Politique

Billet de sortie du gouvernement Ilunkamba : Aggée Aje Matembo Toto : “Je quitte ce ministère en laissant une politique nationale sur l’Aménagement du Territoire.”

L’émergence de la République Démocratique du Congo passe aussi aujourd’hui par la mise en place d’une politique d’aménagement du territoire. Une politique qui ne vise que l’accompagnement du développement économique des territoires et la réduction des inégalités spatiales en termes économiques ou sociaux. Considérant ce point de vue, le président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a lié l’acte à la parole en reconfirmant la mise en place d’un ministère national d’aménagement du territoire au sein du gouvernement piloté par le Premier Ministre sortant, le Professeur Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Afin de concrétiser la vision du Chef de l’Etat relative à la gouvernance spatiale du territoire national et à la création des bonnes conditions d’accueil pour les investiseeurs. Le ministre sortant en charge de l’aménagement du territoire national, Aggée Aje Matembo Toto, a travaillé sans relâche depuis sa nomination le 26 Août 2019, en dotant son État d’une Politique Nationale d’Aménagement du Territoire et un projet de loi portant sur l’aménagement du territoire qui demeure un outil important du contrôle et de surveillance du territoire national en ce qui concerne son utilisation, affectation, exploitation et tout autre usage ainsi que la création et rénovation des villes à travers la RDC. Ci-dessous, l’exclusivité de l’interview avec le Ministre de l’Aménagement du Territoire, Aggée Aje Matembo Toto.

Geopolis Hebdo : Qu’est qui fera votre joie dans ce ministère ?

Aggée Aje Matembo

Dans ce ministère, ma joie est d’abord que j’ai dirigé un ministère que les uns qualifieraient d’un ministère garage, parce que nous les hommes politiques de l’heure nous avons toujours tendance à croire qu’un bon ministère c’est celui qui a sous sa direction des grandes entreprises. Mais attention, des grands pays se construisent avec une planification de l’espace.

Le ministère de l’aménagement du territoire en d’autre termes c’est le ministère de la planification de l’espace. Et de tout ce qui doit se faire sur notre espace. Nous disons que nous sommes un grand pays avec 2 345 000 km2, ça ne doit pas rester un slogan ! Il faudrait qu’il y ait des gens qui vont penser comment gérer cet espace, cette superficie!

Aujourd’hui, vous êtes sans s’ignorer que le gros des conflits que nous avons dans ce pays, c’est la superposition des titres. Quand nous voyons nos espaces et la manière dont nous les gérons, nous les exploitons, nous les affections, vous allez vous rendre compte que chacun des concessionnaires de l’espace est en train de mettre ses titres. Vous allez voir sur le même espace que les miniers ont leur titre, nous avons l’agriculture avec le titre sur le même espace, nous avons les affaires foncières, nous avons l’hydrocarbure, nous avons l’urbanisme, nous avons les autres concessionnaires de l’espace. Pourquoi ? Parce que dans ce pays depuis 1960, il manquait ce qu’on appelle la politique d’aménagement du territoire. Aménagement du territoire signifie mettre les choses en ordre. On doit prendre l’espace congolais et savoir que cet espace est réservé exclusivement aux activités minières. Ici, c’est réservé exclusivement à la conservation de la nature. Là je vois, c’est l’environnement. Ici, c’est réservé exclusivement à l’habitation. Là, les gens ne peuvent pas habiter parce que ce sont des espaces naturels non conforme. Mais depuis 1960, notre pays s’est contenté d’un décret de 1957 laissé par les belges. Et nous avions donné l’impression après 60 ans que nous étions incapables de réfléchir plus que le colonisateur.

Les gens se sont contentés d’utiliser les espaces, de les exploiter, de les affecter comme ils le veulent, aujourd’hui c’est la superposition des titres, nous n’avons pas les villes attrayantes.

On ne sait pas distingué en RDC les villages et les villes. Pourquoi ? Parce que l’urbanisation est chaotique, et une urbanisation cahotique engendre beaucoup des conséquences. Vous savez le pays comme le nôtre mal urbanisé, freine l’économie. Pourquoi ? Dans un État où il n’y a pas l’urbanisation appropriée, on est incapable de pouvoir récolter ce qu’on appelle l’impôt foncier, on est incapable de savoir qui sont les propriétaires, qui sont les locataires et cela engendre aussi l’insécurité. Même si nous avons une police expérimentée, formée, elle ne peut pas accéder à certains endroits ! Je prends le cas de la ville de Bukavu, il y a des gens qui ont payé leurs motos, leurs voitures mais leurs biens ne peuvent pas arriver dans leurs parcelles parce devant sa parcelle c’est une autre parcelle et il y a des incohérences terribles. Par rapport à ça il fallait s’arrêter, on a mis la charrue devant le bœuf. On pensait que les affaires foncières, l’urbanisme pouvaient résoudre le problème. Or les questions en amont devraient être planifiées par celui qu’on appelle le planificateur de l’espace congolais qui est l’amenageur national. L’amenageur va donner le plan global, et les autres viennent se greffer sur le plan de l’aménagement tracé.

