Economie

Pourquoi le Franc Congolais part en vrille…

Les réponses de Valérie MadiangaPrésident du Centre de Recherches en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL), Valérie Madianga suit de près la situation socioéconomique en RDC. Lui, ainsi que le CREFDL ne sont donc pas indifférent au jeu de yo-yo auquel le Franc Congolais joue actuellement face au dollar américain. Madianga a un regard qu’il porte sur la fluctuation de la devise congolaise face au « roi dollar ». Il a donc partagé sa perception de la question à Géopolis Hebdo. Interview Géopolis hebdo

(GH) : Qu’est-ce qui explique, selon vous, le brusque déséquilibre qui se constate entre le dollar américain et le Franc Congolais ?Valérie Madianga

(VM) : D’abord, je dois dire que notre économie est fortement dollarisée.

La population congolaise aime bien épargner en dollars. Et même, les comptes bancaires de la plupart des congolais, si vous vérifiez, ceux qui ont des comptes, ce sont des comptes ouverts en dollars. Donc les congolais ne sont pas fiers de la monnaie nationale.

Mais si vous allez dans les pays d’Afrique de l’Ouest, prenons le cas du Bénin, là-bas si vous avez une devise étrangère, c’est difficile pour vous de faire des opérations. Si vous avez une monnaie étrangère, les Béninois exigent le Franc CFA. Ici, il s’agit de monsieur tout-le-monde, on ne parle même pas de l’Etat, mais c’est la réaction des citoyens lambda. Ils refusent de percevoir une monnaie étrangère. Mais chez nous ici au Congo, nous manifestons le besoin d’avoir plus des devises étrangères plutôt que la monnaie nationale.

Cela est ancré dans la mentalité. Il faut que cela change pour qu’on ait plus en circulation le Franc Congolais. Cela pourrait également baisser la demande des dollars américains, qui fait que le taux a toujours une tendance à monter en flèche parce qu’il y a une forte demande. Il y a une grande demande de la devise américaine, ce qui entraine la rareté ; chaque congolais veut avoir le dollar pour garder à la maison.

GH : Comment expliquer que le pays enregistre un accroissement des devises en termes de réserves de change, mais en même temps le dollar se raréfie sur le marché ?

VM : Le FMI nous apporté beaucoup des moyens. C’était d’ailleurs pour soutenir les réserves de change pour que la banque centrale soit capable d’intervenir sur le marché au cas où il y a fluctuation de taux de change, et aussi faire en sorte que l’inflation ne galope pas. C’est ça au moins l’importance de cette nappe monétaire. Mais nous sommes étonnés de voir que la banque centrale n’intervient presque pas, c’est comme si elle est dépassée par les événements. Or, on nous fait miroiter que nous avons 4 ou 5 milliards de dollars de réserves de change, mais cela ne parvient pas d’intervenir sur le marché pour stabiliser les taux de change. Donc, il y a une forte demande de dollars et le dollar, il n’y en a pas, or c’est la banque centrale qui doit injecter le dollar.

C’est pourquoi, on doit travailler pour dédollariser l’économie congolaise pour qu’il n’y ait pas une trop forte demande des devises. Dans certains endroits, il faut payer avec le dollar, n’importe qui peut avoir le dollar et effectuer des mouvements bancaires. Ça pose énormément des problèmes, mais pour l’instant seule la banque centrale est habilitée à stabiliser cette situation-ci.

GH : Le gouvernement a pris des « mesures urgentes » pour renforcer la demande du Franc Congolais. Ces mesures vous semblent-elles efficaces pour stabiliser la monnaie nationale à long terme ?

VM : D’emblée je dirai que ces mesures ne sont pas vraiment efficaces. Pourquoi je dis ça, c’est parce que lorsque vous regardez la question même de la dépréciation du Franc Congolais, il y a une forte demande comme je l’ai dit, mais vous avez plusieurs maisons de change ou cabines de change.

Le dollar se change dans notre pays même par la population lambda. Chacun peut effectuer des mouvements (bancaires). Il faut une réglementation forte. Il faut que les gens sentent que la loi existe.

Les bureaux de change qui doivent exister, doivent être certifiés et accrédités par l’Etat. On doit regarder d’abord à ce niveau-là. Lorsqu’on dit que la banque centrale doit veiller à tel ou tel autre détail, toutes ces mesures sont bonnes, mais s’il n’y a pas la répression, les gens vont continuer à spéculer, chacun pouvant effectuer des opérations monétaires.

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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