Editorial

Éditorial : Élections ou Dialogue ? – La classe politique devant un choix Cornélien

Seule la réalité a la force de changer les lignes, car elle porte les éléments essentiels qui bouleversent les rapports des forces. En République Démocratique du Congo (RDC), la réalité est tautologique, elle est lue sous l’angle de perception individuelle. Comment arriver à une même compréhension si on ne partage pas les mêmes préoccupations ?

Il a suffi d’une phrase du chef de l’État lors de sa dernière interview avec Tina Salama pour que la réalité crainte, s’impose dans le domaine du possible. Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a regretté la fin de la coalition Front Commun pour le Congo – Coalition pour la Changement (FCC-CACH). Cette évocation du passé est une sorte de remise en question du chemin parcouru depuis lors.

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Dans ce moment de vérité, presque de confidence, le numéro 1 du pays s’est donné le moyen d’autocritique et a, par exemple, regretté les échecs de la justice qui ne se donne pas les moyens d’un exercice noble. A partir de cette posture, il y a lieu de comprendre les différentes postures qui se développent dans la classe politique et qui réclament ce consensus avant les élections.

Élections à tout prix ?

Aller aux élections dans le délai constitutionnel est l’agenda de tous mais pas forcément le chronogramme réaliste, car des paramètres objectifs induisent une relativisation des axes principaux de cette séquence. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) est confrontée à la carence des moyens. Même si le Président Denis Kadima Kazadi ne le dit pas, il y a, à ce jour, des retards dans l’exécution des budgets. Beaucoup de charges sont non couvertes. Les élections étant une affaire des parties prenantes, celles mobilisées aujourd’hui développent un discours de boycott qui ne va pas crédibiliser le processus électoral. L’opposition, par exemple, dans une de ses tendances estime qu’il est impératif qu’un audit externe soit effectué sur le fichier pour sa légitimation. Les requêtes multiples et les réponses incomplètes ont fini par polluer le climat qui était déjà délétère mais qui en devient toxique.

Face à cette demande d’un consensus minimal pour une implication des grandes familles politiques et des forces sociales, il y a comme une forme de commisération et une tension qui vient s’ajouter à la tension déjà perceptible. Les congolais veulent d’un pays uni, mais que font-ils pour préserver cette unité ? Ils sont impliqués dans une kyrielle de contradictions ou se mélangent le fanatisme le plus nocif et la mauvaise foi la plus abjecte. Il s’invective à longueur des journées alors que l’ennemi prend pied sur les terres de vos ancêtres.

Entre-temps, ce manque de cohésion nationale, ajouté à la confusion de genre, a fini par fragiliser le peu de force de résilience face à l’adversité. Comment faire face à ce dilemme ? Allez aux élections sans la participation des partis importants de l’opposition où les insérer dans un processus de transition ? Voilà le nœud gordien qui empêche le pays de trouver le sommeil, car le chemin de la paix passe par un consensus national.

Au Chef de l’État et à la majorité de se poser les bonnes questions notamment, celles de savoir dans quel état sera le pays si des élections sont organisées sans la participation de l’opposition ? Serons-nous toujours dans un pays-solution ? Aux opposants de se poser aussi des questions notamment, leur désir de boycotter les élections et leur responsabilité de faire fonctionner une démocratie représentative ?

Personne ne peut savoir ce que va devenir le pays après les élections. Il pourrait tout aussi bien se porter à merveille et poursuivre sa marche vers des conquêtes nouvelles, c’est possible mais, il pourrait aussi basculer dans un chaos post électoral qui va agir comme un séisme sur les structures déjà fragiles de l’État congolais et s’effondrer en rompant les liens de la cohérence nationale. Ces deux scénarios sont possibles. La seule façon d’endiguer ce cauchemar est de traverser ensemble, la classe politique dans ces différences, ce moment de perturbation.

Il est venu le temps de la hauteur et de la profondeur, le temps d’épuiser le contenu sérieux des réclamations. Le temps de poser l’avion national sur un aéroport calme. Entre les mains de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le sort de cette nation au travers de cette équation politique.

Dialoguer pour quoi ?

Pour s’amenager le temps de la tempérance, pour cesser de se regarder en chiens de faïence, pour trouver ce qui rend semblables les politiques différentes, pour reconquérir le temps de la paix des grandes élaborations. Et pour impliquer les hésitants et parvenir à offrir au pays une fête électorale qui sera un moment de maturité nationale.

Si cette exigence morale nécessite une recomposition des équipes à la manœuvre, ce sera le moindre mal et le pays ne peut que gagner en réglant ses contradictions par le jeu de l’équilibre politique entre forces sociales que par une déflagration des sentiments fanatiques. Quelle que soit l’option levée par les politiques congolais, il est devenu impossible d’ aller aux élections sans un minimum de consensus.

Adam Mwena Meji

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