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Rwanda – RDC : Veillée d’armes dans les Grands Lacs ?

La région des Grands Lacs africain est au bord d’une confrontation directe entre le Rwanda et la RDC. C’est Huang Xia, envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la région des Grands Lacs qui exprime cette inquiétude, se basant sur des signaux alarmants d’un risque d’escalade entre les deux pays. Mardi 17 octobre, l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs a présenté le dernier rapport du Secrétaire général António Guterres sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région. Huang Xia a noté qu’aucune avancée significative n’a été enregistrée par rapport aux inquiétudes sur la détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC et la montée toute aussi préoccupante des tensions dans la région des Grands Lacs.
Huang Xia a souligné « l’absence d’un dialogue direct de haut niveau et la persistance de discours de haine de part et d’autre ». Il également noté le fait que « le Rwanda et la RDC continuent à « renforcer les positions militaires des deux côtés ».

La réunion du Conseil de sécurité est intervenu au moment où le Nord-Kivu connaît à nouveau des affrontements entre les rebelles du M 23 et le groupe d’autodéfense Wazalendo. Les combats pourraient se rapprocher des frontières du Rwanda et de l’Ouganda. Le cessez-le-feu qui avait été décidé par la feuille de route de Luanda et celle de Nairobi a volé en éclats, même si l’armée Congolaise affirme qu’elle respecte son engagement à ne pas combattre, conformément au processus de paix de Luanda.

Aussi bien au Rwanda qu’en RDC, des rassemblements des militaires sont constatés, notamment dans les provinces des frontières des deux pays. Le Conseil de sécurité craint que cela ne soit le prélude d’une guerre frontale entre les deux pays. Il a été rappelé qu’en date du 27 juillet, un soldat congolais a même échangé des tirs avec un soldat de la Force de défense rwandaise à Rutagara, près de Goma, en RDC. Les attaques sont aussi innombrables, ciblant principalement les populations civiles. Selon le rapport du secrétaire général Antonio Guterres, « entre le 16 mars et le 10 septembre, le M23 aurait mené 97 attaques contre des civils, causant la mort de 124 personnes, dont 15 femmes et 11 enfants. Le M23 aurait également tenté d’étendre sa zone d’opérations à la province du Sud-Kivu. Les FDLR, restées actives dans l’est de la RDC, seraient, elles, responsables de 17 attaques contre des civils, qui ont fait 13 morts, dont 1 femme et 3 enfants ». Une situation chaotique, malgré les efforts des chefs d’État de la région d’Afrique de l’Est pour faire revenir la paix qui manque à l’Est de la RDC depuis 30 ans.

« Kigali et Kinshasa doivent engager un dialogue et instaurer la confiance », a plaidé les Émirats arabes unis, au Conseil de Sécurité. La France, quant à elle, a exhorté « d’inclure dans ce dialogue le respect des principes cardinaux de l’Accord-cadre, c’est-à-dire l’absence de soutien aux groupes armés; le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États voisins; et l’engagement à ne pas héberger ni fournir de protection aux personnes accusées de crimes et de violations du droit international ».

Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23. Et le Rwanda, à son tour accuse la RDC d’avoir des liens avec les FDLR, qui sont accusés comme étant à l’origine du génocide rwandais de 1994.

Zénon Mukongo, représentant la RDC à la réunion du Conseil de sécurité a déclaré que, « au moment où le Conseil se réunit, la Force de défense rwandaise et ses supplétifs terroristes du M23 occupent toujours des positions sur le territoire de la RDC ». Robert Kayinamura, représentant le Rwanda a dénoncé la persistance des groupes armés, dont les FDLR.

Zénon Mukongo a déploré « l’absence de mise en œuvre de l’Accord-cadre par certaines des parties signataires ce qui, selon le représentant, soulève la question de la nécessité de le revisiter ».
Le représentant de la RDC a rejeté les allégations qui lient l’armée Congolaise aux FDLR. « Il ne s’agit que d’un refrain ressassé à longueur de journée par le Rwanda », a déclaré Zénon Mukongo, qui a également rejeté la mention des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) aux paragraphes 4 et 8 du rapport du Secrétaire général des Nations Unies. Le représentant Congolais a demandé à nouveau au Conseil de diligenter « un plan d’éradication des FDLR auquel la RDC sera heureuse de participer », a-t-il dit.

Sur la question de soutien aux groupes armés dans la région, Linda Thomas Greenfield, ambassadrice des États-Unis d’Amérique au Conseil de sécurité a renvoyé Kinshasa et Kigali presque dos à dos: « une fois de plus, je réitère notre appel au Rwanda pour qu’il mette immédiatement fin à son soutien au M23, sanctionné par les Nations unies, et qu’il se retire du territoire de la RDC. Nous demandons également aux FARDC de couper les liens avec les FDLR sanctionnées par l’ONU ». Elle a ajouté : « Des milliers de femmes et d’enfants sont exploités dans le cadre de trafics sexuels organisés. Selon le Programme alimentaire mondial, l’instabilité politique persistante a dévasté la production et la distribution des denrées alimentaires, entraînant des pénuries généralisées. 1,5 million de personnes sont confrontées à des niveaux d’urgence d’insécurité alimentaire, ce qui est tout simplement inacceptable au XXIe siècle. Une crise politique provoquée par l’homme est devenue une crise humanitaire, et il faut y mettre fin ».

« La situation sécuritaire est aussi marquée par des assassinats de civils par le M23 dans les zones sous son contrôle, dont ceux du 15 juillet 2023, commis à Buguna(Nord-Kivu). Et d’autres meurtres ont été perpétrés plus récemment le 9 octobre à Buchenge(Nord-Kivu), dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu). Les mécanismes de suivi n’ont pu avoir accès à la zone concernée à cause d’un barrage dressé par le M23 », a déclaré João Samuel Caholo, Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Il « déplore le refus du M 23 de retirer ses troupes, de même que sa réinstallation dans certaines zones pourtant restituées aux forces armées congolaises, provoquant un déplacement de populations et aggravant la crise humanitaire.

En dépit de la situation sécuritaire et humanitaire désastreuse, la Monusco devrait entamer son retrait progressif en décembre de cette année. Le chronogramme de retrait de la Monusco sera presque simultané que le départ de la force régionale d’Afrique de l’Est. Déployée en RDC depuis près d’une, l’EACRF doit débuter elle aussi son retrait, même si le gouvernement Congolais reconnaît que grâce à elle, il y a eu une dissuasion.

Au Conseil de sécurité, les membres recommandent aux parties prenantes de la crise dans les Grands Lacs à des solutions diplomatiques et politiques comme chemin menant à la paix dans la région. « Ce qu’il faut, c’est privilégier la diplomatie et le dialogue, dans le but de trouver une solution politique aux défis de la région » ont est estimé Huang Xia et João Samuel Caholo.

Patrick Ilunga

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