Santé

Il était une fois : Hôpital Biamba Marie Mutombo : 10 ans déjà !

2Il est détenteur de deux diplômes universitaires dont l’un en droit des affaires obtenu à l’Université Paris/Panthéon Sorbone et un autre obtenu à l’Université Libre de Bruxelles, ULB. Il est avocat au barreau depuis plus de 20 ans. Il est conseiller à la Cour pénale internationale, CPI, et Vice-président honoraire de l’Association internationale des jeunes juristes, AIJA, depuis 2003. En outre, depuis 2003, il est consultant de la Banque Mondiale sur le Doing business. Enfin, il enseigne le droit commercial et le droit des assurances à la Faculté de droit à l’Université de Kisangani. Il est membre du Conseil d’administration depuis la création de l’Hôpital Biamba Marie Mutombo (HBMM) et depuis 2012, le Conseil d’administration l’a chargé de le représenter et d’agir en son nom pour le rétablissement du bon fonctionnement de ce grand centre hospitalier du pays situé à l’Est de la ville-province de Kinshasa. Il est donc la personne la mieux indiquée pour nous parler de cet Hôpital. Il, c’est Monsieur Mpoy Louman, Administrateur-délégué et CEO de l’HBMM. En dix années d’existence que s’est-il passé ? Qu’est-ce qu’est devenu ce grand rêve ? Est-ce que l’hôpital a survécu à l’espoir qu’il a suscité ? Telles sont les questions parmi tant d’autres posées au numéro un de l’hôpital. Entretien.

 

Bonjour Monsieur Mpoy Louman. Quand vous regardez derrière vous le chemin parcouru, aujourd’hui à quelques jours de la célébration, quel est le sentiment, le premier qui monte en vous ?

_MG_8179Je vous remercie Monsieur Willy Kalengay d’avoir songé à m’aborder à ce jour pour parler de cet Hôpital et surtout pour en décrire un peu l’historique, le passé pour qu’on en soit là où on se trouve, à la célébration du dixième anniversaire de cet Hôpital. Je dois vous en remercier du fond du cœur. Évidemment, nous sommes très réservés pour éviter de faire beaucoup de bruits sur le travail que nous faisons ici en nous fixant comme ligne de conduite : « Le bien ne fait pas de bruit. Le bruit lui-même ne fait pas de bien. » Comme il s’agit du dixième anniversaire de cet Hôpital, nous avons acceptés volontiers de déférer à votre invitation et d’échanger avec vous.

Soyez à l’aise et dites-moi le premier sentiment qui est en vous ? Quand vous regardez le chemin parcouru, certainement, vous avez conscience des difficultés mais ici je voudrais célébrer la joie, nous parlerons des difficultés après. Mais avant toute chose, le premier sentiment qui vous anime ?

Le premier sentiment, c’est celui de satisfaction et d’enthousiasme par rapport au travail qui a été accompli. Cet Hôpital qui était jadis un projet est devenu une réalité, une réalité qui s’est enracinée dans la politique de santé de notre pays et qui devient un instrument précieux au service de la population. Et service qui s’adresse au plus grand nombre avec la médecine courante de tous les jours mais surtout avec la médecine de perspective pour anticiper ou du moins, prévenir certains maux qui touchent la population de notre pays. Nous travaillons déjà sur le cancer du col de l’utérus, nous travaillons également sur le cancer du sein et enfin, nous travaillons sur le problème de surdité et voilà des champs sur lesquels nous avons essayé de prendre de l’avance par rapport à la pratique médicale qui se fait dans notre pays, aussi dans l’enthousiasme de l’action que nous menons.

Je ne peux qu’aussi, au nom de tous ceux qui bénéficient de cet investissement, vous féliciter pour le chemin parcouru. Mais pour le comprendre, il faut remonter un peu à l’origine. Ce qui m’est quand même assez étonnant ce que, c’est le fondateur, l’initiateur. Alors, dites-moi un peu comment un homme comme Mutombo Dikembe qui avait quitté le pays. Quand les gens quittent le pays, ils disent : « Dieu merci, j’ai fuis, je suis parti et quand je gagne ailleurs, c’est pour moi. » Qu’est-ce que vous en savez de cet homme, aujourd’hui devenu presque une stature dans notre pays ? Qu’est-ce qui a déclenché le fait qu’il décide d’investir, d’accepter de construire un Hôpital et surtout dans les conditions difficiles de l’époque dans un quartier populaire de Kinshasa ? Qu’est-ce qui s’est passé il y a dix ans et un peu avant cette réalisation ?

