Société

Vers la création d’une bourse de valeurs à Kinshasa : Nicolas Tangambata Mayele :  » La libéralisation du marché des assurances est une première étape d’une longue série de révisions législatives.  »

Il y a-t-il une corrélation mécanique entre le développement du marché des assurances et l’expansion des marchés financiers en République Démocratique du Congo (RDC) ? Réponse avec un expert en la matière.  » La libéralisation du secteur des assurances en RDC constitue une voie susceptible de promouvoir la diversification de l’économie rd-congolaise, engourdie depuis belles lurettes par des rentes minières émollientes. Cette grande réforme structurelle repose sur l’implémentation d’un grand marché financier domestique et ce, afin – entre autres – d’éviter qu’une bonne partie de la collecte de notre épargne ne s’évapore vers des contrées lointaines, plutôt que de doper notre croissance locale  », lit-on dans cette tribune que nous vous convions à lire de M. Nicolas Tangambata Mayele dont une copie est parvenue, le jeudi 16 septembre 2021, tard dans la soirée, à la rédaction de Géopolis Hebdo.

Selon ce Consultant en Finances et Gestion de Patrimoine à Lille (France),  » le Code des assurances, consécutif à la Loi numéro 15/005 du 17 mars 2015, représente une base de travail, voire une première étape d’une longue série de révisions législatives  ».

Après avoir installé l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (A.R.C.A.), la prochaine étape sera, sans conteste, pense Nicolas Tangambata, la création de la bourse de valeurs de Kinshasa.  » Cette bourse de valeurs sera le véhicule financier par excellence devant matérialiser l’édification d’un marché financier assez dynamique – bien entendu, dans le sillage de la mise en place d’une autorité de régulation des marchés financiers  », estime cet Ancien Chercheur au Centre d’Analyse de la Décision et de la Recherche Economique (C.A.D.R.E.).

A propos de Nicolas Tangamba Mayele

Pour la petite histoire, Nicolas Tangambata Mayele est Doctorant en Economie Monétaire de l’Université Scientifique et Technologique de Lille 1. Avant d’arriver à cette étape, notre correspondant a eu à présenter et à défendre avec brio un Diplôme d’études approfondies (D.E.A.). en Sciences Economiques Appliquées, option Espace Européen Economique et Social dans cette même Alma mater.

Il est, en outre, détenteur d’un Master en Finances et Gestion de Patrimoine de Skema Business School. Ancien Chercheur au Centre d’Analyse de la Décision et de la Recherche Economique (C.A.D.R.E.) de l’Université de Lille 2, Nicolas Tangambata est actuellement Consultant en Finances et Gestion de Patrimoine à Lille (France).

Dieudonné Buanali

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POUR LA CREATION DE LA BOURSE DE VALEURS DE KINSHASA

Généralement, l’on dit des africains qu’ils sont incapables de mener un projet jusqu’à son terme. Il va sans dire que les éléphants blancs éparpillés ici et là démontrent bien cette renommée peu flatteuse. En l’occurrence, la libéralisation du secteur des assurances constitue une voie susceptible de promouvoir la diversification de notre économie, engourdie depuis belles lurettes par des rentes minières émollientes.De prime abord, l’un des objectifs poursuivis dans cette grande réforme structurelle repose sur l’implémentation d’un grand marché financier domestique et ce, afin – entre autres – d’éviter qu’une bonne partie de la collecte de notre épargne ne s’évapore vers des contrées lointaines, plutôt que de doper notre croissance locale. Dès lors, le code des assurances, consécutif à la loi numéro 15/005 du 17 mars 2015, représente une base de travail, voire une première étape d’une longue série de révisions législatives.Aussi, après avoir installé l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (A.R.C.A.), la prochaine étape tient, sans conteste, à la création de la bourse de valeurs de Kinshasa, véhicule financier par excellence devant matérialiser l’édification d’un marché financier assez dynamique – bien entendu, dans le sillage de la mise en place d’une autorité de régulation des marchés financiers.En effet, il existe une relation mécanique entre le développement du marché des assurances et l’expansion des marchés financiers. A cet égard, après avoir collecté l’épargne auprès des ménages, les compagnies d’assurance s’emploient à les réinjecter dans les circuits de production à travers la redistribution des flux financiers dans les rouages économiques. Tous ces flux se déclinent sous forme d’investissements divers et variés : infrastructures, innovations, start up, immobilier, recherches et développement, prêts à long terme, fonds d’investissement, … avec des incidences vertueuses sur le développement de l’économie réelle, la création d’emplois, la stimulation des échanges internationaux, … Tout bien considéré, la création de la bourse de valeurs de Kinshasa reste le passage obligé pour atteindre cet objectif.

