Politique

Interview Exclusive : Affaire Vincent Karega : Corneille Mulumba : « La RDC a fait preuve de trop de mollesse et trop de faiblesse »

Alors que la polémique enfle sur ce qu’on peut désormais appeler « Affaire Karega », les langues se délient et appellent la RDC à « se faire respecter » face à des attitudes jugées impertinentes de certains de ses pays voisins. Ce point de vue est notamment celui de Corneille Mulumba. Ce militant de l’UDPS de la première heure, ne s’embarrasse pas du langage diplomatique pour dénoncer les dires ou les écrits de l’ambassadeur Rwandais au Congo. En même temps, Mulumba fait le diagnostic de la marche du pays sous la gestion de la coalition. Pour lui, le verdict est sans concession : le pays va mal, mais « il n’est jamais trop tard pour bien faire », dit-il. Interview exclusive.

Il y a en ce moment une polémique qui risque de prendre des allures d’affaires d’Etat entre le Rwanda et la RDC autour des propos de l’ambassadeur Vincent Karega qui a rejeté d’un revers de la main les accusations sur le rôle et la responsabilité de l’armée Rwandaise sur les massacres des Congolais à Kasika, dans le Sud-Kivu en 1998. Selon vous, quelle pourrait être la meilleure attitude pour la RDC face à cette problématique ?

Je pense que cette affaire a un double volet. Il y a d’abord, vis-à-vis de la population congolaise, victime de toutes ces exactions rwandaises et qui a besoin de restaurer la confiance et de sentir que notre pays est dirigé et que ceux qui le dirigent sont en mesure de le défendre. De l’autre côté, il y a la dimension de l’image internationale de la RDC. Le Rwanda peut se permettre de parler ainsi, uniquement parce qu’on a fait preuve de trop de mollesse, trop de faiblesse. Il aurait fallu engager des actions internationales contre le Rwanda. Les troupes Rwandaises ont marché sur notre pays ; les troupes Rwandaises se sont battues dans notre pays avec les troupes ougandaises et il y a eu beaucoup des morts. Ce qui s’est passé à Kasika, l’armée Rwandaise qui encadrait le RCD ; on a enterré des femmes vivantes à Kasika, on a fait des choses horribles à Kasika. Je pense qu’il était important, immédiatement de renvoyer cet ambassadeur. J’ai beaucoup regretté que le président de la république se soit même souillé en le recevant. Je pense que la ministre des Affaires Etrangères devait le convoquer aussitôt et lui donner 24 heures pour partir de la RDC. Ce qu’ils ont fait c’est horrible. Quelle bonne relation pouvons-nous avoir avec le Rwanda, pendant que leurs dirigeants se comportent de cette manière ? Nous devons nous affirmer. On doit montrer que nos dirigeants sont capables de taper du poing sur la table lorsque les intérêts des congolais sont menacés.

Certains leaders politiques, notamment Adolphe Muzito avait demandé à l’Etat Congolais à « faire la guerre au Rwanda ». Comme lui, Pensez-vous que la voie martiale soit la plus indiquée ? Est-ce qu’il faut faire la guerre au Rwanda ?

Non. On n’a pas besoin, nous, d’aller attaquer le Rwanda. Dire cela, c’est mal évaluer les choses. Le Rwanda a quelle force pour faire face à la RDC ? Le Rwanda c’est l’équivalent d’un petit territoire Congolais. Donc si le Rwanda s’est permis ce qu’il s’est permis, c’est parce que les puissances étrangères étaient derrière lui, parce que le Rwanda sert de passage et transit pour piller nos minerais. Cela ne sert à rien d’engager la guerre avec le Rwanda. Il suffit simplement notre armée ; nous devons avoir une armée à la hauteur de la RDC. Vous savez, la Corée du Nord a une population de 25 000 000 d’habitants, mais elle a une armée de 1 250 000 soldats. La RDC peut avoir une armée même de 3 000 000 soldats. Mais regardez aujourd’hui, on n’a même pas d’hélicoptères de combat. Cela n’a pas de sens ! Pourquoi on n’a pas d’avions de chasse. Il faut reconstituer l’armée congolaise et on va nous respecter. On n’a pas besoin la faire la guerre au Rwanda. Avec un pays fort, le Rwanda se mettra à nos pieds. Militairement, politiquement et économiquement, on ne peut pas se confronter au Rwanda, c’est se ridiculiser. Le grand travail est à faire en interne en RDC et ça, ça n’a pas été fait.