Oui, je crois qu’il ne faut pas chercher ça loin, il faut chercher ça dans l’homme lui-même. Je crois que la générosité fait partie intégrante des convictions de Mutombo Dikembe depuis sa naissance. Né d’une famille nombreuse, d’une famille modeste si vous le voulez, d’une famille généreuse aussi, et qui accueillait en son sein les enfants des autres parents ainsi de suite. Il a vécu dans ce climat de générosité, d’ouverture aux autres. Et Je crois que cela l’a animé partout où il est passé, après ses études secondaires ici à Kinshasa, il devait aller poursuivre ses études universitaires aux Etats-Unis d’Amérique. Il avait eu une bourse pour aller étudier à Georgetown University à Washington, et quand il est parti dans cette université de Jésuites, je crois que cela a renforcé son sentiment de générosité et d’attention pour les autres. Et dans cette université, il pratiquait le sport, le basketball qu’il avait déjà commencé à pratiquer ici dans l’équipe de l’Office national des transports, Onatra, et en pratiquant ce sport, il s’est fait remarqué par les milieux sportifs du basketball et il a été recruté à la NBA où il a à la fois joué et fait carrière la bas. Et en faisant carrière, lui qui voulait être médecin, s’est livré carrément aux études de sciences humaines notamment aux études de politique internationale. Il a estimé qu’il pouvait un jour faire des œuvres humanitaires à l’endroit de populations démunies et pauvres en République Démocratique du Congo. Je crois qu’il avait déjà cette résolution d’aider mais sous plusieurs formes : d’aider au soutien scolaire les laisser pour compte dans plusieurs domaines. Mais ce qui a déclenché sa volonté de construire l’hôpital, c’est surtout le décès brusque de sa propre mère, maman Biamba Marie Mutombo en août 1998, avec l’arrivée des rebellions. En ce moment-là, maman a fait une crise, elle devait être transporté rapidement à l’hôpital Ngaliema mais malheureusement, il n’y avait pas de moyen de déplacement, parce qu’on ne circulait pas à certaines heures de la nuit dans la ville, et la maman était décédée du fait qu’elle n’a pas pu accéder aux bons soins. Ceci a déclenché en lui la volonté de pouvoir mettre en place une structure hospitalière capable de répondre au plus près surtout en urgence aux besoins des populations de la ville-province de Kinshasa. C’est comme ça qu’il montera ce projet de l’Hôpital Biamba Marie Mutombo.

Dix ans après, si on vous demande de présenter cet Hôpital qui fait partie aujourd’hui du plan général sanitaire de notre pays, qu’allez-vous dire ? C’est quoi cet Hôpital ? Il est situé où si vous devez le présenter à quelqu’un qui vient d’arriver au pays, vous lui direz quoi ?

IMG_9897Il s’agit d’un Hôpital moderne, installé dans un quartier populaire, pour donner des soins à toutes les populations de toutes les couches de notre pays. Voilà. Je peux dire simplement, notre Hôpital est ouvert à tout le monde, et c’est un Hôpital qui a la forme juridique d’une Association à But Non Lucratif. C’est un Hôpital qui n’est pas là pour réaliser des bénéfices. Au-delà, il arrive à prendre en charge des cas d’indigences avérés et de les traiter avec dignité et de conduire les soins jusqu’à leur accomplissement. Donc, c’est un Hôpital du peuple.

Il est vrai que ça fait déjà cinq ans depuis 2012 que vous êtes à la tête de cet Hôpital. Un peu avant on a quand-même ressenti qu’il y avait des remous, la presse a été quand-même au courant que l’Hôpital avait beaucoup de problèmes, les médecins réclamaient les meilleures conditions de travail, et puis il y avait des problèmes de gestion d’ambitions personnelles des uns et des autres, voir même certains articles ont été publiés sur le prétendu disfonctionnement de cet Hôpital. Aujourd’hui, l’Hôpital est calme. Avez-vous introduit un nouveau type de management ? Quelle est la problématique qui était la vôtre surtout que vous n’êtes pas médecin, vous devriez gérer les médecins, les spécialistes de soins… ?

Je crois que ce n’est pas sorcier le fonctionnement d’un Hôpital. L’Hôpital fonctionne comme toutes les entreprises sauf que là, l’HBMM a une spécificité d’être une industrie de soins si vous le voulez, on produit de soins, on soigne les gens, on hospitalise ainsi de suite. Mais, il faut en maitriser les charges, connaitre quelles sont les charges de l’Hôpital et quels sont les moyens dont dispose l’HBMM notamment sa production pour couvrir ses charges. Il faut arriver à maitriser la production de l’Hôpital et ses charges. Je crois que nous sommes partis de cette donnée-là. Quels sont les services que l’Hôpital offrait aux autres et quelles sont les recettes qu’il réalisait par rapport à ces services, et comment maitriser les charges internes de cet Hôpital.

