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Mining Indaba 2024 : Le CAMI a apporté son expertise technique sur les différentes thématiques et questions abordées par les visiteurs du stand de la RDC

Le Cadastre Minier, en sigle CAMI, le gestionnaire du domaine minier et des titres concédés, porte d’entrée du secteur minier de la République Démocratique du Congo (RDC), a activement pris part en tant que Service relevant du Ministère des mines, au forum minier international Mining Indaba qui s’est déroulé du 05 au 08 février 2024 à Cape Town, en Afrique du Sud. Axée sur le thème : « Embrasser le pouvoir de la disruption positive : un nouvel avenir audacieux pour l’exploitation minière africaine », cette 30ème édition a attiré plus de 8000 participants, regroupant des représentants d’Etats, des exposants et des investisseurs du secteur minier mondial.

La délégation de la RDC était conduite par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, accompagné de la Ministre des mines ainsi que des Ministres sectoriels et des cadres des entreprises publiques impliquées dans l’économie nationale. 3 activités phares sont à retenir de cette participation : tout d’abord, (1) l’érection d’un des plus prestigieux stand d’exposition du potentiel du secteur minier, ensuite, (2) la signature de la charte de création du Groupe de stratégie pour les minéraux en Afrique, qui portera désormais la voix des ministères africains des mines pour la promotion des stratégies de développement et d’approvisionnement durable, sécurisé et propre des minéraux critiques et enfin, (3) les interventions de la Ministre dans les différents panels mettant en lumière les échanges entre les secteurs publics et privés afin de favoriser le développement du secteur minier mondial.

Pour le CAMI, participer à cette édition aux côtés d’autres Services tels que le Centre d’Expertise, d’Evaluation et de Certification des Substances Minérales Précieuses et Semi-précieuses (CEEC), le Service d’Assistance et d’Encadrement des Mines Artisanales et de Petite Échelle (SAEMAPE), le Fonds Minier pour les generations futures (FOMIN) et la Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière. (CTCPM) a été une opportunité à ne pas manquer car, cela a permis à ses experts, comme à l’accoutumée, d’interagir avec le public pour présenter les missions de gestion du domaine cadastral, de contribuer à la vulgarisation de la loi minière du pays et d’apporter leur expertise technique sur les différentes thématiques et questions abordées par les visiteurs du stand de la RDC. En marge de ces assises de quatre jours, son Directeur Général, Popol Mabolia Yenga, a accordé une interview exclusive à Géopolis TV au cours de laquelle il est revenu longuement sur le rôle du Cadastre Minier dans ce secteur porteur de croissance.

Géopolis TV (GTV) : Monsieur le Directeur Général, merci de nous accueillir ici à Mining Indaba où vous êtes venu participer à la 30e édition anniversaire. Les gens disent que tout a été vendu au Congo,il n’y a plus rien et que le secteur minier est saturé. Et vous qui avez la cartographie des ressources naturelles du pays, qu’est-ce vous répondez à cette question inquiétante ?

Popol Mabolia Yenga (PMY) : D’abord, je voudrais dire que là c’est la trentième année que nous sommes dans le domaine avec Indaba Mining bien que je n’ai pas participé à beaucoup de réunions. Pour répondre à votre question, rien n’a été encore vendu, il reste encore beaucoup d’espace. Lorsque vous regardez la carte, vous verrez certes les espaces occupés mais il reste encore beaucoup d’endroits non encore attribués. Mais les autorités ont décidé aujourd’hui qu’avant de vendre, il faut connaître. L’accent est mis sur l’exploration. Avant de donner des carrés miniers, il faut savoir d’abord ce qu’il y a sous terre pour que l’État propriétaire puisse vendre avec une valeur ajoutée. Il y a encore beaucoup mais pas à vendre mais beaucoup à connaître.

GTV : Vous avez pris récemment des dispositions pour déchoir certains titres et refuser que ceux-ci soient accordés à des personnes physiques. Quelle est la source de cette décision et pourquoi ce qui apparaissait comme une faiblesse est aujourd’hui considérée comme une injustice ?

