars et d’avril auront été des moments décisifs de la diplomatie dans la région des Grands Lacs. Au moment où des évènements sanglants ont touché Goma, donnant peut-être les signes avant-coureurs que des escalades militaires s’approchent de la ville, le front diplomatique, lui aussi est frénétiquement sollicité.

La commémoration des 30 ans du génocide rwandais a été mis à profit par Kigali pour faire entendre sa voix au sujet de la guerre en République démocratique du Congo. Ainsi, parmi les sujets où le Rwanda voulait faire prévaloir sa vision, figure le déploiement des troupes de la SADC en RDC. Le président rwandais Paul Kagame a aligné ses arguments pour dire à ses interlocuteurs, intéressés ou impliqués dans la question Congolaise que le déploiement des troupes de la SADC sans s’adresser au préalable au Rwanda était une erreur diplomatique. Il a déclaré que cela le dérange particulièrement que l’Afrique du Sud et d’autres pays de la SADC n’aient jamais contacté le Rwanda, qui est actuellement en tension directe avec la RDC à propos du conflit dans l’est du Congo.
Vincent Biruta, ministre des affaires étrangères du Rwanda a mené presque la même démarche auprès du président de la commission de l’Union Africaine Moussa Faki pour le convaincre de dissuader le conseil de paix et sécurité de l’Union Africaine de ne pas apporter son appui à la SAMIDRC ( la mission de la SADC en RDC), alors que cet organe avait déjà approuvé le déploiement de la SAMIDRC et avait même demandé à la commission de l’UA de mobiliser l’appui, y compris financier en faveur de cette mission.

Kigali poursuit la même logique. Devant le président Cyril Ramaphosa, le chef de l’État rwandais a poussé son argumentaire donnant l’exemple du déploiement de l’armée rwandaise au Mozambique : « Avant notre déploiement au Mozambique, j’ai estimé qu’il était important de dire aux Mozambicains qu’ils devraient également parler à leurs collègues de la SADC afin que, lorsque nous arriverons là-bas, il n’y ait pas de doute à ce sujet… J’aurais pu facilement dire « allons-y », mais j’ai trouvé important d’impliquer la SADC, j’en ai même discuté avec le président Ramaphosa, je suis allé le voir, je l’ai sollicité en particulier pour cela ». Le président rwandais se demande ensuite : « Pourquoi cela s’est-il passé comme s’il y avait une rivalité et un malentendu ? Pourquoi des dirigeants raisonnables se comporteraient-ils ainsi ? Je le dis publiquement, douloureusement, pour exprimer ma frustration à ce sujet ».

Après avoir coincé son interlocuteur dans une sorte de culpabilité, le président rwandais pose maintenant sa problématique : l’éternel question des FDLR cachés au Congo, qui seraient une menace de la sécurité rwandaise. Pour le chef de l’État rwandais, le narratif n’a pas changé.
L’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, qui était également à Kigali pour participer à la 30e commémoration du génocide de 1994 au Rwanda, a semblé aller dans le même sens, insistant sur la nécessité de « désarmer les FDLR, conformément à l’accord de Sun City signé entre Kigali et Kinshasa en avril 2003 ».
L’homme fort de Kigali a essayé de mettre ses interlocuteurs Sud-africains de son côté. Et Cyril Ramaphosa a commencé à défendre l’idée d’une résolution politique afin de trouver la paix en RDC.
Il y a 10 jours, lorsqu’un faisceau de communication, à la limite de la propagande, a voulu embarrasser la SADC, accusant certains de ses soldats de s’être rendu au M23, cette organisation s’est vue dans l’obligation de faire un communiqué dans lequel elle rappelait que « le déploiement de la SAMIDRC a été approuvé par le sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la SADC qui s’est tenu à Windhoek en mai 2023 ». « La SAMIDRC poursuit son programme opérationnel de routine… La SAMIDRC reste concentrée sur l’exécution de son mandat conformément au principe d’autodéfense collective et d’action collective énoncé dans le pacte de défense mutuelle de la SADC (2003) ».

Tout porte à croire qu’il y a un plan à faire de la mission de la SADC une EACRF bis (la force régionale de la communauté d’Afrique de l’Est), laquelle était venue dans l’idée de combattre le M23, mais s’était muée en force observatrice, prêchant la solution politique et diplomatique. À défaut d’obtenir le départ des troupes de la SADC, il s’agira vraisemblablement de leur faire ranger les armes.

En parlant au président Ramaphosa, le président Kagame savait qu’il parlait à celui dont les troupes ( 2900 soldats) pilotent la SAMIDRC.

Actuellement les informations venant d’Afrique du Sud annoncent un voyage du président Sud-africain en Ouganda cette semaine. Et peut-être que Ramaphosa se rendra également au Soudan du Sud. Là, le narratif de Paul Kagame pourrait être renforcé.

Patrick Ilunga

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