Comment conciliez-vous le fait que l’Hôpital qui se veut un Hôpital moderne donnant les soins les meilleurs dans le secteur en même temps un Hôpital accessible aux petites bourses, quelqu’un doit payer la facture quelque part, qui supplée pour que les gens accèdent aux soins aux prix coûtants, en même temps vous l’installez dans un coin où les gens n’ont pas le pouvoir d’achat suffisant pour y accéder. C’est la fondation ou quoi ? Comment faites-vous ? Recevez-vous régulièrement des subventions de l’Etat ?

IMG_9939Non, les choses sont un peu simples. Ce n’est pas toutes ces questions qu’on se pose pour savoir comment on fait, ainsi de suite. Les soins d’abord, c’est un bien précieux, tout le monde a besoin d’être en bonne santé et je crois que tout le monde veut être en vie et bien portant. Et les soins ont un prix, il faut les payer. Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’on doit maintenir les gens en vie en finançant leur existence. Pour vivre, il faut dépenser. Les dépenses, c’est tout ce que l’on trouve quand on est né. Maintenant, les gens qui vivent ont le travail, il y en a qui n’ont peut-être pas de travail, mais tout ce qu’on produit c’est pour se maintenir en vie. On mange, on boit et on se déplace, c’est ça la vie. Les soins aussi, c’est pareil, ceux qui ont les revenus doivent supporter les leurs. S’il y a des gens qui viennent à nous et qu’ils sont démunis comme vous le dites, nous étudions, nous apprécions leur cas. Nous mettons à contribution les municipalités pour mener l’enquête sur leur état d’indigence, parce que on ne peut pas être indigent toute la vie. Vous ne pouvez pas vous déclarer indigent à vie.

Quand nous avons des gens auxquels nous sommes attachés, les membres de nos familles qui veulent que nous restions en vie et que nous soyons toujours bien portants, ils ont aussi la charge de nous aider, de nous accompagner dans notre vie. Et nous disposons d’un personnel qualifié qui donne des soins. Ce personnel a         fait comme études : infirmiers, médecins et autres qui mettent leur savoir au service des autres. Je pense que ce travail-là doit être rémunérer. Donc, on peut avoir un Hôpital généreux mais qui engage les gens qui eux réclament le salaire, cela veut dire qu’il faut que l’Hôpital trouve quelque part parmi les gens qui reçoivent ses services la contrepartie de ses services. Or, d’une manière générale, ce sont les patients qui doivent payer leurs soins ou leurs responsables qui sont les employeurs, les mutuelles, les assurances, les membres de famille qui couvrent tous les frais…

Maintenant le cas d’un indigent isolé, marginal ou quelqu’un, dans quelle situation il peut être buté à une situation d’impécuniosité, c’est à dire de manque d’argent momentané ? Quand ce cas-là nous arrive, souvent en urgence, nous le recevons et nous en prenons soin sur le plan humanitaire et ça se passe bien. Mais ce n’est pas un appel d’air que quelqu’un s’improvise indigent pour venir s’introduire à l’Hôpital. Ce dernier traite avec humanité tout le cas d’indigence qui se présente devant lui.

C’est à votre honneur d’ailleurs que de le faire, en même temps vous garantissez la qualité des soins. J’ai appris que vous avez introduit une innovation, vous avez refusé que la Fondation puisse continuer à subvenir aux salaires. Que les salaires soient le produit du travail ici. Ça a dû être une décision difficile à prendre n’est-ce pas ?

Oui, ça a été une décision réaliste. Pourquoi ? Parce que si vous éloignez la production de sa contrepartie, vous rendez tout aléatoire, parce qu’on peut produire sans savoir ce que l’on gagne, ce que l’on gagne vient à vous sans que vous sachiez la difficulté. La Fondation intervient, continue à intervenir à l’Hôpital pour le soutien matériel, mais pour ce qui concerne le financement, nous avons dit : « les travailleurs doivent produire leurs propres rémunérations, et c’est ce que nous faisons et cela nous réussit depuis que nous sommes arrivés aux commandes de cette activité.

Deux spécificités sur lesquelles j’aimerais quand-même que vous puissiez donner des précisions, l’Hôpital fournit à manger aux malades, ce qui est assez rare. Quelles sont les raisons de cette décision parce que le malade arrive à l’Hôpital, il est hospitalisé et vous lui fournissez à manger aussitôt interné. Donc, il y a une cuisine et puis, en plus, il n’y a pas de garde malade. Ces deux spécificités ne doivent-elles pas être expliquées ?