PMY : Ce n’est pas une injustice, c’est la loi. Le code minier de 2002 et surtout, sa révision en 2018 a changé beaucoup de choses. Nous sommes passés des personnes morales et physiques aux personnes morales. Ceux qui étaient en retard ont été intimé de le faire sinon ils allaient subir la rigueur de la loi. Tout ça c’est c’est dans le but d’assainir le Cadastre Minier. Lorsque vous ignorez la loi, vous ne la respectez pas, vous êtes en défaut de celle-ci, le CAMI l’applique avec la rigueur. C’est tout ce que nous faisions pour que tout ce qui a été gelé puisse être libéré et au bénéfice de la population et au pays en ce temps où tout le monde est l’affût des minerais critiques, on peut encore offrir plus en connaissance de ce qui est dedans d’abord et de la meilleure façon.

GTV : Vous insistez beaucoup sur l’exploration et pourtant au pays, il n’y a aucun financement, aucun moyen qui est donné au Service géologique national (SGN) pour fonctionner. Vous espérez que les mêmes opérateurs puissent vous apporter les connaissances géologiques ?

PMY : Non. Il faut compter sur nous, ensuite sur la connaissance. On ne peut pas dire que nous sommes un pays où il y a un scandale géologique alors que nous ne connaissons pas notre potentiel réel. Lorsque nous disons que nous sommes un scandale géologique et que n’avons pas d’information, c’est très dangereux. On a déjà commencé à regarder le problème du SGN du Congo, madame la ministre des Mines a signé un arrêté et on a fait des arrangements entre nous et ils sont en train de démarrer. Maintenant avec les partenaires, nous leur disons, vous pouvez travailler avec nous mais voici les conditions dans lesquelles nous sommes. Si vous êtes intéressé par les minéraux critiques, nous, par contre, nous sommes intéressés à nos minéraux stratégiques dont le cuivre et le cobalt que nous devons développer pour leur donner une valeur ajoutée.

GTV : Et il y a des moyens qui ont été déjà libérés ?

PMY : L’exploration coûte très chère et les compagnies minières privées en général ne veulent pas prendre ce risque là comme les banques. Alors, le seul moyen qui nous reste, c’est la coopération bilatérale ou multilatérale ou encore, l’aide de l’État congolais. C’est pourquoi nous avons mis en place un Fonds Minier pour les générations futures dont 10% de la redevance minière vont à la recherche et à l’exploration. Pour ce faire, le gouvernement comme vous le savez a mis en place un document stratégique sur les blocs que nous devons commencer à travailler. La priorité a été donnée sur le bloc qui concerne les minéraux critiques. Et donc, avec cette activité on commence à connaître, le pays est très grand, nous disons que l’on ne va pas mettre tous nos yeux dans seul panier. On va donner à d’autres groupes miniers ou Etats intéressés de travailler avec nous pour faire l’exploration. Plus vite on connaît, mieux ça vaut. Alors vous ne viendrez pas dire que Toteki Mboka, car en ce moment là Toyebi Eloko Toteki (Ndlr : Rires).

GTV : Il a existé par le passé un conflit sur la juxtaposition des codes minier, agricole, foncier …au point que l’octroi de certains titres miniers et des carrières est allé en opposition avec les droits fonciers acquis par certaines personnes morales et physiques. Est-ce que le nouveau code a tout géré, est-ce qu’on a clairement signifié que le droit miner a prédominance sur le droit foncier ?

PMY : Le problème des lois, je ne veux pas entrer dedans. Je ne suis pas juriste. Parce que l’on dit souvent, vu l’antériorité l’une va l’autre. Mais l’idée du Code minier, c’était d’avoir un guichet unique où tout le monde, tous les acteurs se réfèrent à notre  » bible  » du secteur.

Maintenant, s’il y a d’autres documents ça pose problème mais on est en train de s’attendre par exemple avec l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICNN) avec nous la porte administrative et technique, nos cartes géologiques sont quelques fois différentes de ce que le terrain apporte. Là on est en train de s’attendre pour non seulement actualiser mais aussi harmoniser nos différentes cartes. Je crois, comment dirais-je, qu’il y a mésentente entre différents services étatiques, je crois que le législateur est toujours là pour trancher en cas de conflits de compétences ou des lois. C’est n’est pas à notre niveau. Mais il me semble que chez nous avec la loi minière, il n’y a pas trop de problèmes de ce style là.