A l’évidence, chacun des acteurs économiques y trouvera son compte. Les ménages auront l’opportunité de diversifier leur épargne, sortant ainsi de cette vision étriquée, voire cet enfermement culturel consistant à s’offrir compulsivement des « parcelles » à tire larigot. De leur côté, les entreprises seront à même de lever des fonds pour pouvoir financer leurs projets d’investissement et d’expansion. Au demeurant, n’ayons pas honte de le dire tout haut, nos entreprises sont considérées comme étant des nains aux pieds nickelés ou – pour une toute petite poignée d’entre elles – des géants aux pieds d’argile, sur l’échiquier régional. Ainsi, avec la bourse de valeurs de Kinshasa, nous pourrions fabriquer – à terme – des champions industriels ou des colosses aux pieds en or massif capables de rivaliser avec leurs concurrents africains. En même temps, on observe dans le monde actuel, une course effrénée à la production des start-up. La question est simple : comment la R.D.C. pourrait-elle s’inviter dans cette compétition sans disposer d’une bourse de valeurs sur son sol ?Quant à l’Etat ou les collectivités, ils pourront réaliser certains projets d’infrastructure en faisant appel aux fonds privés domestiques et/ou étrangers. Ainsi, par exemple, grâce aux fonds d’investissement, l’Etat pourra construire l’autoroute Kinshasa – Lubumbashi (coût estimé : deux milliards de dollars U.S., hors ponts et viaducs) et ce, sans adopter cette attitude infantilisante consistant à aller quémander l’aumône auprès des institutions de Bretton Woods ! Si l’argent n’existe pas – litanie répétée à hue et à dia – il faudra l’inventer … via le marché boursier !Par-dessus le marché, l’Etat congolais – en sa qualité d’acteur économique de premier plan, sera appelé à prendre une part active dans l’érection de cette nouvelle architecture financière et ce, à travers le fonds souverain congolais.

D’ores et déjà, dans le souci de pouvoir constituer ce fonds souverain, l’on pourrait partir ex nihilo ou, éventuellement, absorber le Fonds de Promotion de l’Industrie – étant entendu que depuis quelques temps, cette structure s’est muée en un club de copains et de coquins. Il suffirait, par la suite, de trouver d’autres canaux d’alimentation pour que notre fonds souverain atteigne une taille digne des ambitions que nous nous serons assignés.

Sur un plan purement professionnel et sociétal, il s’ensuivra automatiquement une éclosion de nouveaux métiers et activités, dans le droit fil de l’explosion du secteur tertiaire : sociétés d’investissement, gérants de fonds, gérants d’actifs, traders, courtiers et négociants en valeurs mobilières, banques d’investissement, banques d’affaires, conseillers en investissement, conseillers en gestion de patrimoine, organismes de placement collectif, organismes de garantie et caution en prêts immobiliers, affacturage, promoteurs immobiliers, constructeurs de maisons individuelles, lotisseurs, sociétés de bourse, …De nos jours, l’Afrique compte trente-cinq places boursières, en sachant que plusieurs pays ont choisi de se regrouper au sein d’une même bourse de valeurs, comme en Afrique centrale avec la Bourse de Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (B.V.M.A.C.), ou en Afrique de l’ouest, avec la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (B.R.V.M.). Au total, sur les cinquante-quatre pays africains, il n’y en aurait encore que quatorze à ne pas disposer de place boursière. Et donc, le grand Zaïre figurerait parmi ces canards boiteux ! Il est temps de laver cet affront !Notons que l’Ethiopie – qui fait aussi partie de ces réfractaires, en dépit de la taille de sa population et de son économie – a eu par le passé une bourse de valeurs, l’Ethiopian Securities Exchange, dont les activités se sont arrêtées après le coup d’Etat de 1974.

Mais, d’un côté, la bourse des matières premières d’Addis Abeba a été mise en place en 2008. D’un autre côté, la banque centrale d’Ethiopie a finalisé, depuis 2020, un projet de loi visant à créer une autorité de supervision des marchés financiers. Cette étape est un pas vers la relance d’un marché financier au sein de cette importante économie d’Afrique subsaharienne. En fin de compte, grâce à la réforme structurelle consécutive à la loi numéro 15/005 du 17 mars 2015 portant code des assurances, la R.D.C. est disposée à entrer dans le club très fermé des pays émergents, à l’horizon 2030. Pour ce faire, nous devons compléter cette opération par d’autres révisions sociétales et législatives dont la prochaine consiste à doter le pays d’une place boursière. Bien entendu, les premiers pas ont été lents et bancals. Mais, il est encore temps de rectifier le tir.

Nicolas Tangambata Mayele

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