IMG_9824Oui, tout ça c’est le plan du chairman Dikembe Mutombo d’avoir un Hôpital complet capable de couvrir la prise en charge total des malades hospitalisés. C’est vrai qu’à l’Hôpital, il n’y a pas que l’hospitalisation, vous avez d’autres services. Vous avez des consultations externes, l’imagerie, vous avez le labo, les gens viennent pour plusieurs services ici à l’Hôpital. Mais en ce qui concerne l’hospitalisation, tenant compte des difficultés qui existent dans notre pays par rapport à la possibilité de la famille d’apporter à manger au malade et d’organiser la garde de malade, parfois en mobilisant le garde malade, on prive à ce dernier l’occasion de travailler pour avoir ses propres ressources qui peuvent contribuer aux frais d’hospitalisation. Nous avons estimé que l’hospitalisation sans garde malade avec une pension complète était le gage d’une bonne prise en charge, en ce sens que le malade qui est à l’Hôpital ne cause pas de charge à la famille pour se déplacer pendant les heures tardives avec tous les risques possibles : accident de parcours, augmentation des charges financières…

1Nous avons dit, l’Hôpital va couvrir cela, pas seulement l’aspect de la charge pour l’Hôpital, mais il y a aussi l’aspect de régime alimentaire du malade ou pascient. Un malade ne se nourrit pas comme tout le monde, il faut un régime alimentaire en adéquation avec les exigences médicales. Il doit être donné à des heures régulières par rapport à la prise des médicaments. Alors, nous donnons ces repas à des heures régulières autant que nous donnons aussi des médicaments, parce que nous avons une pharmacie ici en interne qui doit donner de médicaments selon les exigences médicales à des heures prévues. Et c’est notre personnel soignant qui veille à cette prise en charge. L’administration des soins respecte les heures de prise des médicaments, le régime alimentaire du malade, le bain qu’il faut donner au malade, l’habillement du malade avec des robes de chambre qui doivent être changées tous les jours, sans oublier la literie. Au besoin, changer à tout instant les draps de lit.

Où trouvez-vous des moyens pour s’approvisionner en aliments adaptés, médicaments, literies et buanderie ? N’est-ce pas des dépenses supplémentaires énormes Monsieur Louman ? N’est-ce pas coûteux ?

Oui. Je vous ais dis tout à l’heure que nous travaillons aux prix coûtants. C’est là où il y a la grandeur de cet Hôpital se manifeste. La grandeur de l’œuvre du Chairman Mutombo Dikembe, son initiateur. Souvent les gens racontent n’importe quoi sans en apporter la preuve en disant que c’est l’Hôpital où tout coûte cher, en ignorant les services immenses que l’Hôpital Biamba Marie Mutombo offre à la population. Ce sont des services de qualité et je vous dis que nos prix, si vous les vérifiez, vous verrez que ce sont des prix de base défiant toute concurrence, des prix accessibles à toutes les bourses. Si je vous donne par exemple le prix de la consultation générale ici, il est le même avant que nous ayons la situation monétaire actuelle. Nous avons ce prix-là depuis l’année passée, tout ce qui a eu comme dépréciation monétaire ne nous a pas poussés à adapter ce prix, mais nous continuons à le garder. Mais le moment venu, nous pourrons revenir là-dessus et le réajuster. Et voilà comment nous travaillons pour être au plus près des besoins de la population et donner les meilleurs soins aux prix coûtants.

Alors, évidemment l’Hôpital fonctionne et nous sommes en train d’aller vers ses dix ans d’existence et peut-être vers d’autres dix années de progrès. Je suppose quand-même que ça n’a pas été facile de s’insérer dans ce milieu, d’imposer que la pelouse soit tondue, que la propreté ou que l’environnement soit respecté, d’imposer cela et de manière permanente, il a donc fallu avoir une pédagogie non seulement avec les visiteurs mais aussi avec les travailleurs surtout les agents. C’est quand-même des Congolais qui sont dans une moule Congolaise. Comment avez-vous fait pour pouvoir créer ce qui nous apparait comme un lien presque ontologique avec le personnel ? Quelles sont vos relations avec le personnel ? Elles sont bonnes ou mauvaises ?

Il faut en parler. Je parle avec mon personnel. En tout cas, on parle beaucoup, le dialogue est permanent. Nous avons des réunions d’échanges tout le temps avec mon personnel et je peux dire au passage que je dois leur être reconnaissant d’avoir été très attentif à mes paroles, nous avons eu des échanges constructifs ; nous avons eu à cheminer ensemble et à réaliser ce qui a été réalisé jusqu’aujourd’hui.

Le fait que vous ne soyez pas médecin c’est un atout ou un handicap dans le cadre de cet hôpital?

Je ne sais pas raisonner, je crois qu’on peut aussi trouver un médecin qui peut faire la même chose que moi mais on ne doit pas dire que c’est l’exclusivité d’une catégorie de personnes, je crois qu’il faut être animé seulement de la bonne volonté et avoir les notions de gestion. Je crois que j’ai des notions sur la bonne façon de conduire une entreprise, les hommes et sur le traitement des difficultés d’entreprise. Je crois que j’en ai acquis des connaissances qui sont restées ancrées en moi. Je m’en suis servi et je crois que celles-ci ont peut-être donné les résultats auxquels nous sommes en train d’assister aujourd’hui.