C’est surtout un problème des cartes ou des documents que nous utilisons qui ne sont pas actualisés qui nécessitent d’être actualisés pour qu’il y ait moins de conflits.

GTV : Un autre problème qui vous est régulièrement soumis est celui des personnes morales et physiques qui reçoivent des titres miniers pour aller lever des fonds en bourse à l’extérieur mais ne développent pas les mines sur lesquels ils ont reçu les dits titres. Ils font donc de la spéculation. Quel pouvoir et jusqu’à quel niveau peut aller le CAMI peut aller contrôler les titres gelés ?

PMY : Le CAMI ne contrôle pas. Le CAMI est comme le postier à qui on donne le document et puis, il le renvoie. Donc, quand quelqu’un fait une demande, nous faisons le fichier cadastral, nous instruisons et ensuite, nous declenchons le processus, on envoie le dossier à la Direction de l’environnement pour études et le dossier est retourné chez nous, on l’envoie encore à un autre service impliqué, c’est-à-dire nous sommes un peu le postier. Donc, maintenant nous devons veiller à chaque étape, chacun en ce qui me concerne, pour que la loi soit respectée. Si on respecte la loi, il n’y a pas de problème. La difficulté, ce que les compagnies minières sont dans une optimisation de payer le moins que possible, avoir le moins que possible, il y a beaucoup de tricheries mais nous sommes en train d’assainir et d’aller vers de l’avant pour améliorer la situation.

GTV : Mais vous ne pouvez pas quelqu’un de spéculer tant qu’il paye les droits superficiaires, vous n’avez aucun pouvoir ?

PMY : C’est ça. Nous on ne peut plus rien faire. C’est pour cela que je voudrais pas entrer dans ça mais les étapes minières, on les connaît. Prenons le cas de Monsieur Friedland (Ndlr : Robert Friedland, PDG du groupe Ivanhoé Mines), il a commencé à faire lui-même, il ce qu’on appelait dunern. Avec un peu de moyens, il fait de la recherche et dès qu’il trouve quelque chose, il la revend à un autre stade pour pouvoir faire plus de la recherche et puis, vous allez. Les majors, les grandes compagnies, ne passent pas souvent leur temps à faire de la recherche, ils attendent seulement pour faire les majors et acquisitions. Au Congo, il y a certaines compagnies qui sont dans les viseurs des multinationales qui veulent les acheter. Elles ne s’embarrassent pas de tout ce qui a été fait mais lui-même, à un moment donné, avec Kamoa Cooper, il avait du mal à avoir des sous, il est parti vers les chinois et il a vendu une grande partie. Ce sont des étapes qui sont normales. Chacun a pris un risque et pour cela, c’est payant et ça continue.

Monsieur Friedland au départ, il avait pris un risque, c’est payant et il est parti. Il n’avait pas les moyens d’arriver là où il est aujourd’hui au début. Il fallait qu’il passe par ces étapes. En moyenne, lorsque l’on délivre un titre, on a cinq niveaux avant que ça soit ou s’atterrisse pour avoir une grande compagnie minière.

GTV : Monsieur le Directeur Général, vous êtes venu à Indaba Mining pour prendre part à la 30e édition, une édition anniversaire. Quel est le message principal que le CAMI voulait faire passer ici ? Vous vouliez que les investisseurs éventuels ou les opérateurs miniers qui sont sur place au pays comprennent quoi ?

PMY : Moi, je fais partie d’un maillon. Monsieur le Premier ministre et madame la Ministre des Mines sont arrivés pour montrer tous les offres qu’ils ont fait pour investir et les résultats escomptés. Nous, nous sommes les soldats qui avaient combattu pour arranger un certain nombre de choses. Dans mon cas, je suis en train de travailler à l’assainissement du Cadastre Minier pour pouvoir vous donner beaucoup plus de possibilités. Mon collègue du Service géologique national (SGN) montre les blocs où on doit commencer à faire des études géologiques.