Donc, l’aménagement du territoire devrait être considéré en avant plan comme le guide, c’est lui qui trace. Aujourd’hui, prenez notre ville de Kolwezi. Elle risque de disparaitre, parce que sur la surface c’est la ville, mais sous le sol, c’est les mines. Un jour toute cette ville va s’effondrer parce qu’il n’y a pas le plan d’aménagement.

En me confiant ce ministère que j’ai suivi depuis 2015, à l’époque du président de la République honoraire Joseph Kabila, qui sous Matata eu à rêver, et a eu à convoquer tous les décideurs au niveau national et au niveau provincial pour qu’ils rêvent d’un Congo de demain aménagé. Et je suis heureux aujourd’hui d’être celui qui vient de concrétiser ce rêve. Parce que derrière moi, quand je vais quitter ce ministère, je vais laisser une politique nationale sur l’aménagement du territoire. Les gens doivent savoir comment exploiter, affecter et gérer ce pays. Derrière moi, je vient de laisser le Projet de loi sur l’aménagement du territoire. Si l’histoire retiendra le texte dans son contexte.

Au delà de tout cela, j’ai déployé l’administration de ce ministère presque dans 20 provinces, ce qui n’existait pas. J’ai eu à réunir pour la toute première fois, tous les 26 gouverneurs de province pour leurs parler de l’aménagement du territoire. Ils ont découvert tous que ça ne servait à rien de compter sur l’urbanisme, sur les affaires foncières, et qu’il fallait un plan d’aménagement et tout le monde était d’accord. J’ai eu à réunir tous les présidents des assemblées provinciales, images à l’appui, je les ai expliqué, je les ai convaincu ensemble nous avions élaboré la politique nationale de l’aménagement du territoire. Donc, c’est pour dire tout simplement en un mot, que nous sommes très fière aujourd’hui, parce que la grande richesse, c’est l’ordre que nous venons de laisser dans notre pays. Et demain après moi, les gens sauront que pour signer un titre, en matière minière, d’hydrocarbure, en importe quelle matière, il faut se référer au plan. Donc un aménageur est un planificateur qui doit d’abord être consulté en amont, pendant et après, c’est lui l’unique arbitre pour ce genre des conflit. C’est lui qui dira que cet espace est réservé à l’agriculture, et personne ne peut construire. Aujourd’hui, il y a une sorte de cacophonie parce qu’il n‘y a pas ce qu’on appelle boussole et l’aménagement du territoire est ce qu’on doit appeler boussole de la République Démocratique du Congo qui indique la direction à suivre, et qui donne les interdictions de ce que nous ne pouvons pas faire. Nous sommes très heureux de laisser ce chemin à suivre, ce schéma national qui manquait et que demain nous allons diminuer tant soit peu les conflits fonciers. Allez au parquet, mais ce sont les conflits fonciers matin midi soir! Tout ça parce qu’il n’y a pas eu un plan d’aménagement. Aujourd’hui, tous les gouvernements provinciaux se sont appropriés le plan. Malheureusement avec cette instabilité politique notre rêve est en train de s’arrêter, mais qui aurait continué son bonhomme de chemin jusqu’à l’adoption et à la promulgation de ce projet de loi que j’ai déjà déposé à l’Assemblée Nationale. Et on sait déjà que le projet de loi Agée Matembo Toto sur l’aménagement du territoire a été déposé pour que demain nous puissions avoir un grand pays, un pays aménagé avec des villes attrayantes. Dans nos attributions, nous avons la charge de créer des nouvelles villes parce que ce n’est pas normal que depuis 1960 pour atteindre Ndjili il n y a qu’une seule voie. Qui a condamné la République Démocratique du Congo à avoir seulement une seule voie ? Même sur le plan sécuritaire, pour nous les politiques c’est très dangereux ! Et pourtant, la RDC souffre même de l’obésité d’espace! Nous sommes un pays qui a plus d’espaces non utilisés et qui a trop des conflits fonciers. Les conflits fonciers en RDC sont non sens parce que lorsque vous prenez l’avion, vous survolez le pays vous allez voir que nous avons plus la forêt, les espaces abandonnés et nous voulons toujours nous confiner. Imaginez-vous dans une capitale comme Kinshasa ici, les gens se permettent de morceler jusqu’à 5 mètres sur 5.

