INFRASTRUCTURE

Infrastructures – Le FONER devrait amorcer une migration qualitative : Pierre Bundoki précise les enjeux du changement qui s’annonce

Le Fonds national d’entretien routier (FONER) est sur le point de connaitre une mutation profonde. Il ambitionne de passer d’un fonds d’entretien, simplement, à celui, à la fois d’entretien et des investissements. Le processus de migration devrait s’achever et être appliqué incessamment. Toute l’intelligentsia de cette structure publique cogite pour que le changement soit pleinement positif pour le FONER et pour le pays. Des discussions et de réflexions sont donc mises en place pour la mutation. C’est ce qu’a révélé Pierre Bundoki, le Directeur Général du FONER explique toute la subtilité autour du changement qui s’annonce. Au côté des Directeurs du FONER venus des provinces du pays, la Direction générale du FONER a étendu la réflexion à bien d’autres sujets encore. C’était donc pour la première fois que le FONER se réunisse dans un format aussi élargi, avec ses partenaires dans une conférence pour analyser le chemin parcouru et plancher sur l’avenir de cet établissement public. Dans les lignes qui suivent, le DG explique, le sens de la conférence annuelle qui s’est tenue pendant quatre jours à Kinshasa.

Interview

Géopolis Hebdo : le FONER a organisé cette grande conférence annuelle, une première dans l’histoire, quel est le sens profond que vous donnez à cette activité ?

Pierre Bundoki : Vous savez que le FONER est un jeune établissement public, créé en 2008, cela fait à peu-près 15 ans que le FONER existe, il est reparti sur l’ensemble du territoire national, avec un siège à Kinshasa et des bureaux en provinces. Vous êtes des Congolais, vous connaissez les critiques de nos populations sur les infrastructures routières de ce pays. Lorsque le chef de l’Etat nous a fait confiance pour diriger le FONER, nous avions fait, au niveau de la direction générale du FONER, des états de lieu pour connaitre la situation de cet établissement public, mais ce n’était que des états de lieu faits par des Directeurs Centraux du FONER, et comme Directeur Général, j’avais pour ambition de faire le tour de toutes les provinces afin de connaitre au mieux leurs problèmes, mais nous n’avons pas toujours le temps de faire cela. Jusque-là, je n’ai fait que trois provinces et cela coûte aussi de l’argent. Vous savez quand le Directeur Général doit voyager, cela coûte. Alors, avec les collègues, nous nous sommes proposés de faire tout en une fois. Si on fait un atelier d’évaluation, on réunit les principaux cadres de Kinshasa et des provinces pour faire un meilleur état de lieu, bon diagnostic pour qu’on connaisse mieux les problèmes du FONER et trouver des solutions idoines. Nous avons un plan d’action 2023, adopté par notre Conseil d’Administration, le moment était opportun pour pouvoir l’évaluer : qu’est-ce que nous avons fait cette année ; quelles sont les difficultés que nous avons rencontrées ; pourquoi nous n’avons pas atteint certains résultats ? etc. Il y avait aussi une question qui nous dérange au sein du FONER, c’est la perception du FONER par rapport à la population. On a l’impression que notre population ne connait pas très bien le FONER et son rôle. Par moment on accuse le FONER des choses qui ne dépendent pas de lui. C’est pourquoi nous avons organisé cet atelier, sous l’autorité de notre ministère de tutelle, le ministre d’Etat des Travaux publics et Infrastructures. Nous avons voulu consacrer le premier jour de cette conférence à écouter nos partenaires. Nos partenaires c’est qui ?C’est l’Office des Routes, c’est l’Office des voiries et drainage (OVD), c’est l’Office des voies des dessertes agricoles (OVDA), c’est la Cellule Infrastructures. Nous avons voulu écouter leurs critiques sur le FONER, leur perception sur le FONER, comment ils jugent la marche du FONER. Cela nous permet de savoir comment on nous juge. Par moment, on est trop satisfait de soi-même sans vouloir écouter les autres. Le deuxième jour, nous avons fait appel à la partie éthique pour que les agents du FONER soient sensibilisés sur tous les aspects liés à l’intégrité, à la responsabilité et à la corruption.

Donc nous avons invité le coordonnateur de l’agence pour la prévention contre la corruption et le coordonnateur de la cellule d’innovation et de changement de mentalité. Ils ont accepté spontanément. Ils sont venus développé deux modules : l’un sur l’éthique et la responsabilité et sur la corruption. Tout ceci permet aux agents du FONER d’avoir les outils nécessaires pour développer leur moralité parce que, vous savez, par moment, on pose certains actes, on ne sait pas que c’est à la limite de la corruption. C’était donc important qu’on vienne nous parler de ces choses-là. Et ensuite, nous avons fait à proprement parler l’évaluation interne du FONER.