Il est vrai qu’il faut s’insérer dans une dynamique de promotion de l’emploi et de la politique salariale. C’est vrai que dans notre pays on ne parle pas beaucoup de salaire. C’est un sujet presque tabou. Il est devenu indécent et cette situation occasionne des grèves à répétition comme il y a cinq – six ans. Vous avez réussi à vous organiser comment ? Les gens sont-ils payés régulièrement ? Il n’y a pas de retard ? Chaque mois, sont-ils bancarisés ou pas ? Comment ça se passe ?

Oui, en ce qui concerne le salaire, je crois que tout travail mérite salaire. Et nous nous sommes fixés comme objectif de régulariser la paie de salaire à des dates régulières, de le payer et chaque travailleur doit recevoir son salaire à temps et tous les salaires sont payés à la banque. Nous l’avons fait je crois que ça nous a réussi et nous continuons à payer ces salaires-là. Vous savez un salaire, si petit soit-il, il doit être régulier, ça permet de s’organiser, savoir jusqu’où l’agent peut aller avec son salaire, qu’est-ce qui peut être obtenu par des crédits. Mais si vous ne lui payez pas son salaire, je crois que c’est un grand péché, voir même une grosse faute d’un employeur vis-à-vis de ses travailleurs.

Monsieur Mpoy Louman, je suis heureux de vous recevoir… mais aussi heureux parce que votre témoignage renforce la conviction qu’on peut aider son pays de plusieurs manières dans n’importe quel poste qu’on peut occuper. La preuve, vous avez conduit cet Hôpital jusqu’à ce jour. Alors, maintenant, sur le plan médical, j’ai vu quand-même qu’il y a beaucoup de tantes, beaucoup de publicités à la télévision, il y a des campagnes des soins gratuits comme s’il y avait une forme des projets des coopérations avec l’International Médical. Quelles sont les politiques que vous menez pour que l’Hôpital soit toujours à la page sur le plan médical ?

Nous sommes inscrits, je vous l’ai dit, dans la politique générale de santé du gouvernement de la République Démocratique du Congo. L’Hôpital fonctionne sous cette orientation-là. Maintenant, pour ce qui concerne les différentes campagnes que nous menons, elles sont souvent sous l’impulsion du Chairman Dikembe Mutombo. Je donne l’exemple du programme actuel que nous menons depuis plus d’un an, celui relatif à la prévention et au traitement du cancer du col de l’utérus. Ce programme, c’est le Chairman lui-même, en prenant les informations à gauche à droite, a appris que ce mal était ravageur, il ronge les femmes dans notre pays. Ailleurs, il y a eu des politiques qui étaient déjà arrêtées sur cette problématique-là. Mais chez nous, ça tardait à venir, c’était timide. Dikembe Mutombo a pris des contacts avec les grandes organisations internationales qui s’occupent des problèmes de la santé, mais vous le savez aussi bien que moi, ces dites organisations prennent toujours du temps pour réagir. Le chairman a dit qu’en attendant qu’il y ait des réponses de ses partenaires internationaux, il devait lui-même initié l’action de prévention et de dépistage du cancer du col de l’utérus, avec possibilité d’un traitement des lésions précancéreuses ici sur place. C’est comme ça que les contacts ont été pris avec les experts en la matière, notamment un professeur de l’université de Caroline du Nord qui, actuellement, travaille dans le programme de prévention en Zambie et avec lequel, nous avons noués des contacts, lui et son équipe, pour voir dans quelle mesure nous pouvions amorcer déjà ce programme chez nous. Et nous l’avons amorcé depuis.

D’abord, il y a eu quelques conférences que le Chairman Mutombo Dikembe a tenu ici à Kinshasa avec plusieurs représentations des organisations, des organismes et institutions publiques de la place. Après les dites conférences, il a lancé un appel à la collaboration et au partenariat pour travailler dans ce domaine. Il y en a qui ont donné leur avis favorable, et il y en a aussi qui apportent déjà leur soutien ne fut-ce que moralement au près des institutions publiques de notre pays. Mais, qu’à cela ne tienne, le programme devait être lancé à l’Hôpital et il l’a été.

Nous avons commencé le dépistage de cancer de col de l’utérus et le traitement des lésions précancéreuses s’il y en a bien entendu ici à l’Hôpital, et même des opérations si le cancer est carrément déclaré et c‘est cette équipe-là qui vient de Caroline du Nord qui s’en occupe.

A mi-parcours, vous avez déjà un nombre de femmes qui sont venues pour la consultation ? Et le traitement, ça continue ?