Est-ce que ce sont les éspaces qui manquent ! c’est au contraire la politique de l’aménagement du territoire qui n’était pas encore encrée dans le chef des congolais, on pensait que pour mieux vivre il faut s’entasser comme des sardines. Alors pour décongestionner, il fallait donner un schéma national, nous avons laisser derrière nous un grand projet, de la nouvelle ville de Kinshasa qu’on va appeler  »Kitoko ». Il faut qu’on déplace. On ne peut peut pas avoir une ville où il n’y a qu’un seul mouvement. Le matin les gens quittent Ndjili pour qu’ils viennent en ville, parce que c’est ici qu’il y a les stades, les hôpitaux, les marchés, la ville, les centres commerciaux, mais c’est impossible ! Il faut faire ce qu’on appelle l’équilibre des équipements. Autant on a les stades ici, on doit encore déployer un autre stade de l’autre côté pour que les mouvements soient dans tous les sens. Mais nous avons les mêmes mouvements, quand on a les mêmes mouvements, directement nous avons aujourd’hui ce qu’on pouvait appelé ville, qui n’est pas ville. Dans mes attributions, j’étais déjà sur un grand projet de pouvoir délocaliser et relocaliser tous les camps militaires. Depuis 1960, manque de planification spéciale qu’on appelle l’aménagement du territoire, qand on avait créé le Camps Kokolo, quand on avait créé d’autres camps ici à Kinshasa, c’étaient des camps militaires qui étaient à la périphérie. Mais aujourd’hui nous avons des camps militaires qui sont assiégés par les civils, donc les militaires sont déjà à résidence surveillée par les civils, aucun militaire bien que formé je ne sais pas en vientenam, en Russie en France ne peut rien faire, parce que les civils l’entourent et les camps sont devenus des endroits non stratégiques mais les passages de tout le monde. L’aménagement du territoire a fait un plan pour pouvoir délocaliser.

GH : Le projet « Kitoko » est perçu comme une utopie. Est-ce que l’on peut penser que c’est une utopie ? Et vous qui êtes au cœur de ce Projet qu’est ce que vous pouvez en dire!

AAM : Vous devez savoir que le projet Kitoko ne peut pas être perçu comme une utopie. Je veux informer ici haut et fort qu’un pays ou les grandes nations, aujourd’hui nous pouvons parler de la Chine, parce qu’il y a eu un homme d’Etat qu’il a eu à rêver. Parfois les premiers rêves apparaissent comme de l’utopie. Ce que nous appelons aujourd’hui la République Démocratique du Congo, mais c’était tout une forêt. Le colonisateur avait rêvé et il a tracé des routes là où il y avait la forêt, il a créé des villes là où il y avait des forêts, il a créé le chemin de fer là où il n’y avait rien. Donc exactement, c’est de l’utopie positive. Il faut rêver, transformer maintenant les rêves en un projet, le projet à un programme, un programme à un plan, un plan à une vision. Le projet Kitoko doit se réaliser parce que c’est un besoin incontournable aujourd’hui. La ville que nous avons maintenant, ne répond plus. Il faudrait qu’il y ait une deuxième ville, et celle-ci va s’accompagner avec des équipements, quand nous parlons des équipements. Prenons aujourd’hui Kinshasa, vous allez vous rendre compte que la commune de Lingwala est la commune qui regorge toutes les grandes institutions stratégiques. Quand vous êtes à Lingwala, c’est là où vous trouvez la Cathédrale d’abord, c’est là où vous trouvez la RTNC, le stade, le palais du peuple, le grand bâtiment administratif, le musée, le Camp Kokolo. Vous allez vous rendre compte que ça étouffe maintenant, il faut déployer. Aujourd’hui nous avons accepté la décentralisation, mais nous avons dans la même ville le gouvernement national et nous avons encore le gouvernement provincial, mais il faudrait que les ministres provinciaux puissent se retrouver dans une autre ville. Personne n’a condamné la RDC à garder une seule ville. Regardons ce qui se passe en Afrique du Sud, on peut vous parler de Sand town qui est une ville qui s’est créée après par rapport aux besoins. Lorsque vous arrivez à Sans Town, les sud-africains ne se sont pas contentés de Johannesburg, de Cap town, ils construisent des villes partout. Mais ici chez nous, nous sommes bloqués. Qui doit penser ? Il faut un planificateur, un rêveur, un amenageur, il faut quelqu’un qui doit avoir une longueur d’avance. Donc, le projet Kitoko est très avancé.