Hasard du calendrier, le président de la République a annoncé la tenue prochaine d’un mini-sommet avec entre autres le Rwanda. A ce sommet, il sera question de parler de la sécurité dans la sous-région, les questions économiques et les relations diplomatiques. Que répondez-vous à ceux qui estiment que, plutôt que de se focaliser sur le passé qui divise, il convient mieux de regarder le futur et les points qui vont rassembler les deux pays ?

Moi je pense que compte tenu du comportement du Rwanda, nous on n’a pas du temps à perdre dans ces genres des rencontres. Je ne sais pas à quoi ce mini-sommet va servir. Tous ces pays-là ont marché chez nous. Les choses les plus importantes c’est en interne, en RDC. Comment nous renforcer en interne ; comment renforcer la cohésion nationale. Nous avons deux fronts à mener. Il y a le front économique, comment nous redresser et comment faire de la RDC une puissance militaire. Quand on aura ça, on n’aura pas besoin de sommet. Pourquoi aller à ce sommet et on laisse en interne les problèmes, FCC-CACH qui se disputent. On s’affaiblit en interne. Alors, on va se présenter au sommet, en étant faible. Actuellement, le président est trop faible pour aller là-bas, parce que tous ces dirigeants qu’il va y rencontrer, sont des militaires et exercent le pouvoir d’une manière ou d’une autre depuis longtemps. Que le président parvienne à obtenir d’abord le soutien des Congolais.

Dans quelques jours, c’est la rentrée parlementaire. La coalition est secouée en interne. Il y en a qui parlent même d’un processus de destituer le président de la république. Comment voyez-vous la session parlementaire qui vient et que faire pour que la paix revienne dans la coalition FCC-CACH pour le développement du pays ?

C’est vraiment regrettable. Expliquez-moi, comment les gens qui ont une majorité au parlement et qui ont un gouvernement, au lieu d’adopter des reformes et des lois importantes qui peuvent impacter les conditions de vie des Congolais, ils passent le temps à se disputer et se bagarrer sur des bêtises. Cela veut dire simplement qu’il y a eu erreur gravissime de casting. Vous avez des gens qui ne comprennent pas c’est quoi une coalition, qui ne comprennent pas c’est quoi un parti politique et qui ne comprennent pas quels sont les enjeux et quoi faire. Ces gens dans la coalition ne comprennent rien et moralité c’est qu’ils ne comprennent pas à quoi ils servent. Mais je pense qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. La coalition doit de constituer un bureau d’étude pour réfléchir de ce qu’elle doit faire sur le temps qu’il reste. Il faut un programme précis pour que le peuple se retrouve. Il faut renégocier la coalition et changer d’orientation dans la coalition.

Donc vous ne redoutez pas la destitution du président ?

Mais pour quelle raison chercher à destituer le président ? Pour quelle raison chercher à dissoudre le parlement ? Logiquement, je ne comprends pas. Jusque-là, je n’ai pas entendu un projet, venant du parlement ou du gouvernement, qui puissent impacter la vie des Congolais. Il y a une chose : le président doit réaliser qu’il n’est pas président comme Mobutu l’était, c’est-à-dire dictateur. Il n’est pas comme Joseph Kabila était, avec sa propre majorité. Il partage le pouvoir. Pire que ça, nous sommes dans une coalition, donc cela veut dire qu’il faut sans arrêt négocier pour avancer ensemble.

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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