Oui, nous avons déjà consulté plus de quinze mille personnes. Oui, le dépistage continue, le traitement continue et quand il y a des lésions, je vous ai dit, si ce sont des lésions précancéreuses qui sont pris en charge par les équipes sur place qui ont été formées par l’équipe du Dr. Faram et au-delà, quand il y a de cas chirurgicaux, il y a ces équipes-là qui viennent s’occuper des cas.

Ça a dû nécessiter que vous puissiez être doté en matériels ?

Oui, nous avons des équipements, les matériels modernes oui !

A part le côté cancer, il y a aussi d’autres secteurs sur lesquels ce type de programme a été exécuté ?

Oui, nous avons commencé aussi le programme de dépistage de cancer du sein de l’Hôpital et là nous avons aussi le professeur Ronda T. qui vient de l’université de l’Arkansas qui est notre partenaire et qui fait aussi la chirurgie du sein, s’il y a le cancer du sein. Mais nous faisons d’abord la phase du dépistage. Si le cancer est déclaré, la patiente est prise en charge.

Ce sont des maladies qui sont en train aujourd’hui de ravager, sur lesquelles plusieurs personnes ne sont pas informées et c’est mieux que vous puissiez, au-delà des soins, faire des campagnes de sensibilisation. Je crois que le Ministre de la Santé qui va certainement lire cette interview, a certainement un programme dans le sens de la sensibilisation. A propos de votre Hôpital, quelles sont les choses sur lesquelles vous n’êtes pas satisfait ? Ce qui n’a pas encore été fait dans cet Hôpital et que, si vous aviez la possibilité de le faire, vous le ferrez rapidement ? Qu’est-ce qui n’a pas encore marché selon vous ?

Vous savez toute œuvre humaine n’est jamais complètement accomplie. Et tant qu’on est en vie, on n’a encore plein de choses à faire, à réaliser. Je crois que nous avons une équipe dynamique composée des hommes et des femmes qui se sont inscrits dans la vision de cet Hôpital et nous avons plein de choses à faire, nous en faisons déjà énormément mais je crois qu’on a encore des perspectives d’avenir pour réaliser certaines choses. Nous avons un plan de chirurgie cardiaque qui est en train de se préparer, je crois que ça va venir sous peu, nous avons le centre mères et enfants qu’il faudra développer ici pour prendre en charge la femme dans sa dimension globale, consistant par exemple à gérer les violences faites aux femmes, les femmes souffrant des problèmes de fistules, des viols, ça nous le faisons déjà, nous avons un programmes de prise en charge de femmes souffrant des problème de fistules urovaginale, ce programme nous l’avons et nous le menons en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population et cela, depuis plusieurs années. Nous prenons en charge plusieurs femmes qui viennent des provinces et ici à Kinshasa. L’Hôpital a réparé plusieurs femmes et ce programme-là continue ici à l’HBMM et nous aimerions atteindre plus de malades possibles.

4L’hôpital Biamba Marie Mutombo dispose d’un équipement moderne important. Je crois que vous l’avez vu, des matériels importants modernes et d’un personnel qualifié et avec ces moyens-là, nous disons que nous avons apporté des réponses, des solutions aux problèmes de nos patients, mais nous estimons que nous n’avons pas assez de patients.

Mais l’hôpital lui-même a combien de lits ?

Nous avons actuellement 150 lits extensibles à 300 et nous avons le problème d’inoccupation des lits, nous aimerions les étendre pour donner le meilleur de nous-même à tous les autres patients qui ne sont jamais venus ici ou qu’on retient peut-être ailleurs avec de soins approximatifs.

C’est d’ailleurs l’occasion. Je ne regarde pas le gestionnaire de l’Hôpital mais le Congolais que vous êtes aussi. Vous savez que la médecine traditionnelle a le vent en poupe. Les gens ont peur d’aller à l’Hôpital parce que, selon une certaine opinion, la médecine moderne coûte extrêmement chère. Ils préfèrent le tradi du coin qui, d’ailleurs, peut demander plus que le médecin normalement. Alors, dans cet environnement-là, est-ce que vous avez une pénétration pour sensibiliser les gens qu’il faut venir à l’Hôpital, pas seulement aller vers le marché pour acheter les racines ?

La pénétration, vous savez l’Hôpital est à la disposition des malades, et tout malade a la liberté de choisir son médecin et de choisir son Hôpital aussi. Mais, il faut qu’il ait la bonne connaissance. Mais, vous savez qu’on peut confisquer l’information par ceux qui sont des charlatans parce que c’est leur fonds de commerce, ils ne voudraient pas donner la bonne information sur le bon soin qui se passe quelque part. Ils voudraient même créer une sorte de la contre-information de la sous information, de la mauvaise information par rapport à ce qui se fait réellement. Mais, je vous dis franchement que l’Hôpital Biamba Marie Mutombo accueille tous les malades qui viennent vers lui et leur donne les meilleurs de soins possibles selon les connaissances médicales du moment.