Mon autre collègue du CEEC a montré les minerais que nous avons et le laboratoire de dernière génération acquis récemment au pays, parce que lorsque nous exportons il y a beaucoup de sous produits qui doivent revenir à l’État propriétaire à défaut d’en tirer profit. Il y a des efforts qui sont fournis par tous les services pour non seulement maximiser les recettes mais aussi pour attirer les investisseurs .

GTV : Une autre question avant de clore cette interview. Le CAMI accorde des titres miniers après études, vous l’avez dit mais l’activité artisanale ne bénéficie pas des titres venant du CAMI. Comment fait-on ?

PMY : Donc, redressons. Ce n’est pas le CAMI qui fait après étude mais après un processus. La responsabilité pour les études, c’est la direction des Mines. La responsabilité pour les problèmes liés à la protection de l’environnement, il y a la DPEM. Chacun fait son travail quand le dossier lui parvient. Tout est réuni, tout le monde a respecté, nous le donnons. L’exploitation artisanale constitue un grand problème parce que nous avons des difficultés avec notre démographie. Beaucoup de jeunes gens naissent, grandissent et ne trouvent pas de travail. Ils doivent se nourrir.

La difficulté, c’est le nombre d’emplois que nous créons, la richesse que nous créons est inférieure aux attentes. Comment alors régler ce problème ? C’est peut-être en faisant prospérer cette activité, en la tolérant. C’est ce que moi j’appelle  » policy containtment  ». Une situation intermédiaire appelée à ne pas perdurer pour que les gens trouvent du travail.

L’important, c’est d’avoir beaucoup de sociétés minières qui créent plus d’emplois pour les nationaux. Il faut aussi que les Congolais commencent à croire en eux-mêmes. Il ne faut pas toujours aller chercher des investisseurs, nous avons les capacités de développer nos mines. On doit fédérer les amis, les jeunes gens, pour y arriver.

Vous voyez aujourd’hui avec la sous-traitance, de plus en plus vous voyez des jeunes Congolais qui deviennent millionnaires. Ceux-ci viennent souvent nous voir pour dire que nous voulons passer à une autre étape. Ce que je demande, il faut reconquérir notre souveraineté industrielle . Si la Générale des Carrières et des Mines (GÉCAMINES SA) repart à 400 voire 500.000 tonnes, si la Minière de Bakwanga (MIBA) avec la production de diamant, on a la souveraineté industrielle parce que 100% de ces produits made in Congo sont produits par des Congolais et pour le Congo. C’est ça ce que nous voulons.

On doit chercher des investisseurs mais on doit aussi voir par quel moyen, avancer. On a toutes ces possibilités. Le Code minier permet de reprendre des actions dans les différentes compagnies. Avec FOMIN, on peut augmenter nos parts (actions) avec comme objectif d’ici là on va atteindre 50% des parts dans telle ou telle compagnie minière. C’est une stratégie qui est en train d’être nourrie par les autorités compétentes.

GTV : Est-ce que le CAMI accorde des zones exclusives d’exploitation artisanale ? Y-a-t-il déjà eu une telle demande parce que l’on voit souvent que l’exploitation artisanale se fait en violation des droits acquis par des grandes compagnies minières ?

PMY : Le pouvoir d’accorder les zones d’exploitation artisanale ne revient pas au CAMI, ça commence d’abord dans les provinces. Un gouverneur qui estime qu’il y a moyen de créer des zones d’exploitation artisanale en fait la demande au ministre des Mines à Kinshasa. Après études et avis de la direction des Mines. Dès que la demande arrive au ministère des Mines madame la ministre demande l’avis de deux services, le CAMI qui vérifiera si cette zone n’est pas concédée et le SGN s’il n’y a pas de problème. Après les deux avis favorables, la demande retourne au cabinet de la ministre des Mines pour la création d’une zone d’exploitation artisanale. La ministre accordera dans ce cas le pouvoir d’institution des ZEA qui sont créées par les provinces et non par Kinshasa.

Propos recueillis par WAK

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