D’ailleurs, je tiens à vous rassurer que le président de la République vénait déjà de signer avec les sénégalais qui nous ont invités au Sénégal, un petit pays, qui a compris que la ville de Dakar devrait se déplacer. Les sénégalais ont créé une deuxième ville, très attrayante. Mais aujourd’hui, nous la RDC nous sommes incapables, nous nous contentons toujours du vieux habit notamment la Gombe. Mais à l’époque quand c’était Kalina, ce n’est pas comme aujourd’hui où nous sommesconfinés dans la même ville. Arrivons même en ville, vous ne savez même pas la place commerciale c’est où, vous ne savez même pas les institutions sont où, donc c’est méli-mélo. Ce projet Kitoko doit se réaliser pour le bien-être de notre peuple pour que les mouvements soit à deux sens. Et les espaces qui sont là-bas, vont non seulement nous aider à avoir une autre ville, mais aussi à la délocalisation de tous les camps militaires, les camps des policiers. Parce qu’un militaire doit quand même être rare dans la circulation. Quand vous prenez camp Kokolo ici, d’abord spolié, et quand vous y entrer, vous y trouvez trop des civils que des militaires, un camp qui a des boîtes de nuit, des terrasses, des dépôts, des débits de boissons, des restaurants, de tout ça … Et puis c’est tout un boulevard, les véhicules et taxis passent par là. Est-ce que réellement ces militaires sont dans une position de sauver ce pays en cas de problème ! Niet. Il faut que l’amenageur puisse dire tout haut.

Nous l’avons déjà dit à notre collègue de la défense, nous avons déjà parlé au Président de la République ainsi qu’au premier ministre, tous sont d’accord, et ce projet était piloter par moi, aujourd’hui nous sommes heureux de laisser sur la table un grand projet qui doit pouvoir donner la naissance à d’autres villes. À Lubumbashi, regardez la ville de Lubumbashi, elle mérite d’être rénovée et il faut en construire une autre ville. là je vous informe qu’il y a un grand projet d’une nouvelle ville qui est déjà en chantier et va démarrer d’ici deux mois, une nouvelle ville où il fera beau vivre, parce que, je dois confirmer mes propos, j’ai dit qu’aujourd’hui nous n’avons pas des villes. De quelle manière même se présentent les lotissements ? Ici, la logique de lotissement doit changer. D’abord, on lotit puis on cherche à amener l’eau, le courant électrique, les caniveaux après. non! Le lotissement doit se faire là où il y a d’abord la viabilisation. Cette dernière est l’attribution phare de l’aménagement des territoires. On doit d’abord viabiliser. On apporte de l’eau, de l’électricité et on aménage. On sait que les maisons vont commencer de X borne jusqu’à X borne, à partir de là il faut préserver la nature ainsi de suite. Ce que nous faisons aujourd’hui c’est ce qu’on appelle le lotissement sauvage. On amene les gens en brousse, avec des arpenteurs, on vent des terrains à vil prix parce qu’il y a la forêt, et qu’est ce qui se passe chez nous : le premier occupant donne d’abord sont nom à l’avenue, il construit de sa manière et il préfère que la route puisse donner l’entrée directe devant sa parcelle, parce qu’il n’ y a pas la planification.

Tout le monde est devenu planificateur comme tout le monde est devenu médecin qui peut se soigner de toute la maladie qu’il va rencontrer dans sa vie. Donc bref, aujourd’hui ce temps là est révolu, parce que nous avons maintenant la politique d’aménagement du territoire qui va travailler étroitement avec le ministère des affaires foncières, et celui de l’urbanisme. Les trois là sont des complices dans la gestion, dans l’affection, dans les attributions et dans la cohérence de ce que doit être la gestion de la cité, la gestion d’une ville. Donc Aujourd’hui, il n y a pas seulement celui qui a dans ses attributions les affaires foncières qui doit se permettre le matin dans une brousse où ce n’est pas viable et commencer à distribuer des terrains, finalement au lieu d’ajouter les villes, on ajoute des villages sans le savoir.

Propos recueillis par WAK
Et texte retranscrit par Djodjo Mulamba et Fiston Oleko

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