Les Directeurs provinciaux ont présenté la situation au niveau de leurs provinces, qu’est-ce qu’ils ont fait, quelles sont leurs forces, comment ils ont fait pour mobiliser les fonds, parce que c’est ça la mission première du FONER. Ils ont parlé de la manière dont ils ont suivi les travaux et surtout les difficultés qu’ils rencontrent. Vous savez, quand on est en province, on a toujours des reproches par rapport à la Direction Générale qui siège à Kinshasa. Donc ils ont présenté la situation librement, en même temps, nos Directeurs Centraux devaient également présenter la situation de leurs directions, malheureusement le temps nous a fait défaut, ils n’ont pas pu le faire, mais nous allons tenir compte de leurs contributions dans les différentes commissions.

Nous avons monté quatre commissions qui devaient parler des perspectives du FONER, son avenir, ce qu’on appelle migration du FONER qui doit tendre vers un fonds routier parce que pour le moment nous sommes un fonds d’entretien routier. Il y avait une commission qui a parlé des mécanismes d’élaboration des programmes d’entretien routier, une autre commission a parlé de la mobilisation des ressources et puis une dernière commission qui abordé la question de la gestion interne du FONER.

Toutes ces commissions ont fait des recommandations. Nous avons regardé tous les aspects du FONER et à l’issue de cette conférence nous allons mettre en place un plan d’action. Comme je disais, nous avons un plan d’action 2023 qui était fait à partir de Kinshasa, nous aurons un plan d’action 2024 qui sera fait avec tous les acteurs du FONER et même partenaires. Ce plan d’action sera soumis à la validation au Conseil d’Administration pour son exécution en 2024.

GH : Le FONER compte passer d’un fonds de deuxième génération à un fonds de troisième génération. Qu’est-ce que cela veut dire exactement ?

Je dirai, comme disent certaines personnes, « les faits précèdent le droit ». Le FONER n’a dans sans sa mission que l’entretien des routes. Les textes qui régissent le FONER aujourd’hui, disent que la partie réhabilitation et construction sort du champ du FONER. Dans la pratique, ce n’est pas ce qui se fait.

Dans la pratique le FONER finance aussi bien l’entretien que quelques travaux de réhabilitation. Il faut d’abord mettre en conformité les textes et la pratique du FONER parce qu’aujourd’hui, ce n’est pas un secret, les autorités veulent que le FONER finance la réhabilitation. J’ai été convoqué à plusieurs reprises par à l’Assemblée Nationale, au niveau des Commission Ecofin et Infrastructures, on veut que le FONER finance le travail de réhabilitation. Donc la migration signifie simplement que le FONER passe d’un organisme qui ne finance que l’entretien vers un organisme qui financera l’entretien et les travaux. Mais il y a des conditions aussi pour faire ce passage : il faut adapter les textes du FONER ; il faut aussi encadrer ça parce que nous aurons deux guichets dans la migration.

Il y aura un guichet qui va s’occuper de l’entretien et l’autre guichet qui va s’occuper des investissements. Mais il y a un risque. Ça aussi nous allons en discuter avec nos partenaires extérieurs notamment la Banque Africaine de Développement. Il y a risque parce que les gens ont plus tendance à faire les investissements plutôt que l’entretien. Si on ouvre un guichet investissement, on va encore augmenter le réseau routier de la RDC. Il faut s’assurer de l’entretien.

Les réflexions tournent autour du fait, comment le FONER va collecter les fonds, est-ce que nous allons rester avec les mêmes ressources actuelles ou devons-nous réfléchir à de nouveaux actes générateurs pour augmenter le budget parce qu’aujourd’hui le budget du FONER se situe entre 150 et 170 millions de dollars américains l’année. Est-ce qu’avec ça on peut faire et l’entretien et la réhabilitation. Si on doit faire l’entretien, quelle est la quotité réservée à l’entretien, quelle quotité réservée aux investissements ?

Et si on doit trouver de nouveaux actes quel est le potentiel de ces actes-là, c’est pour amener le budget du FONER à combien ? C’est cela la réflexion que nous avons autour de la migration mais elle est déjà presqu’achevée, l’année prochaine, nous allons présenter à notre Conseil d’administration et à la tutelle les instruments juridiques pour concrétiser cette migration. Nous le faisons également en partenariat avec les autres fonds africains, parce que nous sommes membre de l’association des fonds d’entretien routier en Afrique, nous discutons aussi avec eux pour voir où se trouve la meilleure expérience, dans quel pays, pour pouvoir développer les instruments nécessaires.

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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