Vous voyez, tout cela ça se fait, je crois, avec beaucoup d’humanité de la part de notre personnel. Nous avons une culture dans notre Hôpital, notre personnel a cette culture de proximité, je veux dire d’attention et de rapprochement avec le patient pour lui apporter le meilleur de lui-même. C’est ce que nous faisons. Maintenant, s’il y en a ceux qui choisissent d’aller ailleurs, peut-être par mauvaises habitudes, nous ne pouvons pas faire autrement.

Vous avez parlé des universités de Caroline, d’Arkansas…, vous n’avez aucun contrat avec les universités Congolaises ? Il y a quand-même des grands professeurs ici au pays. Quels types de collaboration avez-vous avec les universités ?

Nous avons des collaborations avec toutes les universités d’ici à Kinshasa, nous avons de bons contacts avec la faculté de médecine de l’Université de Kinshasa. Je peux vous dire que le plus grand nombre de mes médecins viennent de la faculté de médecine de l’UNIKIN. Nous avons des conventions avec le Département d’anesthésie et réanimation qui envoie dans notre Hôpital au moins deux seniors pour leur propre formation ici chez nous et par période… C’est un contrat qui est là depuis l’existence de cet Hôpital et ça se passe bien.

Nous avons le partenariat avec des professeurs qui viennent prester ici, qui viennent tenir des conférences, des séminaires et plusieurs professeurs de renommée internationale de l’Université de Kinshasa. Il y en a aussi ceux qui sont consultants. Nous avons aussi un partenariat avec l’Université Protestante au Congo (UPC) avec laquelle l’Hôpital doit réaliser plusieurs projets.

Actuellement, nous accueillons même des étudiants en année terminale pour leur stage de cycle universitaire en médecine, nous avons cette ouverture. Nous accueillons les étudiants chaque année qui viennent de l’Université Notre Dame du Kasaï à Kananga. Chaque année, nous en accueillons une dizaine pour leur stage de fin de cycle universitaire, des infirmières de l’Institut supérieur Ne-Kongo. Pendant plusieurs années, nous recevons les étudiants notamment en pharmacie de l’Université de Lubumbashi, et de l’Université de Kinshasa qui passent leur stage de formation ici, sans oublier les étudiants infirmiers de Monkole, de l’Institut Supérieur des Techniques Médicales de Kinshasa (ISTM) et d’autres écoles qui nous en demandent. Mais, nous n’avons pas suffisamment d’espace pour recevoir tout ce monde là. Nous avons cette ouverture à l’endroit des autres pour contribuer à cette formation et à la collaboration sur les soins et la connaissance.

Le rayonnement de l’Hôpital a traversé nos frontières. J’apprends quad-même que vous recevez des malades venant de l’étranger, ce qui est quand-même un renversement des tendances énorme ?

IMG_9862Oui, nous recevons des malades qui viennent de l’étranger. Je connais particulièrement les cas de ceux qui sont venus du Tchad, du Congo-Brazzaville, d’Angola, du Cameroun, de l’Ouganda… Je ne suis pas là pour énumérer tous ces pays mais quand ces cas-là se présentent devant nous, nous les recevons. Nous avons eu des accidents terribles qui ont eu lieu ici, notamment le cas de l’accident de l’avion de Hewabora, à l’époque à Kisangani, la plupart des malades ont été acheminés à l’HBMM. Nous avons un avion de la Mission des Nations Unies pour la stabilité du Congo, MONUSCO, qui avait connu un crash ici à l’aéroport, les rescapés aussi ont été reçus ici dans cet Hôpital. Nous avons fait beaucoup de choses.

Et quand vous parlez même de la formation, je peux dire qu’on a reçu aussi des gens formés à l’étranger qui sont venus en formation ici. Nous avons reçu des étudiants venant de la Russie, de l’Inde, du Ghana… Nous avons reçu un certain nombre de sollicitations venant de l’étranger et parfois, des stages académiques et professionnels nous sont demandés par des gens venant de pays lointains et nous offrons un cadre de formation qui est très apprécié et appréciable.

Ce qui est une bonne chose, ça nous ramène aux années où les gens venaient se faire soigner ici au Congo parce que nous avions maitrisé déjà un certain nombre de secteurs. Merci donc à l’Hôpital de redorer le blason de l’Etat et les Congolais dans le domaine de la santé. Alors maitre, sur le plan de la prospective, le champ du développement de cet Hôpital, il est vrai que ceux qui nous suivent à l’intérieur du pays vont dire : ouf ! Ça existe au Congo ? Mais nous à Kisangani, à Kananga, à Mbuji-Mayi, à Lubumbashi…, pour ne citer que ces villes, est-ce que le Chairman n’a pas d’idée d’extension dans le Congo profond pour répliquer cette expérience à l’intérieur du pays, parce qu’il faut quand-même pour quelqu’un, pour venir ici, prendre un avion ? Il n’y a-t-il, si pas avec la seule personne de Mutombo Dikembe, peut-être avec d’autres associés, d’autres partenaires, l’idée d’ouvrir un autre Hôpital de cette qualité ailleurs dans le pays ?

