Politique

Tribune/RDC : soixante ans après lindépendance, brisons le cycle de la dépendance

Patrick Muyaya Katembwe

Il est temps de concrétiser le rêve de nos pères fondateurs et de construire une véritable indépendance politique et économique. La classe politique doit aujourdhui se rassembler dans un sursaut patriotique.

Histoire, mémoire. Des mots très en vogue par les temps qui courent, avec la vague Black Lives Matter venue dAmérique. En Afrique, elle ne soulève pas les foules mais elle ravive le triste souvenir dune colonisation sauvage dont les stigmates restent vivaces.

Ce mouvement coïncide, cette année, avec les soixante ans de lindépendance de nombreux pays africains. Mais le faste prévu ne sera pas déployé. La pandémie de coronavirus venue de Chine impose son ordre. Elle a changé les règles de vie et dicte au continent des méthodes radicales de lutte contre sa propagation.

Cest dans la méditation que Kinshasa célébrera lindépendance. Ce jour qui rappelle le combat des Pères fondateurs qui se sont affranchis, de haute lutte, du joug du colonisateur. Mais soixante ans après, leur rêve de grandeur semble séloigner de plus en plus. Nous, leurs descendants, navons pas pu assurer la pérennité de leur combat avec un engagement patriotique réel. Et pourtant, nous sommes mieux préparés et plus outillés. À qui la faute ? À lhéritage et à la culture politiques.

« Servir et non se servir »

Nous avons ainsi développé une dépendance à des pratiques qui plombent toute évolution vers une véritable indépendance politique et économique.

Primo : le tribalisme. Le recours à la tribu, facteur de réunification qui simposait avant lindépendance, reste lultime rempart des hommes politiques soixante ans après. Et pourtant, tous se réclament de la République qui sappuie sur des valeurs supplantant toutes les considérations tribales.

Secundo : le culte de la personnalité. Mobutu reste celui qui aura façonné le modèle du politique congolais, friand de gloire et dhonneurs. Il est difficile aujourdhui détablir une différence claire entre les concepts de « président-fondateur » et d« autorité morale ».

 » MÊME AVEC DES OBJECTIFS PARTAGÉS, NOUS SOMMES INCAPABLES DE NOUS UNIR. »

Tertio : le rapport au pouvoir. On se souvient de lexpression « Servir et non se servir », symbole du ras-le-bol de Mobutu face à légoïsme de ses dignitaires qui privilégiaient leurs intérêts à ceux de lÉtat. Et de laveu de Joseph Kabila : « Je nai pas réussi à changer lhomme congolais. » En trois décennies, nos dirigeants ont reproduit les mêmes comportements : népotisme, corruption, détournement des deniers publics, etc.

Quarto : la division. Même avec des objectifs partagés, nous sommes incapables de nous unir. Le plus grand gâchis, cest de voir que nous comptons des milliers de talents dans notre pays mais que nous sommes incapables de construire une intelligence commune pour sortir le pays de la pauvreté.

Voici résumées les tares qui caractérisent la classe politique et plombent le développement de ce pays-pilier pour lessor de lAfrique. En soixante ans, nous navons pas pu égaler le travail de construction du pays abattu par les Belges. Alors que la pression démographique ne fait que saccroître, aucun espoir de relance nest permis si lon ne combat pas, de manière acharnée, ces fléaux.

Jeunesse brillante

« Nous briser pour nous reconstruire », voilà la clé. Ceci impose une prise de conscience collective autour du diagnostic et requiert un leadership fort pour la mise en uvre de solutions adaptées. Le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, doit aujourdhui concilier les intérêts, toujours divergents, dune élite boudée par le peuple.

Certes, nous navons jamais été si nombreux et si pauvres. Mais jamais nous navons autant compté de Congolais préparés et prêts à relever les défis de notre temps. Il faudrait, dès à présent, que les politiques saccordent à construire une colonne vertébrale sur laquelle peuvent se greffer les différents talents, pour donner une nouvelle chance au pays.

La jeunesse de la RDC est une des plus brillantes du continent. Elle a développé une résilience qui lui sert de ressort pour entretenir le rêve dun pays fort. Il lui faut créer lécosystème, fait de lois et de politiques publiques, qui lui permettra datteindre son plein potentiel.

 » JEXHORTE LE PRÉSIDENT TSHISEKEDI À RASSEMBLER AUTOUR DE LUI SON PRÉDÉCESSEUR JOSEPH KABILA ET SES OPPOSANTS. « 

Sursaut patriotique

Un sursaut patriotique simpose pour marquer ce nouveau départ. Jexhorte le président Tshisekedi à rassembler autour de lui son prédécesseur Joseph Kabila, les opposants Jean-Pierre Bemba, Adolphe Muzito, Martin Fayulu, des représentants de Vital Kamerhe et Moïse Katumbi pour quils discutent et élaborent un schéma pour la mise en uvre des réformes quils réclament tous et qui vont jeter les bases de la transformation du pays.

Il naurait pas meilleure preuve de patriotisme pour ces principaux leaders qui prétendent tous aimer le Congo et vouloir défendre son bien au prix de leur vie.

« Nous briser pour nous reconstruire. » Ces mots simposent et signifient le début de la fin de la dépendance ainsi que la construction dune véritable indépendance politique et économique.

Par Patrick Muyaya Katembwe
Député du Parti lumumbiste unifié depuis 2011, Patrick Muyaya Katembwe est président du Réseau de jeunes parlementaires congolais, co-fondateur et rapporteur du Réseau de jeunes parlementaires au sein de lAssemblée parlementaire de la Francophonie.

GH/JeunAfrique

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