Vous savez, le Chairman Mutombo Dikembe est un homme très généreux, il voudrait faire des choses mais il est aussi limité. Il ne peut pas tout faire tout pour tout le monde. On fait déjà ce qu’on a fait. L’Hôpital Biamba, je vous avais déjà signalé, c’est une réalité économique et sociale, vous avez des travailleurs qui doivent toucher leurs salaires. Nous avons plus de 300 travailleurs ici à l’HBMM, vous voyez ce que ça représente en masse salariale énorme. Ces travailleurs-là sont soignés gratuitement par l’HBMM et leurs familles ou leurs dépendants.

Si vous prenez l’Hôpital Biamba Marie Mutombo, vous le transposez partout ailleurs, vous verrez ce que ça représente comme charge. Alors, je crois qu’il faut faire les choses avec mesure, avec bon sens. Je ne pense pas que l’hôpital Biamba ait vocation à aller porter la bonne nouvelle des soins partout.

Nous sommes même contents de voir qu’il y a plusieurs établissements hospitaliers qui s’ouvrent à Kinshasa. C’est vrai qu’avec des organisations plus ou moins lucratives par rapport à l’HBMM qui n’est qu’à demi lucratif, on a un objectif de moderniser les soins. Ce qui est une bonne chose parce que l’HBMM est venu pour avec cette ambition de moderniser les soins partout au Congo, de les rendre plus humains que possible. Et maintenant sur cet aspect de pouvoir étendre l’activité de l’HBMM plus loin que cette implantation de Masina à Kinshasa, nous y avons toujours pensé mais nous nous disons, est-ce que nous le pourrons ? Tant que nous ne sommes pas à mesure de répondre à cette question, si l’on pourra, nous disons seulement que la question reste sans réponse.

Maintenant, faute de faire un grand projet ou de le transplanter ou de faire d’autres installations de même nature ailleurs, nous envisageons aller au plus près des populations de l’intérieur du pays faire certaines campagnes, en partenariat avec d’autres structures existantes dans ces lieux. Donc, c’est comme ça que doit être envisagé la transplantation. La campagne de prévention de dépistage et du traitement du cancer du col de l’utérus dans le Congo profond. Ça, c’est le Conseil d’administration de l’Hôpital qui va décider, via une réunion, je veux dire d’échanges avec la Fondation, pour voir comment nous pouvons organiser cela pour le mieux de la population qui se trouve éloignée de la ville-province de Kinshasa.

Toute expérience aboutie à une prise de conscience des valeurs. Si vous deviez parler à notre public sur ce que vous avez compris de ce qu’un être humain peut faire, de ce que l’on peut faire pour son prochain, les leçons que vous pouvez partager avec nous seraient lesquelles, pour terminer ?

La leçon ? Je dis : « la vie n’a d’importance que si elle sert à quelque chose et surtout, si elle sert à d’autres vies, à la vie de ses semblables. » Je crois que pour que sa propre vie puisse servir à ses semblables, c’est par le travail, le travail bien fait et qui profite aux autre, parce qu’il peut y avoir des résistances mais il faut faire un travail et par ce travail, faire profiter aux autres son travail, ce qu’on peut faire et ce qu’on veut faire. Le faire avec détermination et ne pas se laisser décourager par les autres parce qu’il existe toujours des gens qui ont de courtes vues et qui veulent avoir tout et tout de suite.

Cela existe dans toutes les actions humaines. II faut savoir aussi expliquer et comprendre ce que les autres disent et savoir leur donner ce qu’on sait faire et là, je crois que la vie peut avoir un sens. Mais une vie de suffisance, des convictions sur soi-même… ne sert absolument à rien, c’est dans l’action qu’on peut découvrir l’utilité qu’on a pour les autres. Je crois que je n’ai pas grand-chose à dire mais j’ai toujours dit que c’est l’action qui traduit ce qu’on pense mais plutôt que de se perdre dans les verbiages ou dans la parole, il faut souvent agir. Merci à l’initiateur de l’HBMM, Monsieur Mutombo Dikembe, pour avoir pensé à ses frères de cette manière-là, d’avoir fait de sa vie un don pour le salut des autres car, c’est cela aussi l’amour du prochain.

Propos recueillis par WAK. Texte transcrit par Dieudonné Buanali et Joyce Nianga.

 

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